step by step ☆ Ces derniers jours, Mera avait un peu culpabilisé d'avoir renvoyé Felicity de la sorte de son bureau alors qu'elle venait tout juste de lui annoncer sa grossesse. D'autant plus que les larmes qui avaient coulé sur les joues de sa tante attisaient sa curiosité. Etait-ce de la joie, ou de la tristesse ? Mera n'arrivait pas à déterminer où elle-même en était, ni si le fait qu'elle aille la voir relevait du miracle ou d'un réel besoin de passer à autre chose. […] Mera se faufila parmi les gens en silence. La foule qui se pressait dans la grande bibliothèque de Chicago pour se faire dédicacer leur livre par Felicity Birdwhistle était impressionnante, Mera devait bien le reconnaître. Elle ignorait encore si sa tante était bon écrivain ou non ; elle avait acheté son livre sur le chemin et n'avait même pas osé lire la quatrième de couverture. Peut-être ne le lirait-elle même jamais. Il reposerait sur un coin de sa table de nuit et prendrait la poussière, comme le reste de sa vie qui n'avait plus aucun intérêt à ses yeux quand sa réalité l'attendait à Darwin Harbor. Mera reçut un coup de sac à dos dans le ventre de la part de la personne qui chahutait devant elle avec son petit-ami. La jeune femme attrapa l'épaule de la fille et la força à se retourner, regard noir. Tous deux déglutirent devant ses airs sérieux et menaçants.  « La moindre des choses, c'est demander pardon. » souffla-t-elle, l'air mauvais.  « Dé-désolée. » bégaya cette dernière, qui fut bien vite coupée par son compagnon :  « Hé, on ne se serait pas déjà vu quelque part ? » Mera rougit et son cœur s'emballa. Elle avait merdé en attirant l'attention sur elle. Quelques visages curieux étaient déjà tournés vers eux. Peut-être y avait-il des GAIA parmi eux, ou des ennemis capables de la reconnaître. Elle assura que non, enfonça ses écouteurs dans ses oreilles et baissa la tête pour que sa tignasse brune masque en partie son visage et qu'on l'oublie. L'attente lui sembla interminable. Mera perdait de sa patience légendaire. Peut-être était-ce parce qu'elle avait mal aux côtes, ou un besoin maladif de se connecter au Darwin's Game. Ou peut-être était-ce parce que l'appréhension grandissait tandis que l'écart qui la séparait de sa tante faiblissait un peu plus chaque minute, et que bientôt elle devrait se confronter à elle. Quand vint son tour, Felicity avait la tête baissée en observant sans doute un cadeau qu'on venait de lui faire. Mera posa le livre ouvert devant la brune et, sans salut aucun ni émotion particulière, contrairement aux autres qui s'extasiaient devant Felicity, elle déclara :  « Pour Mera Birdwhistle. Il y a un H après le W. » Felicity leva les yeux vers elle, et Mera hocha la tête en guise de salut (enfin).  « Je suis contente pour toi qu'il y ait autant de monde. C'est bien. » continua-t-elle sur le même ton distant et désintéressé. Pourtant, malgré les murs qui s'étaient érigés entre elles, Felicity connaissait assez Mera pour savoir que cette dernière faisait là un effort exemplaire et qu'elle ne serait jamais venue si elle n'en n'avait pas eu envie.  « J'ai fait exprès d'arriver dans les derniers. Je t'attendrai au café de la bibliothèque, si tu as envie de discuter un peu après ta séance de dédicace. » A priori, il ne devrait plus y en avoir pour longtemps, Mera avait calculé son coup. Elle n'aurait pas attendu sa tante toute la journée pour un café et quelques mots échangés. Elle récupéra son livre et s'éloigna sans un mot de plus pour prendre la direction d'un petit café installé dans une des pièces de la majestueuse bibliothèque et de s'asseoir à une table pensivement. Instinctivement, son regard se posa sur le livre et elle soupira. Qu'est-ce que je dois faire pois-chiche, hein ? Qu'est-ce que tu ferais à ma place? pensa Mera, perdue.

step by step ☆En rentrant chez elle après avoir appris la nouvelle, Felicity s'était servie une tasse de thé. Elle avait beurré deux toasts soigneusement mis au grille-pain en premier lieu. Puis, elle avait retiré ses vêtements pour se mettre en pyjama. Ses gestes étaient lents, léthargique, elle les faisait par automatisme et non par envie. Ses yeux regardait tout et rien à le fois. Elle aurait pût appelé Gabriel, elle aurait pût lui demander de venir et fondre en larmes dans ses bras. Non. Au lieu de cela, elle entreprit d'ouvrir son courrier et de lire que son manuscrit avait été approuvé et qu'il allait être publié. Cette nouvelle, qu'elle attendait depuis des années, ne la fit pas sauté de joie. Regardant autour d'elle, elle remarquait qu'elle n'avait personne avec qui célébrer cette bonne chose. Alors que des sanglots serraient déjà sa gorge, elle se leva et alla à son bureau. Prenant une nouvelle feuille de papier, elle la coinça dans la machine à écrire et commença à taper le nouveau sujet. Felicity s'était jetée sur le travail comme elle l'avait fait depuis toujours. Pour noyer son mal être, son envie de se laisser aller, de ne plus se battre contre la vie oppressante qu'elle pouvait avoir. Au final, il était fou de remarquer qu'elle était plus inspirée quand elle était au fond du trou. Aller savoir pourquoi. Les doigts pleins tâchés d'encre, son visage émacié par manque de nourriture et de repos : elle ressemblait plus à une créature mi-vivante, mi-morte qu'à un humain. Le gollum des temps modernes. Passant des jours enfermés sans même sortir de son appartement, elle n'avait pas de contact humain, elle n'en voulait pas. Plus de DG, plus de nièces, plus d'ex-fiancé : juste son travail, sa passion, sa vie. La seule chose dont elle était bonne. Pourtant, le manque du jeu se fit sentir et elle dût y retourner étant à bout de nerfs.
Le jour de la dédicace était arrivé. Elle avait enfilé un tailleur après avoir prit une longue douche. Ses cheveux détachés commençaient déjà à friser alors qu'elle attrapait ses clés pour se rendre à l'événement. Elle devait faire une conférence avant, être tester par ses paires pour évaluer son travail. Felicity était plus décidée que jamais. Ce livre était la seule chose qui l'avait maintenu la tête hors de l'eau durant ces longs mois. Elle y avait mit tout son cœur, son âme et elle espérait que les lecteurs et les historiens comprendraient sa passion, son désir d'enlever le côté négatif de la civilasation Aztèques.

Felicity, devant cette assemblée, utilisa ses compétences de leader apprises dans DARWIN. Confiante, elle avait répondu haut la main à toutes les questions et avait même eut le droit à une ronde d'applaudissements. Gênée et à la fois heureuse, cela faisait depuis plusieurs jours que son visage n'avait pas été éclairée d'une risette. Assise derrière une table, son stylo plume à la main, elle dédicassait son livre. Qui l'aurait cru ? Elle, une fille qui était pommée et qui n'avait eut d'yeux que pour l'histoire. Une jeune adulte qui avait préféré l'odeur des vieux livres à celle de la drogue. Elle s'était soulée avec de la connaissance et non de l'alcool. Tout cela payait enfin. Recevant des cadeaux, elle entreprit de précieusement les ranger sous la table pour ne pas qu'ils soient abimé. Cela n'était pas souvent qu'on avait ce genre d'attention à son égard. Felicity n'eut pas le temps de relever le visage qu'une autre copie de son libre était déjà ouvert :

« Pour Mera Birdwhistle. Il y a un H après le W. »

Son cœur s'arrêta tandis que son regard se posa dans celui de sa nièce. Restant muette, bouche bée, elle racla sa gorge et signa :

Pour Mera Birdwhistle, avec tout mon amour. Felicity Birdwhistle

Refermant la première de couverture, elle lui tendit. Aucun mot n'était sortie sa gorge. Elle en était bien incapable. Elle avait peur de fondre en larmes, de ne pas être forte face à Mera. Ce qu'elle ne voulait pas. Felicity avait toujours gardé ce masque. Celui d'un super héros fatigué et qui pourtant tenait bon contre vents et marrées. Hochant de la tête pour toute réponse, lui dire qu'elle viendrait la voir. Elle avait fait l'effort de venir, de prendre le temps d'honneur l'audience de sa présence. Un geste qui toucha Felicity qui avait finalemet souris. Elle signa les derniers ouvrages avant de rassembler les quelques cadeaux offerts pour prendre la direction du café. Elle commanda deux tasses de thé et s'approcha de Mera. Posant ses affaires, elle posa sur la table une boîte de chocolat et l'ouvrit sans dire un mot. En prenant un, elle croisa ses jambes avant de regarder sa nièce :

« Merci d'être venue... C'est... Gentil. Merci, du fond du cœur. » Commençait-elle en prenant enfin le temps de la regarder. D'un sourire timide, ayant toujours cette peur au ventre de se brûler au tempérament de feu de Mera, elle continua : « Comment tu te portes ? Tu t'en sors avec les nausées et tout ce qui va avec ? »

step by step ☆ Mera remercia sa tante pour le thé d'un simple hochement de tête. Elle entreprit de le faire refroidir en tournant lentement la cuiller dedans, pensivement. La boîte de chocolat lui donnait envie, mais elle n'avait aucune intention de commencer à prendre du poids. Elle avait remarqué que depuis qu'elle s'était forcée à arrêter la drogue – ce qui la rendait perpétuellement nerveuse, agressive, malade voire carrément instable – et qu'elle était enceinte, elle avait déjà commencé à reprendre quelques kilos perdus trop rapidement. Et Mera ne comptait pas devenir une baleine sous prétexte que pois-chiche prenait de la place dans son ventre. Elle s'efforça de détourner les yeux des sucreries pour les poser sur Felicity.  « C'est rien. » répondit-elle, gênée de cette effusion de remerciements. Ca rendait les choses plus compliquées. Elle préférait quand elles se criaient dessus et se faisaient pleurer, là c'était un terrain qu'elle maîtrisait davantage. L'amour familial, en revanche, n'était qu'une inextriquable suite de doutes et d'incompréhensions. Sa question l'angoissa ; aussitôt, elle posa sa main sur son ventre encore plat. Ses seins avaient grossi, pas son ventre. Mera se demandait si c'était normal, ou si pois-chiche se développait anormalement. Tout n'était que perpétuelle question. Elle aurait aimé avoir sa mère pour les lui poser et arrêter d'avoir peur, mais elle ne pouvait que se fier à doctissimo, large étendue de conneries sans queue-ni-tête.  « Les nausées, ça va. Enfin, ça va mieux. Je euh … Personne ne le sait, alors que je ne sais pas trop comment me sortir de ça. J'ai plein de questions, mais ... » Ca devait faire une belle jambe à Felicity de savoir que sa nièce – devenue leader GAIA par on ne savait quel miracle – était une cruche incapable de s'en sortir seule avec une grossesse. Grossesse à laquelle elle avait fini par s'attacher contre toute attente, s'amusant à converser seule avec pois-chiche, dans sa tête, entre ses draps solitaires. Elle lui racontait des histoires, ses souvenirs, caressait son ventre du bout des doigts en espérant que le lendemain et sa future connexion au Darwin's Game ne signe pas leur fin.  « Je vais bien. Aussi bien qu'on puisse aller dans une situation comme celle-ci. » Après avoir perdu sa sœur, son meilleur ami, aborder une grossesse solitaire, risquer sa vie tous les jours, vendre de la drogue et vivre dans appartement tellement humide qu'il faisait boucler ses cheveux. Mera porta sa tasse à ses lèvres pensivement, savourant le goût du sucre qui fondit sur sa langue.  « Et toi, comment ça va ? Tu dois être heureuse d'en être arrivée là. Je veux dire, ton travail a fini par payer, tu dois être contente. » La jeune fille ne savait pas franchement comment parler à sa tante. Elle avait l'impression d'être en face d'une étrangère. Leurs vies respectives s'étaient tellement éloignées l'une de l'autre qu'à présent, elles n'avaient plus rien en commun si ce n'était le nom de famille, les cheveux bruns et les yeux bleus. Elle ignorait tout de Felicity et de ce qu'elle avait fait durant les derniers mois, tant et si bien qu'aucun sujet ne lui sembla intéressant à aborder. La panique la gagna. Mera savait que c'était une mauvaise idée d'être venue. Ses joues se teintèrent de rouge, tandis qu'elle détournait la tête pour regarder dehors.  « Enfin, parle-moi un peu de toi, de ce que tu fais … Est-ce que tu as quelqu'un, en ce moment ? » demanda-t-elle timidement, les yeux rivés vers son thé, extrêmement mal à l'aise. Elle espérait que ses propres efforts soient concluants, tant la honte la dévorait. C'était pire qu'en entretien d'embauche. Finalement, Mera prit un chocolat qu'elle mâcha lentement pour faire passer la pillule plus facilement.

step by step ☆Le thé avait toujours apaisé son esprit. Combien de litres avaient-elle bu depuis qu'elle avait commencé ses études ? À devenir une tante responsable ? Beaucoup trop pour pouvoir être raisonnable et recensé. Certains étaient accro au café, Felictiy se contentait du thé. Oui. Avoir une boisson chaude entre les mains allait calmer ses nerds. Elle était stressée. Il n'y avait au fond aucune raison puisque Mera était sa nièce et que tout devrait bien se passer, mais voilà : l'Historienne savait qu'entre elles quelque chose s'étaient brisée. Un lien qui ne sera plus jamais comme avant. Différent, peut-être mieux, mais rien ne sera comme avant. Il fallait qu'elle arrête de vivre dans le passé. Elle devait apprendre à embrasser le présent avec son lot de malheurs et de peines. Posant une boîte de chocolats entre elles, en signe de paix, elle l'ouvrit pour en prendre un. Après cette journée riche en émotion, son instinct lui disait qu'elle allait avoir encore d'autres étapes à affronter. Comme cette entrevue avec celle qui avait changé sa vie en si peu de temps. Felicity aimait par-dessus tout l'aîné de ses nièces. Mera avait été pendant des années son rayon de soleil. La remerciant d'être venue, elle voulut contester les paroles de son chef. Non ce n'était pas rien. C'était tout. C'était le premier pas qu'elle n'attendait plus. Pour tout dire, la GAIA ne s'attendait plus à rien. Elle prenait les bonnes et les mauvaises nouvelles comme elles venaient. Pourquoi tout prévoir dans une chose aussi incertaine que le futur ? En voyant les gestes d'Isaÿr, Felicity se mit à sourire doucement. Ces premières sensations, avoir l'impression parfois qu'on ne contrôlait pas son corps... Elle avait toujours eut pour but d'être maman, d'avoir sa propre famille qui serait tellement plus saine que celle qu'elle avait aujourd'hui. Alice avait les mêmes désirs, ensemble, elles avaient tenté de se faire un cocon. Sauf que lorsqu'un des piliers tombe : c'est tout qui s'écroule pour ne laisser que de la poussière et des regrets. De ne pas avoir fait mieux, de ne s'être battre plus, ne pas avoir été assez ferme peut-être... Des questions. Voilà qui était, on ne peut plus, normal. Felicity non plus n'avait eut personne. Elle y était allée au feeling, s'était reposée sur les conseils des docteurs tout en lisant des tonnes de livres tous plus inutiles les uns que les autres. Elle avait parlé avec son ex belle-mère aussi qui avait été d'un grand secours. Sa génitrice ne voulait, de toute façon, pas entendre parler d'elle. Felicity afficha un sourire gentil, confiant, qui se voulait rassurant. Lui montrer qu'elle n'était pas seule. Quand Mera comprendrait-elle que sa tante était ici, devant elle, pour toujours ? Aussi longtemps que la vie coulerait dans ses veines : jamais elle ne sera seule. Si Rohan et le reste des Birdwhistle n'étaient pas des êtres de confiance, Felicity l'était. Corps et âmes. Le serveur arriva, l'Historienne ouvrit son sucre et y incorpora le lait avant de mélanger le tout pensivement.

« Je... Si tu as des questions, je peux y répondre, tu sais. Je les ai eut aussi et je suppose que toutes les futures mamans ont les mêmes doutes. Personne n'était là non plus. »

Avoua-t-elle sans aucune forme de pitié pour sa propre personne dans sa voix. Non. Elle disait juste les faits, rien que les faits. Pourquoi cacher à Mera la vérité ? Sa nièce dévia le sujet guère plus joyeux. La vie de l'Historienne n'avait rien d'intéressante. Absolument rien. Elle était seule, avec pour seule compagnie ses livres et sa passion.

« Oui, je le suis, c'est, en quelque sorte, réconfortant de voir que si on n'abandonne pas tout peut arriver. J'ai commencé un nouveau livre, c'est la seule chose constante dans ma vie. Une sorte de fil rouge. »

Prenant une longue gorgée de sa boisson, elle faillit s'étouffer en entendant la question de sa nièce avant de sourire puis de rire :

« Non, je n'ai personne. Le peu d'énergie que j'ai, je l'ai mise dans mon livre et maintenant dans un autre. Il y a bien un GAIA, que j'ai connu avant le jeu qui me fait tourner un peu la tête. En dehors de cela, on ne peut pas dire que ma vie est palpitante. »

Essuyant ses lèvres, elle reprit une lampée de thé avant de reposer sa tasse et d'ouvrir les deux biscuits qui allaient avec.

« Et toi alors ? Hormis cette merveilleuse nouvelle ? Si tu veux passer un jour à la maison, j'ai des livres et tout ce qu'il faut, je n'ai rien osé jeter encore. »

Prenant un chocolat, ce dernier avait un goût bien amer. La perte de son enfant était une plaie qui resterait douloureuse pendant des années. Elle espérait que cela passerait tôt ou tard. De tout son cœur, de toute son âme.

« Pour partir sur une note plus joyeuse, nous avançons bien dans les plans, rapidement et sans perte pour l'instant. »

step by step ☆ Découvrir sa tante était comme découvrir une inconnue. Chacune de ses révélations était pour Mera une chose à la fois excitante et terriblement troublante. Elle n'était pas sûre de comprendre où Felicity voulait en venir en disant « je les ai eues aussi ». Avait-elle était un jour enceinte ? Avait-elle un enfant ? Non, rien de cela. C'était impossible, elle l'aurait su. Elle aurait du le savoir. Pour la première fois, Mera se rendit compte qu'elle était peut-être allée trop loin en coupant complètement les ponts avec sa tante, au point de ne pas être au courant d'une telle chose. Ses joues tournèrent à l'écarlate et elle tritura nerveusement le manche de sa cuillère de sa main libre tandis qu'elle portait sa tasse à ses lèvres.  « Si c'est un GAIA, c'est forcément quelqu'un de bien. » finit-elle par répondre avec un sourire maigre, incapable d'intervenir plus tôt à cause de l'émotion. Le sang pulsait jusque dans ses tempes. Elle se rendit compte qu'en réalité, non seulement l'émotion l'empêchait de s'exprimer, mais la timidité aussi. Mera était réellement timide face à sa tante, et face aux secrets qu'elle déballait comme elle avait déballé les siens.  « D'accord, je veux bien. Je passerai un de ces jours. Sinon, rien d'exceptionnel non plus, tu sais ... » confirma-t-elle nerveusement, pas certaine de vouloir retourner dans cette maison qui lui rappelait plus de mauvais souvenirs que de bons. Ces crises dues à la drogue où Mera avait balayé de la main tout ce qui passait en criant, ces soirs où Felicity était allée la chercher en garde à vue, où elle avait hurlé sur sa tante comme si elle avait été une moins que rien. Mera avait bien changé, depuis cette époque. Elle ne se maquillait plus comme une pute de bas étage, portait des vêtements décents, se droguait moins – puis plus depuis l'annonce de sa grossesse – était plus mature et féminine. Un long chemin avait été parcouru pour l'une comme pour l'autre, mais le mur érigé entre elles serait encore long à briser. Parler du Darwin's Game eut pour effet de la refroidir instantanément, et elle arbora le masque d'Isaÿr en se redressant. Son regard lui-même changea, signe que ses responsabilités reprenaient le dessus. Elle n'était plus la petite Mera-Ann Birdwhistle, ex-droguée enceinte d'un homme de quinze ans de plus qu'elle qui la tuerait sûrement à mains nues quand il apprendrait la grossesse.  « C'est bien. Ca nous sera utile. Merci. » Mais actuellement, quelque chose de plus important taraudait Mera qui voulait savoir ce qu'il en était. Une fois la surprise passée, une fois la timidité révolue, un million de questions emplissaient son esprit curieux.  « Pourquoi je n'ai jamais su, pour ta grossesse ? C'était quand ? » demanda-t-elle sans brusquerie, de son ton froid et détaché. Peut-être qu'aborder ce sujet sous les traits d'Isaÿr serait plus simple que pour Mera qui n'avait envie de rien d'autre que de vomir et de pleurer, et aussi de manger du sucre et des choses grasses. Mera était trop fragile, Isaÿr pouvait encaisser n'importe quoi. Même des mots durs, des reproches, des attaques. Elle était taillée pour ça, depuis le début.  « J'aurais du savoir. Même si … Même si je t'ai blessé, et que j'ai été horrible avec toi, j'aurais du savoir. » continua-t-elle en baissant les yeux vers son thé, qu'elle porta une nouvelle fois à ses lèvres. La chaleur de sa tasse entre ses doigts lui fit le plus grand bien, alors que son cœur se remettait à battre trop vite.  « Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » conclut-elle, laissant enfin le temps à Felicity de décider si elle voulait lui raconter ou non l'histoire de sa vie. Elle n'en n'était pas le moins du monde obligée, pas après la façon dont Mera l'avait traitée. Elle avait bien conscience à présent du degrés de méchanceté dont elle avait pu faire preuve à son égard.

step by step ☆ Felicity n'avait pas une jeune fille devant elle, elle avait une femme. Cela était étrange, elle n'avait jamais au fond eu la chance de s'asseoir et de parler sérieusement avec sa chère et tendre nièce. Mera était encore une enfante à ses yeux quand elle est partie. L'Historienne se rendait compte qu'elle n'avait rien vu venir, que soudainement, elle venait de se réveiller d'un mauvais cauchemar. Elle espérait que des jours meilleurs viennent entre elles. Pourquoi en serait-il autrement ? L'adolescente devant elle semblait avoir mûri, semblait être plus confiante, peut-être qu'elle accepterait de nouveau sa tante dans sa vie ? Felicity était prête à pardonner, à oublier ce qu'elle avait pu lui dire. Tout le monde fait des erreurs n'est-ce pas ? Surtout à cet âge. Si l'Historienne voulait renouer contact avec Mera, elle allait devoir passer par des confessions. Elle n'avait jamais parlé de sa grossesse à Mera. Felicity avait désiré les mettre dans la confidence, mais le jour J elle était rentrée dans un appartement vide : la clé sur la table sans même, un mot. Heureusement, le chef des GAIA n'avait pas encore relevé cette phrase. Au lieu de cela, elle sous-entendait qu'un membre de l'équipe lui plaisait. Gabriel. Oh, elle ne se faisait pas d'illusion : il ne pourrait jamais la voir autrement que comme une amie, les temps sont durs pour les rêveurs. Le sourire, faible, de Mera la fit également sourire puis soupirer. Un peu plus et cette scène semblait normale. Elle ne l'était pas. Felicity avait tant espéré le contact avec sa nièce, là voilà pourtant désemparée à ne pas savoir quoi faire. Contre toute, parler de Darwin's semblait bien plus aisée. La guerre avait-elle le donc d'apaiser les mœurs ? Informant son chef, parce qu'elle avait bel et bien Isaÿr devant elle, Itzapapalotl était confiante quant à sa mission. Elle aimait le jeu, elle aimait son poste, mais plus le temps passait : plus elle avait envie d'y passer tout son temps. Loin de la réalité, loin de cet appartement vide qui avait un jour acceuillit le bonheur.

Felicity porta sa tasse à sa bouche, son regard se fit plus sombre, plus triste. Elle laissa Mera parler. Itza aurait envie de lui crier dessus, lui dire qu'en effet : jamais elle ne lui a laissé la chance de lui dire ! Qu'elle aurait pu crever que sa nièce n'aurait même pas levé le petit doigt. L'Historienne n'était pas comme ça. Elle avait toujours été bienveillante, même avec les personnes qui l'avaient traîné dans la boue. Trop bonne, trop conne. Reposant la tasse, ce fut à son tour de prendre un sucre pour le poser dans sa cuillère et laisser le thé s'imbiber.

« Le jour où tu es partie, je voulais te l'annoncer. » Commença-t-elle, d'une voix monotone, terne, qui ne lui ressemblait pas : « C'était un petit garçon. Je... Je l'ai porté à terme, mais je n'ai jamais eut la chance d'être sa maman. Il... Il est décédé au bout du cinquième mois. La grossesse n'étant pas dangereuse, les médecins ont refusé de m'avorter, j'ai donc fini la gestation, pour rien. 18 heures, il m'a fallu pour... Pour accoucher. »

Avalant sa salive, Felicity s'était arrêté de respirer. Reprenant son souffle, elle chassa avec sa paume des larmes qui étaient sorties de ses yeux :

« Thomas est parti après ça, me reprochant, vous aimez plus que mon propre enfant et au fond, c'était vrai. Je voulais m'occuper de vous plus que tout au monde parce que vous étiez en vie et que cet enfant bien que déjà aimé pouvait attendre. »

Se sentant idiote, elle fronça les sourcils et tenta d'étirer une risette qui sonnait fausse :

« Je n'aurais pas dû te dire cela, pardon. »

Felicity avait envie de partir, elle avait envie de prendre les jambes à son cou. Rentrer dans son appartement, se mettre dans le lit avec un film et de la glace. Comme un enfant qui n'était pas prêt à affronter le monde extérieur. Elle était une adulte pourtant, alors, elle ferait face aux problèmes et à la réaction de Mera.

step by step ☆ Les larmes se mirent à couler sur ses joues sans que Mera ne puisse y faire quoi que ce soit. Elle fixa Felicity quelques secondes durant d'un air à la fois choqué et désolé, à moins qu'il s'agisse d'un milier d'autres sentiments qu'elle soit incapable de décrire et de nommer. Le cœur en miettes, le cœur au bord des lèvres, la jeune femme dut se lever à la hâte et courir jusqu'aux toilettes du café sous le regard surpris des clients, quand ils ne l'insultèrent pas carrément de les avoir bousculés sans demander pardon. Elle se laissa tomber à genoux dans l'une des cabines et vomit pour la énième fois de la journée. […] Ses yeux étaient rouges et gonflés, sa peau pâle. Mera humidifia son visage, se rinça la bouche et l'essuya du revers de la main, avant de remettre ses cheveux en place qu'elle finit par attacher. Elle avait l'air pathétique, ainsi. Courageusement, la jeune femme sortit des toilettes et tituba jusqu'à sa chaise sur laquelle elle se laissa tomber, jambes tremblantes. La nausée n'était pas loin, la douleur qui tordait son cœur bien présente, mais elle avait décidé de ne pas fuir. Pas cette fois, pas alors que Felicity venait de lui avouer un événement terrible qui avait sûrement bouleversé toute sa vie. Si Mera ne parvenait pas à comprendre comment elle avait pu continuer à les aimer plus que son propre enfant, et surtout comment elle avait pu accepter de mener la grossesse à terme, elle ferait l'effort de l'écouter.  « Pardon, une envie pressante. » maugréa-t-elle en fixant le thé – déjà refroidi – qui reposait sur la table devant elle. Mera ne pouvait pas regarder sa tante dans les yeux, malgré tous les efforts du monde. Elle finit son thé cul sec et fit signe à la serveuse.  « Deux autres. » Consciente d'être un peu rude – et de ne pas avoir d'ordres à donner ici, elle ajouta :  « S'il vous plaît. » Elle ne prononça pas un mot avant que la jeune femme revienne avec sa commande, préférat pouvoir s'absorber dans la contemplation de quelque chose pour parler plutôt que d'affronter une réalité trop grande pour elle. Ce monde était à l'image de Darwin Harbor : un véritable enfer. Jamais les problèmes de l'existence ne lui avaient paru aussi difficiles à surmonter. Avant, tout était plus facile. Parce que Mera avait maman pour l'épauler, puis elle avait eu Vincent et la drogue. Rien au monde ne comptait à part lui, et Aria. Mais maintenant qu'il fallait devenir adulte dans un monde qui ne tournait plus rond, elle était perdue et ne trouvait aucune alternative pour se libérer de devoirs qu'elle ne voulait pas assumer. Cet enfant était une exception. Une attache qui, en plus de l'effrayer – comme toutes les futures mamans en devenir – l'excitait horriblement. C'était son salut, sa seule chance de s'en sortir. Mera en avait enfin pleinement conscience, et redoutait ce moment autant qu'elle l'attendait. Encore eut-il fallu qu'elle survive jusque là, son nombre de vie chutant dangeureusement ces derniers temps. Aussi Mera ne comprenait-elle pas que Felicity ait pu les aimer plus qu'elle n'avait aimé son propre futur bébé, alors qu'aux yeux de sa nièce, il n'y avait plus que cela qui comptait. Mais leurs parcours étaient radicalement différents, et elle n'avait pas le droit de juger.  « Je suis désolée, dit-elle enfin, après avoir bu une gorgée de son nouveau thé brûlant,  tu n'aurais pas du avoir à affronter ça toute seule. Je n'ai jamais voulu ça. Je voulais simplement nous protéger, Aria et moi. » Nous protéger de l'abandon, du reste du monde. Le referait-elle à nouveau, si elle pouvait retourner en arrière ? Au moment où elle avait réveillé sa sœur, comme prévu, alors que Felicity partait travailler à la bibliothèque et qu'elles empaquetaient leurs affaires pour foutre le camp avant qu'elle ne rentre.  « Et je le ferais encore si l'occasion se présentait à nouveau. Parce que ça nous a permis de nous endurcir et survivre jusqu'à maintenant dans le Darwin's Game. » Oui, Mera prendrait toutes les mêmes décisions. Même la drogue, même les erreurs. Parce qu'Isaÿr découlait directement de ce qu'était Mera-Ann Birdwhistle, bien que cette dernière se soit au fil des semaines oubliée et ne soit plus que l'ombre de cette fille courageuse qu'elle avait un jour été à Chicago.  « Mais je suis désolée que tu aies du vivre quelque chose d'aussi terrible sans t'épauler. Personne ne devrait avoir à vivre la perte d'un enfant. » C'était sa mère qui lui avait un jour dit ça, alors que Mera tentait de cacher sa tristesse, assise à côté de son lit d'hôpital dans lequelle elle avait l'air minuscule. De sa voix éternellement douce et son regard tendre, elle avait dit en riant que ça aurait pu être pire. Et Mera s'énervant, avait rétorqué qu'elle ne voyait pas ce qui pouvait être pire que d'être clouée dans un lit d'hôpital et attendre de mourir. Sa mère ne s'était guère offusquée de cet élan de colère qu'elle jugeait sûrement naturel, avant de lui expliquer calmement que la pire chose au monde, la seule chose qu'elle n'aurait pas pu affronter aurait été la perte d'un enfant.  « Je me battrai pour le mien, pour qu'il reste en vie et connaisse un monde meilleur que celui dans lequel je vis. » assura-t-elle, déterminée, en relevant les yeux vers Felicity dont elle croisa le regard pour la première fois depuis de longues minutes.

step by step ☆ Felicity voyait les joues de sa nièce se faire inonder par des larmes. Cela brisa son cœur. Elle ne voulait pas lui faire du mal, lui causer de la peine. Pourtant, cela semblait inévitable. Quel genre de personne ferait cela à un membre de sa famille ? Qu'importe que Mera la déteste, elle est et restera sa nièce jusqu'à son dernier souffle. L'Historienne avait l'impression de tout gâcher une nouvelle fois. Elle venait de détruire un moment qui aurait pu annoncer un certain retour à une complicité, à une relation tante et nièce. Pourtant, plus ses mots sortaient de sa bouche, plus Felicity qu'elle sonnait le glas. Alors pourquoi elle continuait de parler, de se confier ? Elle ne savait pas. Cette histoire était la pire épreuve qu'elle est eut à surmontée. À ses yeux, rien ne pouvait être égalable. Il n'y avait rien de joyeux, pas même les premiers mois de sa grossesse. Les premières semaines sûrement et puis tout s'était enchaîné et les jours heureux s'étaient évanouis. Regardant Mera se lever précipitamment, un long soupire glissa de ses lèvres tandis qu'elle porta de nouveau la tasse avant de fondre à son tour en larmes. Posant son visage dans ses mains froides, elle tentait de se calmer, mais rien n'y faisait. Elle tentait de contenir ses sanglots pour pleurer le plus silencieusement possible. Ses reniflements, cependant, ne pouvait pas être gardé secret. Elle avait envie de s'enfoncer dans le sol. Elle aurait aimé pouvoir, se liquéfier et s'évaporer. Non pas que cela change quelque chose au quotidien des personnes autour. Felicity n'était rien. Une chose commune, chaque entité dans le monde n'était qu'un grain de poussière. Cependant, certains avaient des êtres chers pour être avec eux. Pour les aimer. Felicity n'avait même pas un animal de compagnie. Elle n'avait que ses livres et sa soif de connaissance pour seule lubie. Si elle n'avait pas la chance de pratiquer le Kung-Fu, l'Historienne aurait été internée il y a des années de cela.
Un homme à côté lui tendit son mouchoir d'un air désolé. Felicity accepta ce modeste présent et entreprit d'essuyer ses yeux. Se rendant compte alors qu'elle s'était maquillée pour être présentable, elle devait ressembler à un panda. Usant la cuillère et son reflet dans cette dernière pour limiter les dégâts, Felicity eut enfin le courage de tourner la tête pour regarder plus attentivement celui qui avait eut la bonté de lui tendre ce simple morceau de tissu. Le remerciant doucement, elle esquissa un sourire avant de replier soigneusement le carré qui quelques secondes avant était immaculée. Sa nièce retourna à la table. Plus pâle que jamais. Silencieusement, Felicity poussa la boîte de chocolats :

« Tu devrais avaler quelque chose de sucrer... Tu te sentiras mieux après. »

Le chocolat avait été le meilleur ami de l'Historienne quand elle avait la nausée dans ses premiers mois de grossesse. Son fiancé devait quotidiennement acheter des boites et des tablettes pour contenter son appétit vorace, insatiable. Felicity termina sa tasse à son tour avant de sourire à la serveuse. Comment comprendre l'amour inconditionnel qu'elle avait pour ses nièces ? Était-ce parce qu'à travers elle, la jeune femme continuait d'aimer Alice ? Oui... Sûrement même. Mera était bien plus que sa nièce, elle était une extension de sa meilleure amie, de sa sœur, de la femme la plus importante de sa vie malgré son absence quotidienne. Que cette dernière semblait si âpre et déprimante depuis son décès. Beaucoup de choses n'avaient plus de sens. La serveuse arriva avec la commande, Felicity la remercia et posa ses mains autour de la tasse. Regardant le liquide ambré, elle y incorpora lentement le lait et préférait regarder les rosaces qui se dessinaient dans le fonds plutôt que de regarder Mera qui s'excusait. De quoi... ? Elle n'était pas responsable. Felicity avait choisi... Elle aurait pu fermer les yeux, tourner le dos à l'aîné de ses princesses. Ce n'était pourtant pas son genre de faire une telle chose. Cela ne l'était pas.

« De quoi Mera.. Je... Je ne vous ai jamais fait de mal... De quoi tu voulais protéger ta sœur ? Je... Tu voulais la protéger de moi ? Je veux comprendre, même si cela n'a pas de sens, j'aimerais tant savoir ce qui vous a poussé à partir... A m'abandonner. »

Mera assura qu'elle le referait. Parce que cela les avait endurcies. Felicity sentait son cœur se serrer un peu plus et ses tripes la menacer de renvoyer son déjeuner. Elle avala difficilement sa salive, s'y reprenant à plusieurs fois. Pinçant l'arête de son nez, un long soupire traversa ses lèvres. Qu'avait-elle fait pour sa nièce lui en veuille ? Lorsque Mera s'excusa à nouveau, qu'elle sortit qu'une mère ne devrait pas avoir à vivre ce genre de choses : Felicity releva vivement la tête. En cet instant, elle ressemblait une nouvelle fois à sa génitrice. La bouche légèrement ouverte, elle ne savait pas quoi répondre. Alice n'aurait pas supporté en effet de perdre une de ses filles. En couche ou bien plus tard. Dans les pires instants de cette épreuve, elle avait quotidiennement pensé à sa meilleure amie. Elle avait pleuré. Encore et encore. Elle se lamentait sur leurs souvenirs communs qui ne trouvaient plus de place dans le présent car bien trop douloureux. Au fond, Felicity devait aimer souffrir. Sans quoi, elle ne s'entêterait pas à vouloir que sa nièce la considère comme autre chose qu'une ennemie. Un danger ? En vue de ses dires. Croisant enfin son regard, ce fut à son tour de détourner le sien :

« Je n'en doute pas. Tu es le portrait de... » S'arrêtant, elle se racla la gorge : se souvenant de la réaction de Mera la dernière fois qu'elle avait prononcé son prénom : « J'espère aussi qu'il évoluera dans un monde meilleur, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour t'aider dans cette quête, même si cela veut dire disparaître de ta vie. »

Décidant de prendre le taureau par les cornes, ne souhaitant plus se battre pour des clopinettes, elle profita de cette confrontation pour mettre les choses à plats :

« Je... Je ne veux pas te forcer à me côtoyer. Te courir après comme je l'ai fais... Ce n'est pas sain... Je refuse de t'obliger à faire quelque chose qui te met en colère ou qui te fait de la peine. J'ai mis des années à me rendre compte que... Mon désir perpétuel de vous protéger, de vous avoir à mes côtés est une chose égoïste. C'est pour cela que... Si tu le souhaites réellement, je peux disparaître de ta vie. Tu n'auras qu'à me supporter dans le jeu et encore... Je ferais en sorte que cela soit Lofn qui te fasse les comptes-rendus comme cela.. Nous limitons le contact. »

Puis elle confessa en un soupir :

« Je suis fatiguée de courir après des chimères... »

Son ton était las, avait perdu tout son éclat. Les faits étaient là : elle n'avait plus la force de rien, pas même de continuer à s'entêter de renouer avec sa nièce. Si Mera ne voulait réellement pas d'elle dans sa vie. Souhaite. Qu'il en soit ainsi. Même si cela allait détruire un peu plus Felicity : elle respecterait sa décision.

« J'ai l'impression de te harceler, que je te cause plus de mal que de biens en faisant cela. Je ne veux pas mettre en péril ta grossesse en t'accablant de maux dont tu te passerais bien. »

step by step ☆ Mera sentit les larmes lui monter aux yeux de nouveau et battit très vite des cils pour ne pas pleurer davantage. Elle fourra au chocolat dans sa bouche et l'avala péniblement, la gorge nouée. C'était la meilleure chose qu'elle ait mangé depuis des jours, si ce n'était pas la seule. Maintenant qu'elle y pensait, elle n'était pas certaine d'avoir mangé ces derniers jours. Sa main se posa sur son ventre avec inquiétude. Pardon pois-chiche, je mangerai quelque chose en rentrant à la maison, promis, pensa-t-elle, réellement désolée. Ce n'était plus seulement sa vie qui était en jeu maintenant, mais celle du pois-chiche aussi. Et elle ne pouvait pas se permettre de se montrer irraisonnable quand il s'agissait de lui, l'étant déjà bien assez en jouant au DARWIN'S GAME.  « Papa nous a laissé tomber, maman nous a laissé tomber … Je ne voulais pas que tu nous laisses tomber aussi. Aria n'aurait pas supporté, et je n'aurais pas supporté non plus. » expliqua-t-elle d'une voix pâteuse. Mera but une nouvelle gorgée de thé et reposa la tasse sur la table d'une main tremblante.  « Me courir après m'a seulement donné envie de fuir davantage. Je ne suis pas et ne serai jamais une fille bien qui reste sagement à la maison et obéit aux ordres. Je tiens à mon indépendance, et je m'impose mes propres règles. » Mais ça, Felicity le savait déjà. Elle avait été témoin des crises que pouvait faire Mera lorsqu'elle essayait de lui donner des ordres. Et maintenant, voilà qu'elle avait accepté d'être Chef de team pour la simple et bonne raison qu'elle ne supportait pas qu'il y ait quelqu'un au dessus d'elle dans la hiérarchie, et aussi parce qu'elle n'avait suffisament confiance en personne à cette époque-là pour laisser la tête de l'équipe à quelqu'un d'autre. La jeune femme s'autorisa un deuxième chocolat qu'elle savoura plus que le premier.  « Je suis très fière de ce qu'Aria et moi avons accompli seules. » conclue Mera, revigorée, en plantant son regard dans le sien. Elle n'avait plus envie de pleurer à présent, et sa nausée commençait à passer. Le thé, le chocolat et se libérer du poids de secrets et de culpabilités y étaient sûrement pour beaucoup. Elle inspira une grande bouffée d'air, soupira, et se redressa davantage sur sa chaise. Le silence se réinstalla quelques minutes entre elles, durant lesquelles Mera chercha comment dire les choses avec tact, sans blesser qui que ce soit. Elle finit sa deuxième tasse de thé et décida que c'était assez ; désormais, elle avait juste envie de rentrer chez elle pour mager quelque chose, dormir une heure, prendre une douche et retourner à Darwin Harbor.  « Je veux que les choses se fassent à leur rythme. C'est idiot d'être fâchées, mais ce n'est pas pour autant que j'ai envie d'une relation fusionnelle et qu'on se voit tout le temps. J'ai besoin de temps. » dit-elle en se levant péniblement de sa chaise. Mera s'étira un peu, grimaça quand sa côte la fit souffrir et croisa les bras sur sa poitrine.  « Bravo encore pour le livre. On se voit là-bas. Salut. » A ces mots, elle s'approcha du comptoir pour payer la seconde tournée de thé et salua sa tante d'un hochement de tête, avant de quitter le café à la hâte. Le trajet du retour lui sembla plus rapide qu'à l'accoutumée, tandis que dans son esprit tournaient en boucle leurs paroles échangées. Elle avait fait le premier pas vers Felicity aujourd'hui, et était assez contente de l'avoir fait.