(Mark Twain) ▽ When angry, count to four; when very angry, swear.

Vendredi, fin d'après-midi. Ça veut dire weekend. Ça veut surtout dire que le cauchemar du lycée est terminé. Je suis cachée entre deux containers, histoire de fumer tranquille. Étant adulte et plus sur mon temps de travail, techniquement, j'ai le droit. Et puis ici, ce n'est plus vraiment la juridiction du lycée John Marshall ... ici c'est la propriété publique. Les déchets de Chicago. Mais j'ai pas vraiment envie de me faire remonter les bretelles par le boss, et puis ce doit être mon âme d'ado en crise qui remonte, quand j'ai la clope au bec. Je suis satisfaite d'avoir survécu à ma journée de boulot ingrat, mais pas spécialement pressée de rentrer dans mon appartement miteux...le besoin de nicotine est trop présent avant que je ne fasse quoi que ce soit d'autre.

Je ferme les yeux un instant, ailleurs. Le poison qui s'infiltre dans mes poumons a un effet vaguement calmant et je souris, en bonne addict' que je suis. Ce n'est que quand je n'ai plus qu'un reste de mégot entre les doigts que je décide de bouger, après m'être débarrassée des preuves encombrantes en écrasant la cendre d'une pointe de doc martens. J'enclenche la liste de lecture de mon natel et me mets à siffloter November Rain sans vraiment me soucier de si je dérange ou non les autres passants. Ils n'avaient qu'à avoir des écouteurs eux aussi tiens ! J'avance d'un pas sûr, mais ralentis en voyant un couple qui s'embrasse. Ils sont gay... Aaaaw, c'est chou. J'ai un début de sourire quand ce que je vois me fige complètement. Le plus grand des deux pousse l'autre. « Je savais que t'étais qu'une putain de tarlouze ! » Mon sang ne fait qu'un tour. J'ai beau pas être un modèle de bon comportement, s'il y a bien un truc qui me sort de mes gonds c'est l'homophobie. J'entends même pas le reste des insultes proférées par le salaud qui se met à frapper l'autre qui doit rien comprendre à sa vie. « HEY ! » J'en lâche mon natel et ses écouteurs au sol et m'approche à grands pas. Furieuse. Même sans me connaître on peut le voir ; je vois rouge. « Sale petit con de mes deux tu retires ce que t'as dit ! » Je le prends au collet et il a beau être grand, visiblement il sait surtout aboyer. Quoique le deuxième semble mal en point. Je le vois même pas. « Que je te revoie jamais dire ou faire ce genre de trucs tu m'entends ?! Je te jure que j'te tue si tu refais un truc pareil !! T'as bien compris ?!?! » Je me suis mise à crier contre l'adolescent, qui est devenu aussi blême que la culotte de sa maman. À croire que ma réputation d'ex-taularde a fait le tour des élèves du lycée. Il ne répond rien et se contente de prendre ses jambes à son cou, ce qui me fait lever les yeux au ciel. C'est lui, la tarlouze. Même si je déteste ce genre d'amalgame "orientation sexuelle vs lâcheté".

Les lèvres pincées, je retourne récupérer mon natel. Par chance, il est pas explosé. Par contre je l'ai abîmé. « Fait chier... » Je soupire et me rapproche du gamin au sol. Bon ... gamin ... il est juste pas adulte quoi. Je range distraitement le natel dans ma sacoche et le regarde. « ... hey. »
   

   
(Mark Twain) ▽ When angry, count to four; when very angry, swear.

Putain. Journée de merde, lycée de merde, club de merde. T’as cru avoir une réelle chance de t’intégrer, mais comme d’habitude, c’est parti en couille, littéralement. Déjà tu tombes sur des cinglés, soit une fille hispanique qui t’enferme avec son frère suicidaire dans un appartement, le fait que ce frère soit juste une bombe et que ton cœur manque de sortir de ta poitrine, et ces antécédents suicidaires. Le bonheur. L’ironie te prend encore, tu veux juste oublier un peu, mettre de côté ces lèvres que tu as embrassées plusieurs fois, les lèvres d’un stupide inconnu à ce moment. Alessio était devenu plus qu’un inconnu en peu de temps. C’est la merde, ce lycée, cette ville, le seul truc que t’as ici c’est une vie sanglante et détruite, hanté par des souvenirs et le dégoût de soi-même.

Le sang que t’as sur les mains dans le jeu tu l’as aussi dans les mains, et c’est plus qu’un rire sadique qui s’empare de toi quand tu le remarques. T’es un monstre, un putain de monstre sans visage, ou, un visage qui ne lui correspond que peu. Cours d’anglais, histoire, économie. Blasant, déprimant, angoissant, te trouant la gorge à chaque fois que le professeur te parle. Un gars, un footballeur, le genre de gars qui se fout des mecs dans ton genre, le genre de gars péter de tune et qui a été fini à la pisse, ce genre de gars avec qui tu te forces à être cordial.

Mur rugueux contre tes doigts quand tu t’appuies dessus, il doit te parler, et tu n'as pas envie de comprendre de quoi il s’agit, pourquoi il fait ça, et si ça va être filmé. C’est déjà arriver, t’as peur que ce soit gênant, pour lui et pour toi. Tu commences à avoir l’habitude, à force d’être un peu refermé si toi-même. Fin des cours, l’angoisse te prend, t’aime pas, vraiment pas, c’est comme ça, ça t’angoisse. Tu le rejoins, ce mec, que tu ne connais pas et veux pas connaître. Et il t’embrasse, avec violence. Tu veux le repousser, mais il viole sans impunité ta bouche, tu flippes, c’est déjà arriver trop souvent. Il met fin à ta torture, t’insultant et te frappant, homme au sol, plus facile à toucher, plus faible. Ta lèvre semble saigner et ton torse a pris un coup violent, avant qu’une voix typiquement féminine ne te sauve, en quelques sortent.

Tu captes à peine ce qui se passe, ce qu’ils disent, enfin, ce qu’elle dit, esprit embrumé et lèvre entrouverte, tu craches le sang au col, tu craches le goût de sa bouche à cette grosse peur, tu manques de vomir. Tu ne peux pas faire ça, pas à Alessio.

Tu le savais, c’était gênant, c’était violent, c’était douloureux pour ton ego encore une fois. Quand la blonde t’interpelle, tu redresses la tête, dans un mouvement paniqué, et tu reprends ta respiration difficilement. « Hey… » Tu lâches un doux rire, tu es faible, fatigué, tu veux voir Alessio, dormir dans ses bras, regarder le ciel de l’hôpital et attendre que l’heure des visites soit fermée. Tu te redresses doucement, essuyant tes lèvres avec un des mouchoirs que t’as dans la poche et tu tends ta main libre à la jeune femme. « Merci. J'suis Ruben, au juste. » Présentation, la base, toi tu la connaissais, c’était la bibliothécaire du lycée. Mademoiselle Walker. « Encore un gros con. » Tu soupirs.

   

   
(Mark Twain) ▽ When angry, count to four; when very angry, swear.

Il a l'air encore sous le choc, le gars. Je secoue la tête. Et merde. Vraiment, maintenant je vais devoir faire dans la charité maintenant ? Il a pas gagné, je sais pas vraiment faire ça. Je grimace un peu en voyant l'air paniqué qu'il a et lève les mains au ciel, comme pour lui montrer que c'est pas après lui que j'en ai. Un dernier regard de haine contre le grand qui est déjà au loin, au téléphone, probablement en larmes auprès de sa môman adorée... pfffft. Regard méprisant, je me concentre de nouveau sur l'autre, celui que j'ai sans doute dû croiser mais dont très honnêtement je ne me souviens pas. En même temps qui pourrait me le reprocher ? J'vois pas mal de gamins me passer devant à la bibliothèque et ils sont tous trop jeunes pour que je n'y prête vraiment attention. « Hey… » Il rit, doucement. Cette douceur, elle m'est étrangère et je ne la comprends pas ... je ne suis pas certaine de pouvoir la comprendre. Alors je le regarde, intriguée. « Merci. J'suis Ruben, au juste. » Je hoche la tête. Ruben. Je vais m'en souvenir, de lui. Le gars qui a rien compris à sa vie en quelques secondes. Remarque, c'est pas un reproche. On me baiserait la bouche pour ensuite me foutre un coup que je comprendrais pas non plus ce qui se passe. Je riposterais, fort probablement, mais y'aurait bien un moment où je comprendrais rien à la vie. Je prends sa main, 'paraît que c'est comme ça que ça se fait ici, entre adultes et jeunes. Se serrer la main. « Suzanne. » Je me retiens de rajouter mon nom de famille, il le connaît probablement. Ils m'appellent Miss Walker les gosses ici ... Ça me donnerait presque l'impression d'être le texas ranger et c'est pour ça que je les corrige pas. Surtout que le dirlo ferait un malaise s'il savait comme je me contrefous de ces formules de politesse à deux balles. « On est plus dans l'établissement alors c'est Suzanne. » Comme pour expliquer qu'il n'a pas à me vouvoyer ; que je suis pas si vieille que ça.

« Encore un gros con. » Là je le regarde, amusée. Il reprend du poil de la bête, le p'tit. « Combien qu'il se plaint auprès de papa-maman en ce moment ? » Ton de la complice alors qu'il y a une minute je menaçais un gamin de le buter. Mais j'en ai pas grand chose à foutre. Les regrets, d'habitude, je les ai que quand les conséquences de mes actes me frappent en pleine gueule. En attendant, on ne vit qu'une fois. « T'aurais le droit de porter plainte. » Ça, je le sais. J'étais témoin. Sauf que bon ... j'ai aussi déjà été élève au lycée et je sais qu'il ne le fera probablement pas ... ils le font jamais. Soit ils se laissent marcher sur les pieds, soit ils se battent et se font punir, soit ils changent d'établissement. En gros, c'est jamais les victimes qui gagnent, dans ce monde. « Et t'aurais dû lui foutre ton pied dans les parties intimes. T'étais bien placé pour ça. » Oui bon pour cela il aurait fallu frapper quand l'autre s'en serait le moins douté et aussi être un minimum souple... mais c'est faisable. Je sors une deuxième cigarette pré-roulée de la boîte où je les garde et je l'allume, tout en restant avec lui. 'Faudrait pas qu'il fasse un malaise.
   

   
(Mark Twain) ▽ When angry, count to four; when very angry, swear.

Connerie de vie, connerie de test que les gens s’amusent à faire passer aux autres. Bizutage. Concept créé par des crétins souhaitant faire souffrir à mort les autres, les nouveaux, ceux qui doivent avoir la tête dans une cuvette des toilettes et qui plus tard pour se venger feront décapiter un chat par ces gamins sortants tout juste de la primaire. Dure combat n’est-ce pas ? Celui de victime. Différent, pas parfait n'est pas en recherche de perfection, ô ça non, surtout pas.

La perfection est maussade et monotone n’est-ce pas ?

Princesse parfaite et directrice des pompons qui pisse des arcs-en-ciel et pète des paillettes et, son petit prince, bouffon, qui transpire la virilité par tous les pores de sa peau et qui sent la sueur à cent kilomètres alentour. Celui-là même qui joue au football et qui a une bourse pour aller à l’université, celui qui gagne tout grâce à ses muscles et qui refoule une homosexualité visible. Bien, on a tous les stéréotypes rassemblés. Toi t’es dans aucune case, pas le parfait, par le geek, pas l’intello, t’es juste toi, petit gosse caché dans le fond de la classe qui rêve un peu et qui tabasse les gens dès qu’ils te touchent sans te prévenir, la simplicité de ton existence est émouvante n’est-ce pas ? Ça en ferait presque chialer Hadès tiens.

T’es peut-être un peu pathétique non ? Qu’importe, t’as plus de dignité de toute façon, alors bon. « Je sais. » Tu lui réponds comme ça quand elle t’annonce son prénom, tu le sais, c’est écrit sur le site de l’école de toute façon, son identité n’est un secret pour personne. La bibliothécaire ancienne taularde, ça te fait ni chaud ni froid, une personne est une personne et tout le monde peut dérailler à un moment où à un autre. Suzanne Walker avait déraillé à un moment de sa vie et avait été délégué au pire job du monde, bibliothécaire dans un bahut pourri. Voilà. Elle a presque une vie plus pourrie que la tienne tiens. Tu ne supporterais pas cet afflux, et puis, le nombre de couples ayant pour fantasme de le faire dans la biblio’ bon Dieu ça te donne envie de vomir.

Elle a dû recevoir des avances aussi, ne jamais sous-estimé un lycéen qui aime les MILF. Jamais. « Bien, Suzie. » C’est mieux comme surnom et tu lui adresses un sourire en coin comme tu les aimes, surnom provocateur et moue de petit connard, que tu lâches bien vite pour retrouver un air d’adolescent qui plaisante. « Je l’entends pleurer d’ici. » Humour noir, sadique, méchant, peut-être dénué d’humour en fait ?

« On garde nos mises ? » Mises invisibles évidemment et qui n’ont même pas été énoncé. Porter plainte ? Idée, mais pourquoi exactement ? Pour abus de faiblesse ? Pas le temps ni l’argent pour aller voir le juge. « Je lui laisse une seconde chance, et je le tue dans le jeu. Sans état d’âme. On verra qui est le plus con des deux. » C’est dit presque sadiquement dans un craquement de tes mains, son étrangement dérangeant.

« J’aurais pu. Mais je laisse le monde s’autodétruire, il sera le premier à payer quand ses gosses le poignarderont dans le dos. » Sadisme réfléchit, murement, dégoutant, presque mutant. Tu la jauges du regard, voir si tu la choques, mais visiblement pas. « T’as fait quoi pour te retrouver avec un job aussi pourrit ? » C’est dit dans le blanc des yeux, d’une voix vive. « Vu comment t’es puni ça devait être grandiose. » Humour ? Non, définitivement pas, tu es sérieux, très sérieux.


   

   
(Mark Twain) ▽ When angry, count to four; when very angry, swear.

« Je sais. » Je le regarde et me retiens de lui dire qu'il pourrait au moins faire mine de respecter un tantinet plus la personne qui vient d'écourter une humiliation bien réelle...ça n'en vaut pas la peine. J'oublie parfois, que ce putain de lycée a un site web et que j'ai dû mettre ma putain de photo passeport dessus ... Suzanne Walker, documentaliste. Encore un terme pompeux pour ne pas dire babysitter de bouquins et mômes en explosion d'hormones. Surtout que j'ai pas le droit d'employer des termes trop vulgaires, au boulot. Ou bien mon agent de sécurité se ramènerait bien vite pour me rappeler ma part du contrat ; celle de tenter coûte que coûte une réinsertion dans une société qui ne veut pas de moi ... dans une société dont je n'ai rien à foutre. « Bien, Suzie. » Je hausse un sourcil à l'évocation de ce surnom qu'on ne ma encore jamais donné ... c'est pas comme si j'avais été cette gamine aux bouclettes blondes et innocentes. Mais son air vaguement provocateur et son sourire me font simplement balayer la provoc' d'un sourire amusé. C'est qu'un gosse après tout, et il a du cran.« Je l’entends pleurer d’ici. » Oui ... bien sûr. Moi aussi. 'Faut dire que j'y suis pas allée de main morte ; ça venait du coeur.

« On garde nos mises ? » « Bien sûr. » J'ai un air sûr de moi ... parce que je sais que ce sale gosse vit dans les jupes de sa mère. À l'évocation de la justice – en laquelle je ne crois que très médiocrement –, il repousse la proposition. Je m'en doutais, mais je crois que j'étais obligée de le dire. Un peu comme pour exprimer maladroitement que j'étais de tout cœur avec lui ... si tant est que j'en aie, de un cœur. « Je lui laisse une seconde chance, et je le tue dans le jeu. Sans état d’âme. On verra qui est le plus con des deux. » Je le regarde, complètement intéressée, d'un coup. Le jeu. Bien sûr...ils y étaient tous inscrits, ces sales gosses. Quoique lui, avec sa gueule d'ange ... on n'aurait pas dit. Mais visiblement, même les plus angéliques ont des choses à cacher ... et à voir la soif de sang dans son regard, je me doute bien qu'il n'est pas chez les Atom. « J'assisterai avec joie à ce combat. » Rien que pour la joie de voir le fils à papa, ce lâche, se faire démonter la gueule par Face d'Ange. Dit comme ça, on peut pas vraiment savoir si ce que j'énonce est une demande, une promesse ou encore une hypothèse ... qui croirait qu'une 'vieille' comme moi jouerait à des jeux pareils ? Pfft. Je cache mal mon jeu ... je ne le cache pour ainsi dire pas du tout. Y'a juste l'emplacement du tatouage de gamer qui est assez stratégique pour que seul un nombre limité de gens y ait accès. Du coup, à moins de me croiser à Darwin Harbor, on se doute pas forcément que je sais utiliser ma connexion internet pour m'amuser à trucider des gens in game.

De justice, il en a soif. De revanche, même. Mais d'une façon bien plus archaïque que celle acceptée actuellement dans le monde. Il use des mots sans aucune pudeur, comme pour jouer au plus fort. Avec moi ? Pas de chance, petit ... je suis difficilement impressionnable. Mais j'admire la ténacité, du coup je souris, alors qu'il espérerait probablement un recul de frayeur, ou de grands yeux inquiets. « T’as fait quoi pour te retrouver avec un job aussi pourrit ? » Il semble curieux. Trop, peut-être. Mais j'm'en fous ... combien de fois j'vais devoir en parler ? J'en ai rien à foutre. Ce job pourri me permet au moins de manger ... dormir ... et vivre une vie sans aucun intérêt. « Vu comment t’es puni ça devait être grandiose. » Là, je le fixe un instant dans les yeux et éclate de rire. Un rire perçant, lugubre au possible. Grandiose ? Si ça l'était j'aurais pas fini en taule. Je partage cela avec lui à haute voix, tout en tirant une taffe de ma cigarette. Je ne fais pas attention à la direction de la fumée, pour ainsi dire je n'en ai rien à fiche. Grandiose ? Peut-être, qui sait ? J'ai quand même écopé de deux ans...c'est pas rien. Je hausse les épaules. « J'ai tué personne, sinon j'y serais encore. » Ou comment répondre sans donner la réponse attendue, interlude par Suzanne Walker.

   

   
(Mark Twain) ▽ When angry, count to four; when very angry, swear.

Ironie dont tu es devenu le maître, sarcasme, provocation, c’est horrible hein ?  Est-ce que ça ressemble au Ruben normal ? Celui qui acquiesce juste naïvement ? Pas du tout, ton « vrai » toi ressort et c’est étrange. Gueule d’ange mais âme de démon, cet adage te va parfaitement, n’a-t-il pas été créé juste pour l’âme que ce corps abrite ? Pauvre crétin avec des idéaux, des réactions, avec de la peur au plus profond des yeux, se cachant dans sa coquille pour se protéger, pauvre gosse trop vite sort de l’âge innocent. Gosse avec des repères qu’il voit flous.

C’est con d’être ainsi, totalement déconnecté de ta réalité, complètement hors de contrôle, totalement toi. C’est drôle hein ? Tout le monde rit, encore une fois, mais t’es juste un gosse qui zappe tout, qui s’en branle de sa vie de paria, de tueur, de monstre, qui s’en fout de ce qu’il est ou n’est pas, il veut juste grandir un peu plus, faire entendre sa petite voix mélodieuse et son point de vue monstrueux à cette société qui va juste l’accepter à bras ouverts parce qu’il convient à leur mentalité dépasser. Ah, tu t’égard, petit enfant esseulé dans ces mondes de grands. Grande blonde devant toi, tu la jauges du regard, trop violente, pas une âme à prendre, même pas dans le jeu.

« Je t’offrirais une place au premier rang Suzie. » Même regard arrogant. Adulte que tu méprises, tu ressens aussi ce besoin avec elle, mais c’est moins qu’avec les autres, tu pourrais même l’apprécier.

Tu lui adresses tout de même un air d’ange et un sourire plus au moins sincère. Tu poses tes questions, impunément, te fichant du nombre que tu poses, débilitée concentré ou réel intérêt ? Tu ne pourrais pas le dire, t’es un peu aveugle face à tes propres réactions.

T’es aveugle face à tout, n’est-ce pas ? Faudrait que t’enlèves le drap qui te couvre les yeux à un moment donné, pour voir le monde à travers tes yeux d’enfants, pas celui d’adolescent traumatisé par son enfance. Sa réponse te fait sourire, c’est sûr. « Dommage. » C’est fluet, presque triste, déçut, ah, oui, la folie, trait de caractère chez toi. « T’as la tête de l’emploi pourtant. » Tu soupirs et regarde ta montre. « Pardon Suzie, c’est l’heure du goûter des enfants. J’dois me bouger. »

Tu fais un sourire un coin, sûr qu’elle ne comprend pas, mais tu dois nourrir Lucia et Sam. Pour Alessio, ouais, soit un ange pour lui. « A plus tard Suzie ! »