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 l'air de rien, on étouffe (vincent)
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MessageSujet: l'air de rien, on étouffe (vincent)   l'air de rien, on étouffe (vincent) EmptyVen 1 Jan - 12:41
« … vous comprenez, on peut pas gérer ça, c’est pas notre travail. Faut faire quelque chose ! On demande pas grand-chose, un minium de participation contre un lit et un repas. Même ça, il ne le fait pas, mademoiselle. Quand il revient, c’est chaque fois la même chose. Si rien change, on devra le mettre dehors, c’est mauvais pour les autres personnes, vous comprenez... ». Evey ne sait même pas ce qu’elle répond à cette voix sincère et compatissante, et elle promet de venir au plus vite dans la journée. Elle s’excuse encore une fois et raccroche le téléphone. Il lui faut quelques instants pour trouver la force de se lever avec la certitude de ne pas s’effondrer. Dans sa poitrine, son cœur bat à un rythme qui semble complètement aléatoire, définitivement fou, et elle a un léger vertige. En vérité, elle pleurerait, si elle se l’autorisait. A la place, elle respire, et se compose un visage le plus neutre possible, et quand elle s’approche de Nicole, sa collègue, c’est avec un ton véritablement détaché qu’elle lui fait « Nicole ? Je dois m’absenter pour le reste de la journée, j’ai une urgence à gérer. Je garde mon téléphone avec moi, n’hésite pas à m’appeler si tu as besoin ». L’autre hoche la tête, lui demande si ça va aller, et Evelyn répond avec un sourire que oui, ça ira. Et l’autre paraît satisfaite et soulagée. Elle rassemble ses affaires rapidement et les jette sur la banquette arrière de sa voiture. Ses pensées s’entrechoquent avec une rapidité incroyable, et conduire ne parvient même pas à la calmer un minimum. Elle angoisse véritablement et n’arrive pas à anticiper la rencontre à venir. Elle se prépare pour quelque chose de douloureux, et se persuade qu’elle pourra affronter la tempête et en ressortir le moins abimée possible. Et Evey est tellement habituée à se mentir que ça fonctionne un peu. Vincent est sorti de prison depuis bientôt deux mois, et comme durant son incarcération, n’a répondu à aucun de ses appels ni aucun de ses messages. Elle aurait préféré qu’il l’envoie chier, au moins aurait-elle la certitude qu’il lit ses messages, qu’il sait, quelque part, qu’elle pense à lui. Mais rien. Rien que le même silence obstiné depuis des années, rien que des espoirs qu’elle ne peut s’empêcher de laisser un peu trop grandir et qui emporte une partie d’elle chaque fois qu’ils meurent.

Il pourrait venir chez elle, il y a de la place. Le canapé est convertible dans le bureau, et elle s’arrangera pour qu’ils se voient le moins possible, si c’est ce qu’il veut. Il pourrait se reposer, au moins quelques jours, ils pourraient peut-être parler, tenter de renouer. C’est plus fort qu’elle, elle s’emballe, elle s’imagine avoir enfin l’opportunité de sauver son frère de ce qui le ronge de l’intérieur depuis autant de temps. Elle voudrait tant, comprendre et l’aider. Elle voudrait juste qu’il accepte que cette main tendue, l’est sans jugement ni aucune arrière-pensée ; c’est la même main qu’elle tendrait à n’importe qui – elle s’y acharne plus uniquement parce que Vincent est son petit frère, et qu’elle se persuade qu’il vaut mieux que ce qu’il montre sans cesse. Déjà, elle a complètement revu l’organisation de l’appartement en prévision de l’hypothétique venue de son frère chez lui, prévu de faire un double des clefs et même de contacter quelques connaissances qui pourraient l’aiguiller sur la marche à suivre avec lui. Elle est fébrile, Evey, lorsqu’elle se gare devant le refuge. Ses jambes tremblent, elle sent le sang battre dans ses tempes et elle a le cœur au bord des lèvres. Elle va gerber. Elle est heureuse et terrifiée à la fois. Paniquée à l’idée de se retrouver face à son frère pour la première fois depuis… impossible à dire avec précision. Trop longtemps. « Bonjour, je suis Evelyn Talbot. On m’a appelée pour mon frère… », elle fait avec le plus de calme possible – mais impossible de masquer les échos d’angoisse dans sa voix qui chevrote un peu. Le type à l’accueil lui répond sur le même ton qu’au téléphone, mais elle n’écoute déjà plus quand il lui demande de la suivre et la laisse devant une porte close.

Elle reste un temps infini, figée devant cette porte. Elle a envie de pleurer, de partir en courant. Pourtant, elle trouve le courage de frapper trois coups discrets avant de pousser le battant et de pénétrer dans la petite chambre.  Elle avance de quelques pas dans la pénombre attrape la chaise qui traine et s’assoit à côté du lit. Vincent est là. Impossible de savoir s’il dort ou s’il est éveillé. Le sanglot reste bloqué dans sa gorge quand elle le découvre ainsi. Si pâle, si maigre. Il semble complètement brisé et elle porte deux mains à sa bouche pour camoufler le petit cri étouffé qui en sort. Qu’a-t-on fait à son frère pour qu’il se retrouve dans un tel état ? Qu’a-t-il fait ?. Elle se retient de le toucher, il n’aimerait pas. Il n’aimera déjà la trouver là, dans cette situation. Elle voudrait, pourtant, tenir au moins sa main, et le réconforter, lui apporter du soutien, n’importe quoi. «  Vincent », elle murmure doucement. « Vincent, je suis là. ».
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MessageSujet: Re: l'air de rien, on étouffe (vincent)   l'air de rien, on étouffe (vincent) EmptyDim 3 Jan - 17:39
Le volet pèse sur la lumière. Il ne filtre pas la totalité du jour, mais c'est assez pour envelopper la chambre d'un voile opaque et confortable qui épargne les rétines et le crâne abîmés par les abus. L'abus de quoi, au juste ? L'abus de tout. Vincent ne pose pas de nom sur les effluves dans son nez et les goûts sur son palais. De vagues relents lui remontent dans la conscience et son cerveau, patient, les analyse prudemment, les uns à la suite des autres. Ça lui prend des heures de semi conscience, à osciller entre le sommeil et l'éveil. Il n'est pas pleinement propriétaire de sa raison, et de son intelligence. A la faveur de ses pensées, il attrape des éclats, les collent et les assemblent, souhaitant sûrement que ça ait du sens. Ça n'en a pas. C'est, à peine, et en notes vaporeuses, le ressac de sa nuit, et des nuits précédentes, qui s'agglutinent comme un dépôt pour lentement le reconstituer. Pour le moment, il est la moitié de l'être qu'il est normalement. Il ne peut pas réfléchir au dégré de morcellement qu'il peut opérer contre lui : il serait incapable de se reconnaître mais, heureusement, le corps humain, lorsqu'il est vaincu par l'alcool et la drogue, n'a même plus le pouvoir de penser l'essayer.

Le rai lumineux qui pénètre dans son antre n'est pas factuel. Vincent n'entend pas la porte et le glissement de la chaise sur le linot de la chambre n'attaque pas les tympans d'un junkie. La voix, en revanche, est d'une tonalité trop familière et, plus que tout, elle est incroyable et exceptionnelle. Ces deux adjectifs, pour lui, n'ont rien d'intéressant : l'incroyable est souvent déplaisant et l'exceptionnel n'est jamais souhaité. Alors le timbre perce les remparts de son esprit comme un faisceau glacé et impossible à ignorer. Ça lui provoque un blocage dans le cœur et le frottement de ses entrailles les unes aux autres. On dirait, à la contraction qu'elles machinent, qu'elles essaient de le disloquer de l'intérieur. Il se plaint, avec horreur et silence, de sa gorge serrée et du sursaut colérique qui lui prend le bide sans que son état, foutrement décrépit, ne puisse le manifester.

Alors il fuit, aussi vite et aussi pathétique qu'il est possible. Vincent roule sur le matelas, une souffrance dans les os de son flanc. Il a le vague souvenir d'un mauvais coup, d'une semelle un peu dure. Un grognement pour lui ouvrir la bouche, il serre les poings enfoncés dans les tissus du t-shirt, dissimulés par tout son dos recroquevillé. Parce qu'il ne peut pas ouvrir les yeux sans souffrir de se réveiller pour de vrai, il presse fort les paupières et s'enfonce dans les brumes de rêves sans tain. C'est terriblement inefficace. Ses sens sont décuplés (ou, plus exactement, la réalité venue à sa rencontre est d'une telle violence qu'elle l'oblige à se ré-approprier la totalité de ses sens) et il perçoit le souffle mal-contenu, et la tension qu'il ne sait pas s'il doit l'attribuer à la peur, à la tristesse ou à cette pitié remarquable dont Evelyn Talbot est un peu trop capable.

« Va-t'en, dit-il lorsqu'il n'y tient plus. » Les inflexions de sa voix lui disent qu'il a hurlé. Pas maintenant. Avant. Vincent se palpe le front, parce que le souvenir est quelque part là-dessous et qu'il aimerait le retrouver à tâtons. Rien. Parce qu'elle est là et qu'elle brise le rituel qui consiste à rattraper tous les morceaux de lui éparpillés. « Va-t'en ! » Le lamentable frère se cabre. Ce contre quoi il se bat est bien invisible. Le monstre qui l'attrape à la gorge et l'empêche d'inspirer vit dans sa tête.


Dernière édition par Vincent Talbot le Mar 12 Jan - 9:43, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: l'air de rien, on étouffe (vincent)   l'air de rien, on étouffe (vincent) EmptyDim 3 Jan - 18:46
Evey observe Vincent se battre contre ses démons. En silence, elle le regarde lutter pour maintenir sa conscience à fleur d’esprit ou contraire, pour replonger encore. Encore plus loin. Et tout ce temps, elle doit prendre sur elle pour ne pas quitter sa chaise et s’installer à ses côtés, le prendre dans ses bras, et le bercer, jusqu’à ce qu’il pleure, qu’il crie, qu’il expulse enfin ce qui le ronge, d’une façon ou d’une autre. Mais elle reste bien droite sur sa chaise, et seules ses mains dont elle triture les doigts trahissent son trouble. Evey joue si bien la comédie que rien sur son visage ne trahit son désarroi. Ça n’a pas toujours été aussi compliqué, entre eux. Dans son esprit, souvent, flottent les souvenirs d’enfance. Elle se souvient qu’enfant, elle entrait dans la chambre de son petit frère pour le veiller, et promettait à ses parents avec la voix impérieuse des enfants que jamais rien ne lui arriverait . Elle le contemplait dormir des heures durant, ravie d’avoir un petit frère à choyer et à aimer. Impossible de savoir précisément quand tout avait commencé à basculer, quand la rivalité les avait gagnés pour les séparer. Evey gardait précieusement ces fugaces souvenirs et s’y accrochait quand elle avait besoin de se rappeler qu’avant, ce n’était pas si compliqué. Elle s’y accrochait parce qu’elle se persuadait que ce n’était pas irrémédiable. Elle s’y accrochait pour tenir cette promesse enfantine.

Et si son visage ne trahit rien, en elle, c’est le bordel, tout s’écroule. Ce n’est pas la première fois qu’elle assiste à une redescente de son frère, mais c’est le genre de chose qu’on tente d’oublier pour ne jamais avoir à se rappeler combien c’est douloureux. La jeune femme contrôle sa respiration, pour qu’elle ne soit pas trop bruyante, qu’elle ne révèle rien des sentiments et des pensées qui s’entrechoquent dans son esprit. Ses lèvres se serrent pour ne pas craquer quand il lui tourne le dos et qu’il refuse de la voir. Oh, elle s’y attendait, elle savait. Mais l’affronter n’en reste pas moins terriblement blessant. Il sait que c’est elle, c’est certain, et il la fuit. Toujours, il fuit. Il n’y a qu’un pas pour les séparer vraiment, mais c’est un gouffre qui se dresse entre eux. Un gouffre qu’elle peut traverser, si elle en trouve le courage. S’il l’accepte. Si… « Vincent… » elle répète à nouveau, dans l’espoir fou de réveiller quelque chose en lui, d’attraper une bribe d’attention. Et la réponse ne se fait pas attendre, cette fois. « Va-t'en ». La voix écorchée de son petit frère lui fait l’effet d’un poignard qu’on lui plante dans la poitrine, pile au milieu, là où c’est le plus douloureux. Elle est à deux doigts de s’exécuter, de se lever et d’attendre dehors une heure, deux heures, plus s’il faut. D’attendre qu’il soit un peu plus lui.

« Va-t'en ! » La douleur est plus vive dans les chairs d'une plaie ouverte. Ca lui coupe le souffle tant c'est violent. C’est ce qui la retient de faire le moindre mouvement. Il s’est dressé comme pour frapper quelque chose, quelqu’un, et Evey ne peut retenir le mouvement de recul qui la prend toute entière. La peur est bien vite effacée par une impression de vide qui la ravage de l’intérieur. Ce n’est pas Vincent. Ce n’est plus Vincent. Les faibles rayons de lumière qui filtrent par le volet lui permettent d’en voir assez. D’en voir trop. Lâches, faibles, ses yeux se détournent de ce corps faible et malade, de ce jeune homme qui hurle en silence tout son malheur. Evey se bat contre l’envie de se lever et de fuir, de pleurer. Parce que pire que ce qui la torpille à l’instant, il y aurait ce sentiment de défaite. Elle l’abandonnerait, elle aussi, elle lui donnerait une bonne raison de croire qu’elle l’a laissé tomber – quand elle sait que ce n’est pas tout à fait la vérité. Quiconque aurait baissé les bras bien avant elle, aurait tourné les talons en se disant qu’on ne peut pas sauver les gens contre leur volonté. Pas Evelyn Talbot. Son visage se redresse tandis qu’elle se décale pour s’assoir sur le lit, à côté de lui. Elle attire son attention et ses pupilles se fixent dans celles de Vincent. « Non ». Le ton est ferme mais doux, maternel, presque. Il lui en voudra sûrement. Elle est prête à recevoir toute sa colère, toute sa rage, tout son chagrin. Elle est prête. Ses mains vont chercher les poignets du jeune homme pour le forcer à lui faire face.  Ses doigts tremblent un peu contre cette peau fraiche et fragile. « Non », elle répète. « Je ne pars, Vincent.» Et maintenant qu’elle en est rendue là, elle ne peut plus faire marche arrière. Elle est terrifiée, pourtant. Evey refoule le sanglot qui menace de briser son courage. « Je suis , Vincent». Elle affronte courageusement le regard noir de son frère et elle ne fléchit pas.
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MessageSujet: Re: l'air de rien, on étouffe (vincent)   l'air de rien, on étouffe (vincent) EmptyMar 12 Jan - 10:57
Le poids qui creuse dans le bord du matelas, Vincent l'accueille, malgré son humeur, malgré lui, et la rejette d'une main leste, trop molle pour s'opposer avec sérieux. Les doigts coupent dans l'air opaque – une sorte de nageur dans un étang de boue – et n'attrapent ni prise ni victime. Elle est omniprésente et curieusement impalpable et, si ses billes hagardes la discernent, sa perception des distances échoue à le faire attaquer. Machinalement, un gamin jaloux dans le corps, il tire sur le drap qui ne vient pas. Il insiste sans férocité ni énergie. Il n'en a pas. Vincent voudrait lui gueuler de virer ses fesses de là et, avec ça, d'aller se faire foutre dans des formules tellement savantes qu'il ferait de la vulgarité un art et du Moyen-Âge, la Renaissance. Au lieu de quoi, un grognement, même pas humain, mais vaguement animal, raconte toute sa défaite. Evelyn n'a aucun mal à l'obliger. Elle l'emprisonne et elle le gronde d'une syllabe qu'elle répète. Son frère essaie, il essaie de s'arracher à elle, et de la quitter : ses mains ne répondent pas, comme si les doigts d'Evey, ces étaux de peau et de phalanges, empêchaient l'ordre survivaliste d'irriguer nerfs et cartilages. Alors, les mains d'abord. Puis les poignets. Et finalement les deux bras choient, les muscles en reddition, et l'agitation d'un pantin sous entrave. « Lâche-moi, dit-il lentement. » Pas certain de vriller son regard à l'endroit du regard, Vincent s'efforce de relever le menton. « Lâche-moi ou j'te casse la gueule, il promet. Et si tu crois que j'le ferais pas, alors t'es encore plus conne que ce que j'croyais. » Tout l'effort venu de l'épaule jusqu'au coude, il brise l'étreinte et déplie le pouce, l'index, le majeur. Les sensations au bout de ses doigts sont pauvres, et finalement avares. Il y renonce lorsqu'il surprend les tremblements familiers qui l'agitent. Il n'est pas mort. Ce n'est pas un rêve. C'est la putain de réalité, bien concrète, c'est celle qu'on peut toucher et qui peut étrangler. Cette chambre existe. Son cadavre en-dedans. Alors Evey aussi.

Vincent se lève. Il tombe sur les genoux, à bas de son lit à taille d'enfant. Parce qu'il sait qu'il ne la fera pas partir, il veut fuir. Sur le moment, ça semble aussi probable que de fendre une brique avec la paume. Ses jambes demeurent, sous lui. Elles le font asseoir très sagement. Il n'a pas le choix. Il n'en peut déjà plus d'être obligé.

Il faut maintenant hausser le regard, et observer l'observatrice. Le palais abandonne un petit goût âcre sur la langue, et Vincent s'exécute malgré toute la souffrance qui se répand comme un éclair dans sa poitrine. A l'éclairage de ces éclats, la silhouette apparaît, à chaque seconde plus distincte qu'à celle d'avant. Bientôt, elle forme un arc lumineux. Il jurerait qu'il est encore défoncé. Néanmoins, il jurerait encore plus violemment qu'Evey n'est jamais là, quand il est libre. Le fait est qu'elle le dégoûte. Avec sa bienfaisance. Son honneur. Evelyn a toujours eu cet air de sauver le monde. Et une volonté sincère de le faire. C'est le pire. Donnez cela à contempler au même gamin pendant quinze ans... et, bien sûr, il vire fou. Il s'emploiera méthodiquement à la haïr, cette sœur et cette alliée qui le trompe. Soupirant, il pousse le dos contre le cadre du lit. « Vas-y, il articule en se frottant les yeux. Fais-moi le sermon habituel. » Un picotement dans le nez, Vincent renifle en balafrant sa lèvre d'un rictus fade. « Dis-moi combien j'déconne, combien j'ai du potentiel... et j'te dirai combien tu peux aller t'faire foutre. »

Il n'a plus pensé à sa sœur depuis cent ans, il lui semble. Il n'a plus pensé depuis longtemps, aussi. Or, les choses qui lui reviennent à la mémoire de la raison comme au souvenir de la haine se mêlent avec extase pour remplir le néant. Il sent qu'on le remplit de quelque chose, et il s'avère qu'il est parfaitement prêt à accueillir n'importe quoi.
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MessageSujet: Re: l'air de rien, on étouffe (vincent)   l'air de rien, on étouffe (vincent) EmptyMer 13 Jan - 2:03
Le soupir est résigné lorsqu’il passe ses lèvres. A quoi elle s’attendait ? Que cette fois, ce serait différent ? Qu’il l’accueillerait les bras grands ouverts, tout sourire ? Non, ce n’est jamais aussi simple. Ça n’a jamais été aussi simple. Elle se pensait capable d’encaisser, mais elle n’y arrive pas. Il se débat et bientôt, elle se résigne à le libérer. De justesse, elle retient le geste qu’elle esquisse en sa direction lorsqu’il chute. La vérité, c’est qu’Evey ne sait pas quoi faire, elle ne sait plus quoi faire pour Vincent. A-t-elle jamais su ? Impossible de se remémorer la dernière fois qu’ils se sont vraiment parlés. Et compris. Les larmes coulent en silence le long ses joues et ses mains s’empressent de les masquer rapidement. Interdiction de craquer, elle n’en a pas le droit, pas maintenant. Evey sait pertinemment que c’est aussi la drogue qui parle. C’est plus facile de s’en persuader et d’y croire. Et quand bien même ce n’est pas le cas, cette fois, elle décide qu’elle ne lui en tiendra pas rigueur, qu’elle n’a pas fait ce trajet pour rien. C’est chaque fois la même histoire tragique, elle s’imagine pouvoir renouer, pouvoir le toucher d’une quelconque façon. Et chaque fois, c’est plus dur d’encaisser le refus obstiné de Vincent, sa violence et son cynisme. Est-ce que Vincent pourrait vraiment s’en prendre à elle physiquement ? Il n’a jamais rien tenté dans ce sens jusqu’ici, et la meilleure partie d’Evey est convaincue que ce sont que des mots lancés dans le vent. Une autre lui murmure que, peut-être, il en serait capable. Elle n’y prête pas attention.

« Je suis pas l’ennemi, Vincent ». Elle s’est levée pour s’installer à son tour sur le sol, face à lui, le dos contre le mur. Et l’espace entre eux est soigneusement calculé pour qu’il la sente assez loin de lui, et qu’elle puisse se précipiter en cas de besoin. Les souvenirs qui se fracassent dans son esprit sont bien trop vifs, maintenant pour qu’elle les ignore. Combien de fois ont-ils frôlé la catastrophe, combien de fois est-t-elle restée des nuits entières à attendre chez eux, alors que ses parents l’accompagnaient dans l’ambulance ? On ne s’habitue jamais à ces nuits d’angoisse et d’attente fébrile. On n’oublie jamais les premiers gestes, ceux qui sauvent, ceux qu’elle a effectués à de trop nombreuses reprises. Evey n’a jamais oublié l’horreur indicible de ces moments, la terreur qui la torpillait, et sa solitude de n’avoir personne à qui parler. Les genoux remontés contre sa poitrine et le menton enfouis dans ce petit espace, elle ne rajoute rien et garde le silence un long moment.

« Tu peux me haïr, Vincent » elle reprend au bout de ce qui semble être une éternité. Les mots sont soigneusement choisis, prononcés lentement. « Tu peux me haïr, me détester, me frapper si ça te fait du bien. C’est d’accord, si c’est comme ça que ça doit se passer. Si c’est plus simple, que tu préfères. Ça ne changera jamais rien, tu sais. Je ne serai jamais vraiment loin. Je suis pas venue te faire un sermon, ni te supplier. Je suis venue pour toi. Pour que tu sois pas tout seul. T’es pas obligé de me parler, tu peux juste écouter. Ou faire semblant. Je suis de ton côté, quoi qu’il arrive. Et je l’ai toujours été. Alors vas-y. Défoule toi, je suis prête à l’encaisser. » C’est un mensonge audacieux. « Mais tu peux pas m’empêcher de m’inquiéter, ni de penser à toi. ». Le silence qui suit sa déclaration lui semble pesant. L’angoisse vrille ses entrailles de contractions de plus en plus douloureuses. Le poids installé dans sa poitrine l’empêche de respirer pleinement et il lui semble qu’elle suffoque. Et déjà, le regret la prend. Elle aurait dû se taire, quitter cette pièce à l’air saturé pour revenir un peu plus tard. A la place, elle se terre un peu plus, et attend que l’orage passe.
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MessageSujet: Re: l'air de rien, on étouffe (vincent)   l'air de rien, on étouffe (vincent) EmptyMer 13 Jan - 10:24
Les épaules basses, la résignation s'installe et s'aménage de l'espace dans son crâne. Elle a ses habitudes et la petite allocution d'Evey claque comme la balle à blanc du top-départ. Savoir qu'il est prisonnier de son propre corps, de sa propre fatigue (littéralement, ses muscles ne répondent à aucun de ses ordres et le fourmillement dans le fin fond de son être lui évoque des adieux plutôt que des retrouvailles), lui esquinte le bon sens cependant que, las de guerres qu'il ne gagne jamais, Vincent se résout à subir ce qu'il endure toujours. Son existence entière, et il le sait, est un passage forcé sur ce qu'il est et contre son gré. Avec l'obscure sensation qu'on lui  viole le mental, il reste là. Il reste à l'écouter s'écouter parler. La pénombre les protège l'un de l'autre et, Evey, elle s'éloigne suffisamment pour que ses mots soient supportables. A cette distance, et dans les vapeurs à demi éteintes de la drogue, Vincent ne peut pas discerner le brun de ses yeux. Il distingue nettement la ligne des sourcils – et cet air triste est difficile à nier, comme un cri dans le silence complet – alors qu'il ne peut apercevoir les stries qu'ont creusé les larmes dans les joues. De cette façon, il peut pleinement se concentrer sur son mépris, sa haine, sa hargne, cette bile tellement concentrée, tellement acide, qu'elle lui dévore la lèvre comme du sel sur une plaie. L'arrière de sa gorge soupire un grognement sourd et continu, pareil à la menace d'un petit animal sans autre espoir que de défendre chèrement sa vie.

Ça sonne tellement faux. Il n'arrive pas à croire qu'elle ne s'arrête jamais. Elle s'obstine, les syllabes après les syllabes, un convoi de mots grossiers, de promesses infectes et de vœux pieux, et il entend tout ce que le sermon ne veut pas dire. C'est pire, en vérité, qu'un sermon. Ça suinte les bonnes intentions, la bonne âme – Evelyn Talbot : la  charité chrétienne, dans son essence la plus preste à la sanctification. Il vomit sur ce simulacre de fraternité, cette main peinte d'un halo tendu vers lui. C'est un ramassis de conneries (et vaguement réchauffé, de surcroît), des choses qu'on dit pour faire du bien, n'importe lequel, quand même - soyons sérieux et pathétiques, ça ne fait absolument rien. Ça n'a pas le pouvoir d'un enchantement, d'une alchimie, qui transformerait en quelques mots la sale créature qu'il est devenu, ou la sale bête qu'il était déjà en naissant. « T'as fini ? ne respecte-t-il le silence que les quelques secondes de rigueur. » Ses articulations douloureuses pour donner du mécanique à ses mouvements (il s'entend pratiquement grincer de l'intérieur), Vincent se ramasse sur lui-même. Ils se ressemblent, soudain, c'est incroyable. Face à face, recroquevillés, les adversaires s'affrontent moins qu'ils se répondent. Evey est plus petite que lui, mais ça ne se voit pas. Vincent est plus misérable et famélique qu'elle, et ça se voit moins. En dehors de ces considérations brutales, l'impuissance réplique à l'impuissance et le désespoir au désespoir. Leurs parents seraient terriblement fiers de leur air de famille, qui ne tient rien de la génétique, qui tient entier dans leur querelle biblique. « Tu devrais arrêter d'croire que t'as un devoir envers moi, se fend-t-il d'un sourire clair-obscur. » Dans le retranchement de ses esprits, Vincent se serre autour de la chaleur que lui procure la présence persistante de sa sœur. Elle le voit. Elle lui parle. Elle est là, à l'endroit précis où il déteste qu'elle soit. Alors qu'elle est assise, le cul sur le même sol trivial que lui, là encore, elle le juge de son âme auguste et diaphane. « Tu devrais arrêter d'croire que t'as un devoir envers le monde. Tu sais, ta grande destinée. » Les mains tremblantes et le geste imprécis, il tâte ses poches à la recherche de cigarettes. Il ne veut pas fumer. Est-ce qu'il fume vraiment ? Ça le prend comme une pièce de théâtre qu'il faudrait absolument jouer. « En dehors des parents, personne pense que t'as un destin. Et j'sais de source sûre – un peu comme si on me l'avait craché à la gueule et que j'en avais encore sur le menton, tu vois ? - que j'suis pas dedans. » Le rictus qui s'affirme est annihilé par les poches, désespérément vides, de son pantalon. Son t-shirt n'offre aucune possibilité. Aucune veste n'est à proximité. Il se demande (un bref moment) où se trouve l'essentiel de ses effets. Ça lui prend moins longtemps de percuter qu'il n'a rien d'autre, ou qu'il n'a plus rien d'autre. C'est égal. « J'ai pas envie d'écouter tes conneries de sauveuse du monde, Evey, mâche-t-il d'une voix découragée. Ça te sert qu'à te faire sentir bien, toi... Et, tu veux que je te dise ? Je me fous totalement que tu t'sentes bien. Peut-être même que j'ai envie que tu te sentes mal. » Il se désigne en entier. « Pour ça. » Puis elle. « Et ça. » S'il pense vraiment que cet état déplorable est de sa faute ? Jamais. Un peu. Il dirait certainement n'importe quoi – il deviendrait le plus odieux des connards - pour taillader chez elle ce qu'il lui faut et qui lui manque.
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MessageSujet: Re: l'air de rien, on étouffe (vincent)   l'air de rien, on étouffe (vincent) EmptyMer 13 Jan - 20:00
C’est aussi douloureux qu’on pouvait l’imaginer, et pire encore. Le poids sans sa poitrine s’alourdit à chaque mot acerbe qu’il lui adresse, chaque accusation dont il la blâme. Il est odieux et injuste, et surtout, il fait ce qu’il sait le mieux faire : retourner un couteau chargé de poison dans une plaie déjà béante. Ca la démolit de l’intérieur. Fini, les idées pour réaménager son appartement, pour lui proposer une place dans sa vie. Il ne viendra pas. Il n’en veut pas, n’en a jamais voulu. Evey ferme les yeux un bref instants et ne l’écoute déjà plus. Elle ferme son esprit à ces piques assassines. Vincent n’a pas changé. Rien n’a changé. L’amertume dans sa bouche goûte le chagrin et la défaite lui font claquer la langue. Pire, ça éveille des échos de colère en elle, et elle n’est pas coutumière de ces emportements émotifs. Non, Evey est douce, et sage, et calme, et réservée, et jamais elle ne s’emporte, et jamais elle ne crie. Evey est dans la retenue, tout le monde le sait. Et quand elle a besoin de hurler, c’est sous l’eau qu’elle vide ses poumons. Mais ce qu’il éveille en elle, si contradictoire, si désagréable, ça lui donne des envies de lui hurler dessus. De le secouer jusqu’à ce qu’il prenne conscience de ce qu’il dit, de son état à lui, de son état à elle. Ce n’est pas la solution, à peine une projection mentale. De toute façon, elle n’a pas le courage de s’approcher plus de lui, de lui imposer encore plus un contact dont il ne veut pas. Puis, n’a-t-elle pas dit qu’elle pouvait géré ça ? Ce trop-plein d’animosité qu’il oppose sans cesse à chaque main tendue. L’évidence est là. Non, elle ne gère pas, elle ne peut pas.

Elle ne sait plus quoi faire, ni quoi dire pour tenter d’éveiller chez lui quelque chose d’autre. C’est vrai qu’ils n’ont longtemps connu que cette constante opposition, et qu’ils s’y sont construits et que ça les a façonnés. C’est vrai aussi qu’Evey est persuadée que ce n’est en rien irrémédiable. Elle est d'ailleurs peut être la seule à croire en lui et en eux, comme elle a naturellement foi en tout le monde. Elle est probablement  la seule à s'y accrocher. Ses parents ne parlent guère plus de leur fils que pour la comparer à lui, elle, sa réussite, son avenir, son Destin comme il dit. S'ils savaient... S'il savait. Qu'Evelyn Talbot n'est pas qui elle prétend, et que son bonheur n'est qu'un bel emballage pour masquer le reste. « C'est bon ? » Elle demande une pointe d'agacement dans la voix. « T'en a pas marre de jouer le même rôle de martyr ? Tu voulais me faire souffrir ? Grande nouvelle, c'est touché coulé. T'as besoin de personne, t'es un grand garçon ? Parfait. T'imagine même pas le vide que tu laisses quand t'es pas là... » Elle se tait, la voix chevrotante. C'est plus qu'elle ne peut supporter. Sa respiration se fait légèrement saccadée, en accord avec ses sanglots légers. « Tu peux continuer de repousser tout le monde, de créer un vide autour de toi et gueuler de rage quand tu te rends compte qu'il n'y a plus personne. Moi je baisse pas les bras. Tu penses vraiment que je me sens bien ? Que ça me plaît ? » Elle se redresse vaguement, cherche son regard dans l’obscurité. Elle n’est même pas certaine qu’il la regarde. « T’as pas le droit de me rendre coupable de ça.  C’est ton fait pas le mien. » Encore tremblante, elle se relève et se dirige vers le volet qu’elle entrouvre afin de permettre à plus de lumière d’entrer. Oh, il râlera – encore une bonne raison pour lui –, mais furieuse, elle se plante devant lui, et fixe ses yeux aux siens. « Tu as encore une fois grillé tes chances, Vincent. Ce soir, tu dois être ailleurs. J’imagine que tu t’en fous, que ça t’amuse, même. Ou que ça te fais rien, pour ce que j’en sais. » Elle s’accroupit devant lui, le visage encore rougit. « Tu peux choisir le trottoir. Tu peux aussi choisir le lit d’appoint pour la nuit. Ou une autre… ».

Ce qu'elle voit à la lumière du jour l'attriste encore plus. Son visage est marqué par les abus, par la prison, par d’autres choses. Il est plus maigre encore que ce qu’elle imaginait. Il lui semble que ses entrailles se serrent bien trop en le découvrant ainsi. Elle voudrait partir, le laisser en plan, mais elle sait, elle sait que ça ne provoquera rien de plus en lui, qu’elle reste ou parte. Alors elle s’effondre sur le lit, la tête entre les mains. Malgré ses beaux discours, elle n’a pas le courage de l’abandonner, de dire au type à l’entrée qu’il peut appeler les flics s’il veut, qu’elle ne peut rien faire. Il comprendrait, aurait un sourire compatissant et des généralités à baratiner pour alléger le poids de la culpabilité et de l’échec. Elle ne pleure plus, mais elle reste un long moment, prostrée, l’esprit vide de toutes pensées. Elle se sent lasse, soudain, fatiguée de ces éternelles disputes qui reviennent sans cesse et qui jamais ne trouvent de conclusion.
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MessageSujet: Re: l'air de rien, on étouffe (vincent)   l'air de rien, on étouffe (vincent) EmptyMer 13 Jan - 23:39
Tous les traits assassins lancés à la figure de l'autre ont leur retour, proportionnels ou enrichis. Un moment – vraiment court, Vincent croit pouvoir jouer au jeu des ricochets sanglants. Il n'a pas mal, se dit-il, ou, plus exactement, ça ne pourrait pas être plus douloureux que la douleur dans laquelle il a déjà et les chevilles et les genoux et le cou. Evey ne peut pas gagner, à ça. Elle ne sait pas, elle ignore foncièrement, ce qu'est le coût du chaos. L'enfant protégée, l'épargnée, ne reconnaîtrait pas le mal de vivre s'il lui enfonçait ses crocs dans la gorge. Vincent, ce frère ingrat et négligent, est si persuadé de son bon-droit, de cette espèce de légitimité totalement conne qui lui octroie prétendument toute l'exclusivité du malaise fiché dans la nuque, qu'il ne s'attend qu'à la patience, au flegme et à toute la docilité du monde. Alors il est surpris. D'abord. Qu'elle ose lui opposer de l'irritation. Elle. A lui. Ça le fait vriller. A martyr, déjà, il réplique : « Je joue pas, moi. » Comme un enfant, il pique. La moitié des mots s'efface, parce qu'il ne fait aucun effort pour les entendre. « Non, j'ai besoin de personne. » « T'imagines même pas le vide que tu laisses quand t'es pas là... » La bouche est ouverte, mais le son reste en-dedans. Il se renfrogne. Leur trêve est éphémère. De toute évidence, Evey est venue jusqu'à lui avec l'espoir de déverser la lie de ses pensées. Mentalement, il veut presser les mains sur ces ouvertures qui l'inondent de choses qui le blessent, l'effleurent, l'ignorent, le tourmentent ou lui plaisent. Tour à tour, elle le force à figer le regard sur des questions qu'il avait repoussées loin, très loin. Non, Vincent n'avait plus pensé à sa sœur depuis longtemps. Et même elle ne pourrait l'y contraindre sans qu'il essaie la résistance. « Je t'ai rien demandé, il fait remarquer, acerbe. » En fendant la pièce jusqu'à la fenêtre, elle nimbe l'espace d'un soleil malvenu. Il plisse les yeux. « Tu as encore une fois grillé tes chances, Vincent, qu'elle n'écoute pas. » « Quelles chances ? » A la fin, il aimerait bien savoir. Mais oui. Vraiment. Il est curieux d'apprendre quelles chances on a bien pu lui laisser, et quelles chances il a bien pu bousiller. Ce serait drôle de les compter, cette fois. La balance ne serait pas celle qu'il espère. Elle ne serait pas celle que sa sœur imagine non plus. « Tu peux choisir le trottoir, elle s'accroupit trop près de lui. Tu peux aussi choisir le lit d’appoint pour la nuit. » « C'est pour ça que t'es venue ? » Une lueur s'est éteinte chez elle pendant qu'une lumière vive, éblouissante, s'est incendiée en lui. Evey s'affaisse sur le lit. Et, comme de compenser ou de répondre, Vincent s'arrache au sol, balaie la torpeur qui l'accable et s'exile des quatre murs de sa chambre ridicule. […] « J'vous emmerde ! Tous ! Allez vous faire foutre ! J'vous emmerde ! » Ça fait bien cinq minutes qu'il conspue toutes les insultes qui lui montent à l'esprit. Ça fait deux minutes qu'un gaillard deux fois mieux bâti que lui le ceinture férocement. « Vous croyez, quoi ? que j'ai besoin de vous ? J'vous emmerde ! Votre refuge à la con ! Repère à pédophiles ! Trou de camés ! » Son gardien corporel est impuissant à repousser toutes ses ruades mais il tient bon chaque fois que l'étreinte veut céder. « Allez vous faire foutre ! J'préfère encore la taule ! »


Dernière édition par Vincent Talbot le Jeu 14 Jan - 1:05, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: l'air de rien, on étouffe (vincent)   l'air de rien, on étouffe (vincent) EmptyJeu 14 Jan - 0:50
Le placard n’est rempli que du minimum que le refuge doit fournir à ceux qui arrivent et qui ne possèdent plus rien. Un drap de rechange, une serviette de bain, un pain de savon. C’est tout ce qu’elle trouve dans cette chambre qui n’en porte que le nom. Maintenant que les volets sont complètement ouverts, Evey découvre l’environnement qui compose la mansarde à la taille d’un cagibi. Un lit, une table de chevet et ce placard étroit qui ne contient rien. Vincent n’a laissé aucun effet personnel, quelques vêtements à peine, qu’elle plie et entasse dans le sac à ses côtés. Quand il reviendra, il aura au moins du linge propre, se console-t-elle comme elle peut. Elle n’a pas cherché à retenir son frère quand il a quitté la chambre. La dispute l’a laissé vide et éteinte, et il lui a fallu toute son énergie pour arriver à se lever à nouveau et effectué ses gestes mécaniques. Les mots de Vincent résonnent en boucle dans son esprit. Pourquoi est-ce qu’elle est venue au juste ? Parce que le type à l’accueil l’a appelé en menaçant d’exclure Vincent ? C’est vrai, son frère n’a jamais rien demandé, ne lui a jamais rien demandé. C’est toujours elle qui fait le premier pas, et qui repart bredouille et meurtrie. C’est vrai, aussi, qu’elle ne peut pas s’en empêcher, qu’importe les meurtrissures qui en résultent.

Ses pas sont lents et lourds quand elle remonte le couloir pour regagner sa voiture, et plongée dans le marasme de ses pensées, elle n’entend pas immédiatement les cris hystériques qui viennent de l’entrée. Elle se fige, par contre, quand elle découvre la scène. Vincent s’époumone et gueule, à peine retenu par le type qui le retient de se ruer sur l’autre. Elle s’avance comme dans une scène au ralenti, le type derrière le comptoir a le téléphone à la main, probablement prêt à appeler les flics, et l’autre souffle à chaque ruade de Vincent, bien décidé à en découdre. Celui qui le retient tente même de la raisonner, elle distingue des mots confus, perdus entre deux grognements. Ils ont dû annoncer à Vincent son expulsion de la structure, ou alors Vincent est allé chercher lui-même ses réponses, le résultat est le même en fin de compte. Il se retrouve à nouveau sans rien, sans toit. Ses épaules se lèvent et s’affaissent en même temps que le long soupir qu’elle laisse échapper. Déjà, elle se maudit de sa faiblesse et sait qu’elle va regretter sa décision, mais elle ne peut se résoudre à abandonner Vincent dehors. Pas par ce temps, pas avec les fous furieux qui parcourent les rues de Chicago. « VINCENT ! » Sa voix s’élève dans la cohue. « Arrête, maintenant, arrête ça… » Le ton est las, la voix un peu brisée et abattue. « Vous pouvez le lâcher », dit-elle au premier type qui enserre toujours Vincent. « Et pas besoin d’appeler la police », fait-elle à l’adresse du second. « Nous partons. Merci d’avoir appelé… et merci pour tout. ».

Elle attrape Vincent par le poignet, pour le forcer au moins à sortir, et le lâche une fois dehors. Ils sont face à face, lui fulmine, elle rompue. Fatigués l’un et l’autre. « C’est vrai. C’est vrai, tu demandes rien. C’est vrai, rien de tout ça est juste. Mais je te demande rien non plus, Vincent, tu sais ? Je voudrais juste… que ce soit un peu plus comme avant, et moins comme maintenant. Un peu plus simple… Si c’est vraiment ce que tu veux, je te laisse tranquille, pour de bon, cette fois. ». Elle se rend compte au moment où elle prononce ces quelques mots combien ça lui coûte de devoir peut-être lui promettre de l’oublier, et le laisser partir.  Mais elle rend les armes, elle n’a, pour aujourd’hui, plus la force de s’opposer à Vincent. Elle lui tend le petit sac contenant les maigres effets qu’elle a retrouvé dans la piaule. « Tes affaires, je sais pas si tu veux les récupérer…. Tu as un endroit où aller ? Je peux… je sais pas, tu as besoin de quelque chose ? Que je te dépose quelque part ? » C’est pathétique et pitoyable de s’accrocher encore alors qu’elle vient d’affirmer le contraire.
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MessageSujet: Re: l'air de rien, on étouffe (vincent)   l'air de rien, on étouffe (vincent) EmptyJeu 14 Jan - 1:26
« Ouais ! il se débat alors qu'on l'a relâché. Merci pour rien, sales connards ! » Les orbites démangées par une fatigue brûlante, Vincent se frotte le coin des yeux et renifle bruyamment. Libre, il agite les mains comme s'il cherchait à chasser un nuage d'attaques invisibles. Il ne les voit pas plus que les autres mais sa peau, échaudée par l'emprise, l'emportement et le combat contre les airs, est moite et le tissu bon marché le frotte et l'irrite. Exténué autant qu'exaspéré, il se laisse envahir par cette sensation d'harcèlement. Les points lumineux collés à ses rétines s'amusent de lui, eux aussi. Ils lui taraudent l'âme et la patience, et c'est péniblement qu'Evey doit l'extraire de l'édifice, malgré sa violence et malgré son trouble. Vincent ne réfléchit à la décision qu'elle prend pour eux deux qu'au moment où l'air frais lui fouette le visage et pénètre dans sa gorge à lui couper le souffle. Dans sa bouche, un grésillement dit qu'il a trop hurlé, et qu'il sera bientôt puni pour ses excès, ceux de l'instant et ceux de la nuit. Certes pas doté du courage qu'il faudrait pour s'examiner la culpabilité, il repousse le moment de s'accabler pour ficher son regard dans celui de sa sœur qui, inlassable, presque méritante, le relance de sa charité. « Tu peux pas faire comme tout le monde ? il soupire en attrapant l'anse de son sac, et abandonner ? » Le temps qu'il lui faut pour fouiller l'intérieur, Vincent la toise avec une profonde attention. Toujours plus imprégné par la réalité, et les sensations multiples, puissantes et pénétrantes qu'elle comporte, il étudie l'expression défaite qu'il a su inspirer à ce visage naturellement jovial. Sa capacité de destruction, ou du moins d'altération, n'a donc aucune limite. Peut-être, même, que les liens du sang lui inspirent un plus grand pouvoir. Vincent n'a pas encore décidé lorsqu'il vautre son cul sur le bord du trottoir et qu'il arrache une cigarette tordue, mouillée, au paquet éventré. « T'attends quoi pour t'asseoir ? il dit. » La main en visière, il se protège du soleil quand il lève les yeux vers Evey. Elle est restée plantée devant le foyer d'accueil, les portes pourtant bel et bien refermées derrière eux. En un sens, elle a fait le job. Ils n'ont pas eu à appeler le SWAT pour le déloger de sa chambre miteuse et il n'est plus officiellement à la charge de l'État d'Illinois. Hourra. « T'as un briquet ? il demande en palpant encore les poches de son jean, du sac, et les revers de tissu. » De l'autre côté de la rue, un pauvre type qui n'a rien demandé rentre certainement chez lui, clope allumée au bec. Ça suffit à ce que Vincent traverse la chaussée, au mépris de la circulation, pour le héler bruyamment. Le gars presse le pas, mais c'est socialement trop tard. Il va lui céder son briquet quand le gamin mal-élevé lui subtilise sa cigarette pour la porter au bout de la sienne. Les remerciements ne sont pas expansifs, et le badaud disparaît comme un bourgeois traverse le quartier des précaires. « T'as toujours pas posé ton cul, le frère remarque plus qu'il ne demande à l'adresse de sa sœur. » Lui s'exécute, un profond soupir pour contraster avec ses états antérieurs. « J'essaie que ce soit un peu plus comme avant, là. Tu vois pas ? Alors, merde, fais un effort. »
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MessageSujet: Re: l'air de rien, on étouffe (vincent)   l'air de rien, on étouffe (vincent) EmptyJeu 14 Jan - 2:01
« Tu peux pas faire comme tout le monde et abandonner ? » Un faible sourire résigné pour réponse, et elle hausse les épaules. « Faut croire que non… ». Il est plus calme, ça la rassure un peu. Encore bien trop direct quand il lui demande de s’asseoir, mais aussi vite-dit, qu’il file de l’autre côté de la rue racketter un pauvre type qui n’a rien demandé et revient aussi vite. « T'as toujours pas posé ton cul. J'essaie que ce soit un peu plus comme avant, là. Tu vois pas ? Alors, merde, fais un effort. » Elle obtempère et s’assoit à ses côtés, en silence et l’observe à la dérobée. Le sourire est discret, mais l’étincelle qui brille dans ses rétines sincères. « On a déjà fumé à deux, assis sur un trottoir ? » demande-t-elle vaguement taquine, et surtout ravie de constater le revirement de situation. Il ne lui en faut pas plus pour qu’elle s’apaise un peu, et que l’espoir renaisse en elle. Il n’a pas fui, cette fois-ci. Elle reste néanmoins prudente, dans ce qu’elle dit, dans ce qu’elle fait. Il est comme un animal craintif à apprivoiser, un animal près à mordre pour se défendre. Elle profite d’un bref moment d’inattention de sa part pour lui chiper la cigarette, sur laquelle elle tire deux fois avant de lui rendre. Evey ne fume pas. Même pas occasionnellement. Même pas en soirée. Jamais. Mais ça lui prend, d’un coup. C’est un bref petit quelque chose qu’elle peut partager un instant avec son frère. Alors elle en profite. Le silence qui s’installe est moins lourd que les précédents et Evey, le nez en l’air, se perd dans l’observation des quelques nuages paresseux qui traversent le ciel. C’est à eux qu’elle adresse les mots qu’elle voudrait offrir à Vincent. Tu me manques. Laisse-moi t’aider un peu. Dis-moi. Parle-moi. Elle garde le silence, bien trop consciente que de parler briserait cette paix précaire. Mais bientôt, elle frisonne, le froid l’attrape entièrement. Elle en tremble, mais elle ne dit rien et se contente de le masquer au maximum. Pour un moment plus agréable avec Vincent, assis à même le sol, elle peut bien supporter le froid. Elle enfonce néanmoins les mains dans ses poches, et s’amuse même un instant de la buée qui sort de sa bouche. Ravie, elle roucoulerait presque. Chassez le naturel, il revient au galop, Evey est incapable d’en vouloir à quiconque, elle est surtout bien ravie de cette paix inopinée. A mesure que les minutes passent, ses frissonnements se transforment en tremblement. « J’t’offre un café », elle déclare en se relevant. « Je meurs de froid. Dis pas non, ça n’engage à rien, juste à s’assoir dans un endroit chaud. Genre, là-bas ? » Elle désigne d’un geste de la main l’enseigne d’un fast-food miteux, en face d’eux. Timidement, elle interroge Vincent du regard, craintive d’avoir brisé la trêve.
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MessageSujet: Re: l'air de rien, on étouffe (vincent)   l'air de rien, on étouffe (vincent) EmptyVen 15 Jan - 13:50
Il n'aime pas le sourire qui s'accroche à la bouche de sa sœur. Ça lui procure le sentiment, irritant, qu'elle s'amuse de son malheur ou, pire, qu'elle le provoque. C'est si profondément incrusté en lui qu'il n'y pense plus : pour qu'un Talbot s'élève, il faut que l'autre soit rabaissé. Ce sont des pures mathématiques. Une loi de physique. Alors Vincent détourne le regard et s'abîme les yeux fatigués, malhabitués au jour, dans la traversée des voitures folles, des passants indifférents, dans la voix lointaine d'Evey, assise à côté de lui. « Je suis sûr que ça t'arrive jamais, de t'asseoir le cul sur un trottoir, réplique-t-il sur la défensive. » C'est le ton qu'elle a employé pour lui, et contre lui – une petite morsure sans conséquence, dont il a néanmoins senti les crocs.. Il s'est senti obligé, acculé par la menace soudaine. Pourtant, elle ne répond pas et ça le force – encore - à se détendre, un peu. Ce n'était donc qu'une plaisanterie, et il rattrape sa cigarette pour faire semblant que ce tube ridicule peut servir de calumet à deux ennemis de sang. La trêve pourrait ne pas durer, surtout lorsqu'il peut pressentir toute l'attente qui émane d'elle. Elle a cent mots, cent promesses, cent menaces, à lui dire ou lui faire. Ce climat coûte terriblement à Vincent, qui ne peut plus simplement fuir parce qu'il sait qu'il n'a ni endroit où aller ni ami vers qui se tourner. Même en évaluant brièvement la liste, il ferait mieux de s'enfermer dans un autre taudis, de s'emplir les narines de poudre ou bien la gorge d'alcool. Tous les remèdes feraient l'affaire, mais le soleil est haut dans le ciel et ses yeux frappent toujours aussi fort dans son crâne. Pour l'heure, la libération le dégoûte, vaguement conscient de tout ce qu'il a foutu en l'air le soir où il a replongé. De pensée en pensée, d'égoïsme en égocentrisme, Vincent oublie Evey. C'est quasiment un tour de force. « Si tu veux, se dirige-t-il vers le café en écrasant la cigarette dans le caniveau. Mais il paraît qu'il pisse dedans, hausse-t-il les épaules en progressant à reculons. T'es sûre que c'est pas contre ton régime alimentaire ? » Emporté par l'élan, il s'esclaffe. Sans violence.

« Bon, fait-il en se coulant sur la banquette du drive-in crade. On discute maintenant de pourquoi t'es là ou on laisse l'ambiance de merde pour plus tard ? » Un vague sérieux badigeonné sur la tronche, Vincent accepte d'ancrer son regard à celui d'Evey. Pas totalement partisan du règlement de comptes, il se figure très bien la raison de sa présence et qu'il ne pourra pas couper, prostitué pour un simple café dégueulasse, aux explications fraternelles et autres expressions émotives. Il n'aime pas qu'elle soit là. Il ne veut plus qu'elle parte. Il souhaiterait, surtout, n'avoir jamais cette discussion. Cependant, il connait trop Evey. Malgré les années, la distance, leur nature... des conneries, il la connait trop et trop bien. Alors, rapidement, il commande sa tasse, directement versée depuis la cafetière. Et il attend, avec la fébrilité d'un chien qui ne sait pas encore s'il va devoir courir après la balle ou se prendre un coup de ceinture.
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MessageSujet: Re: l'air de rien, on étouffe (vincent)   l'air de rien, on étouffe (vincent) EmptySam 16 Jan - 23:15
Malgré son humeur maussade et ses répliques cinglantes, Vincent accepte l’invitation. Elle rayonne, Evey. C’est particulièrement idiot de se laisser aller comme ça au bonheur, et probablement que la chute sera terriblement dure. Mais, elle savoure l’instant, les yeux brillants, et elle répond même par un petit rire à la pique de son frère. La chaleur du restaurant l’englobe toute entière, à peine la porte refermée derrière eux, et elle suit Vincent qui s’installe. Elle se glisse sur la banquette et pousse un soupir de contentement alors que tout son corps transi retrouve peu à peu ses sensations. Mais le ton d’un coup bien sérieux de Vincent la ramène à une réalité plus crasse et moins aisée. Elle ouvre la bouche, la referme aussi tôt. Prise au dépourvu, elle est rendue muette ; elle n’attendait pas cette initiative de la part de son frère. Elle ne s’attendait pas devoir parler aussi vite. Alors, elle prend le temps de penser ce qu’elle va dire, de mettre les formes, pour ne pas le brusquer. Ses mains entourent la tasse de café fumante – dire qu’elles se crispent correspond plus à la réalité-, et ça lui donne une bonne raison de baisser les yeux un instant.

« J’étais inquiète. » elle commence lentement. « Je… J’ai pas de nouvelles de toi depuis des mois. Et je voulais te laisser du temps, je me disais que tu avais tes raisons. » Sa voix s’interrompt un moment alors qu’elle relève les yeux et les plante à nouveau dans ceux de son frère. Evey n’a pas le droit d’être lâche. « Je suis venue, quand t’es sorti, et puis t’es parti avec Mera. J’ai pas voulu m’imposer, et je me disais que tu me donnerais des nouvelles à un moment ou un autre. Quand tu serais prêt. Et puis j’ai reçu l’appel du refuge, il me disait qu’ils voulaient te mettre dehors, appeler je ne sais pas quel service social pour les faire intervenir. Alors je suis venue. Je voulais pas qu’on t’inflige encore tout ça. J’avais juste envie de te voir un peu, surtout. » conclut-elle d’une petite voix. La confidence ne lui coûte que parce qu’elle sait qu’à tout instant, Vincent pourrait repartir. Ils ne se livrent pas, ils ne partagent pas leurs états intérieurs. Ils ne sont pas coutumiers des effusions sentimentales. Des deux Talbot, Evey reste celle qui cherche le plus, depuis quelques temps, à maintenir le contact, à renouer. Mais elle ne sait plus comment prouver la sincérité de son inquiétude ni comment contrer des années de méfiance et de distance farouche. « Je savais pas si t’aurais un endroit où aller, ou pour manger. Je savais pas si t’aurais quelqu’un… » Sa main tourne mécaniquement la cuillère dans la tasse qui refroidit peu à peu. Evey ose un nouveau regard vers son frère, comme pour s’excuser ou demander une quelconque approbation. « C’est pas un ultimatum, Vincent. »Sa voix s’accélère, elle panique, s’embrouille un peu. « Je veux pas te forcer à rien. » Les dents entaillent un peu trop fort la chair des lèvres qu’elle vient de mordre, consciente qu’elle n’aurait peut-être pas dû dire ça, comme elle vient de le dire –ou ne pas le dire du tout. Le gouffre qui sépare Vincent et Evey n’est jamais plus visible qu’à cet instant précis, quand Evey ramasse ici et là les débris de leur relation pour tenter de construire un pont. Elle ne connait pas Vincent, elle ne le connait plus. D’instinct, elle sait comment être avec lui, comment agir pour ne pas le brusquer. Mais elle prend conscience avec horreur qu’elle ne sait pas ce qui fait sa vie.
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MessageSujet: Re: l'air de rien, on étouffe (vincent)   l'air de rien, on étouffe (vincent) EmptyLun 18 Jan - 14:37
Il sait ce qu'il a déclenché. Vincent regrette déjà d'avoir pressé la commande des grands discours et autres déballages. La machinerie lancée, elle est impossible à stopper. Une petite alarme se déclenche, tout au fond de son crâne, lorsque ses yeux, distraitement levés du café fumant alors que c'est lui qui a tout provoqué, découvrent les lèvres d'Evey qui s'entrouvrent. Au coin de cette bouche, on devine les mots qui n'en peuvent plus de se taire. Elle n'a encore rien dit, elle hésite et elle prend des détours, que son frère est déjà las, angoissé et finalement contrarié de ce qui s'en vient. C'est terrible, d'ailleurs, car ça agit sur lui comme le souvenir traumatique d'une punition, ou même d'un châtiment. Quelque chose lui murmure qu'il n'a pas mérité ça mais il ignore comment être exempté. Alors il avale des gorgées de mixture brûlante, et la brûlure comme le goût âcre, là, dans sa gorge, lui rappellent qu'il l'a bien cherché, qu'il doit attendre, qu'il peut tout encaisser.

Après les politesses, les aveux. S'il est honnête, Vincent n'est pas surpris que sa sœur se soit présentée à sa sortie de prison. Il est assez probable que du personnel attentionné – hm – ait scruté la liste de ses visiteurs et n'ait trouvé que ce nom (la filiation patronymique faisant le reste du travail)... Sans égard pour son absence effective de visite, ce charmant travailleur a su lui indiquer la date, et l'heure. Et la voilà. Mais elle n'est pas venue à sa rencontre. Il ne se souvient même pas d'une présence. Il était euphorique. Il était avec Mera. Et qu'Evelyn dise son nom lui fait l'effet d'un coup de poignard. Non, de douze coups de canif dans le cuir de sa peau. Son grognement se ravale avec un autre flot de café dans son estomac travaillé par les excès de la veille, de l'avant-veille et, bref. Depuis quelques temps, il n'aime pas penser à Mera. Depuis toujours, il n'aime pas non plus écouter Evey. Amputé du cœur, aux environs de sa naissance, il ne sait pas quoi faire. Quelle réponse lui donner. Quel geste accomplir. Il aimerait fermer les yeux, s'endormir. Il aimerait avaler quelques pilules. Il aimerait s'absenter, fuir dans n'importe quelle direction et aviser plus tard. Aucune excuse ne peut empêcher des mots comme 'je savais pas si t'aurais quelqu'un' d'être prononcés... voilà ! Ils le sont. Ça glace le sang de Vincent, qui ne peut plus chercher la violence salvatrice du café dans une tasse maintenant vide. Alors il lève les yeux, et les yeux d'Evey le rencontrent. Qu'est-ce qu'elle veut, à la fin ? Il n'y peut rien, lui. Il n'y comprend rien. Elle lui demande beaucoup. Elle lui demande trop.

Vincent se lève de la banquette. La tasse claque sur la table et le sac reste là. Un moment, le frère regarde la sœur et ce silence lui offre l'opportunité de la considérer vraiment. Un mince sourire se perche à sa bouche. Il ne comporte ni hostilité ni mépris. D'aucuns le diraient fraternel. Il est définitivement plus obscur et plus nuancé que ça. Ce rictus n'a pas de nom parce qu'il exprime ce que Vincent ne peut davantage nommer. Il éprouve si confusément qu'il ne se distingue pas un sentiment. Tout ça couche dans le même lit et enfante ce sourire démoli. « Prends soin de toi, il dit. » Et c'est tout, puisqu'il s'en va.

Jusqu'à la porte, il marche. Dès ses pas dans la rue, il court.
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MessageSujet: Re: l'air de rien, on étouffe (vincent)   l'air de rien, on étouffe (vincent) EmptyLun 18 Jan - 19:21
Elle a merdé. Elle le sait au moment même où les mots franchissent ses lèvres, et elle pourrait supplier du regard Vincent autant qu’elle le voudrait, ça ne rattraperait rien. Ses entrailles se serrent violemment quand il se relève, et elle soutient le regard de son frère. Ca lui fait l’effet d’un coup de poing dans l’estomac, tout ce qu’elle y lit, tout ce qu’elle n’y lit pas, ce qu’elle devine dans ce sourire qu’il lui offre. Elle pourrait lui attraper la main - il est à quelques pas, elle pourrait le supplier de rester encore un peu, de l’écouter ou s’excuser. Evey n’en fait rien. Elle se contente de lui rendre un sourire un peu triste et de retenir les larmes qui menacent encore de couler. Et elle le laisse partir. Ses yeux suivent son départ lent du restaurant et sa cours à peine a-t-il posé un pied dehors. Encore une fois, il fuit, et il emporte avec lui la montagne d’espoirs qu’elle a forgé. Il part, et il emporte avec lui sans le savoir, un petit morceau d’elle. Ca lui prend un temps infini de sortir de la torpeur dans laquelle elle s’est plongée après le départ de Vincent. Elle est restée comme figée un long moment après son départ. Elle n’a pas touché à son café. Ses gestes sont particulièrement lents et mécaniques quand elle dépose le billet sur la table pour régler les deux consommations, qu’elle tend le bras pour récupérer les effets de son frère. Elle quitte le diner, vaincue. Il lui faut encore plus de temps pour trouver le courage de démarrer sa voiture et de reprendre la route pour retourner à son travail ; elle décide finalement de rentrer. Sa force l’a quittée pour l’instant, elle ne se sent plus le courage de redevenir la Evey joyeuse et dynamique que tous connaissent. Plus que jamais, elle sent ce poids qui lui pèse sur les épaules, et surtout le vide qui envahit sa vie de plus en plus, chaque jour. Elle est fatiguée, soudain, de prétendre et de jouer cette comédie qui ne rime jamais à rien. Les derniers mots que lui a adressé Vincent tournent en boucle dans son crâne et se heurte à toutes ses contradictions. Prendre soin d’elle ? Si seulement elle savait comment s’y prendre. C’est plus facile de s’oublier quand on pense à d’autre. C’est plus lâche.

Et retourner chez elle ne lui procure aucun réconfort. Les murs de cet appartement ne font que lui projeter tout ce qu’elle ne veut plus voir. Les photos qui y sont accrochées lui écorchent le regard chaque fois qu’elle pose les yeux dessus et qu’elle y voit son sourire, qu’elle sait faux. Enfermée dans son bureau, elle sort une part une les affaires de Vincent. Elle n’y trouve rien que la triste réalité de la vie de son frère. Il avait raison depuis le début. Il avait raison, de partir et de courir.

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