Un pas en arrière quand le bus freina, tandis qu’elle serra un peu plus fort la barre qui lui semblait comme chaque été, terriblement moite. Les portes s’ouvrirent et la masse de citadins se précipita dehors, en espérant que l’air sera plus respirable, malheureusement aucune brise rafraîchissante ne lui effleura la peau. Un soupire un peu long en s’essuyant la main humide sur sa chemise et de remettre son écouteur tombé dans le mouvement de foule. Elle longea les murs, cherchant un peu d’ombre et coupa même par une galerie marchande pour acheter une bouteille de limonade. Un détour sympathique au rayon frais avant de passer à la caisse, le tout en saluant un ancien camarade de classe qui contrairement à elle, s’était trouvé un job pour les vacances. Louison avait d’autres projets pour les vacances et se doutait de toute manière qu’elle serait bien incapable de rester sur une chaise à saluer les clients, tout en transpirant comme un boeuf dans une chemise verte immonde. Un rapide sourire faux, comme si la vie de ce dernier l'intéressait, avant de reprendre sa route à travers les buildings. Quelques gorgées pour s’hydrater, avant de mettre ses lunettes de soleil sur le nez et de se faufiler à travers une foule trop occupé à regarder un homme aux cheveux grisonnants en train de chanter des vieux tubes de Michael Jackson pour fêter son retour hypothétique -le genre de chose dont elle se moquait parfaitement. Une fois dégagé de la zone, elle arriva enfin devant l’entrée d’un des nombreux gratte-ciels du quartier.

La tour était de taille moyenne, bien moins imposante que celle qui se tenait juste dans son dos dont sortait une tribu d’hommes en cravates, si stressés qu’ils en perdaient déjà tous leurs cheveux. D’après ce qu’il était écrit sur l’entrée, c’était un pôle financier important, mais ça aussi elle s’en contre fichait parfaitement. Contrairement à la plupart du quartier, ce n’était pas des rapaces en mocassins qui traînaient devant la tour aux murs un peu ocres, mais une horde de hipster en herbe, fumant leurs cigarettes électroniques en parlant du dernier Coachella.  Les chemises à carreaux avaient rapidement remplacé les costards et la mode était à la nouvelle génération surtout dans cette tour. Une chance pour son frère qui aurait sûrement ramé à trouver un poste de programmateur dans une grande radio sans devoir passer dix ans à faire le café avant. Le boulot de son frère se trouvait assez loin de chez elle, raison pour laquelle elle ne s’y était que très rarement pointée, sans parler que la sécurité ne la laissait jamais entrer. Son frère refusait toujours de décrocher au téléphone ou même de lui parler dans le jeu, s’y bien qu’elle retenta la bonne vieille méthode du face à face -même si pour cela, elle devait encore attendre une bonne heure en plein soleil.

Son visage chauffait un peu et elle regretta un peu de ne pas avoir prévu de la crème solaire pour ne pas finir avec un bronzage type anglais affreusement ridicule. Cela dit, la blonde était déjà contente d’avoir à boire sous la main, ce qui rendait l’attente déjà bien moins longue. Au bout d’une heure terriblement longue, elle remarqua enfin la masse capillaire blonde de son frère se dessinant parmi les autres et se plaça juste à l’entrée avec un regard un regard dur qui en disait long sur ce qu’elle pensait. Elle rangea calmement ses écouteurs en essayant de bloquer le passage à son grand frère, mais ce dernier lui passa à côté d’elle.. « Tu sais très bien pourquoi je suis là Tristan ! » Elle le rattrapa en moins de deux et se plaça juste devant lui pour le bloquer dans sa marche. Agacée par la remarque de ce qui était censé être le plus âgé et plus mature, elle leva les yeux au ciel avant de reprendre blasé. « Arrête de faire le clown, je sais pas qui tu essayes de faire rire, mais ça marche pas. » Parfois, elle trouvait la tête toujours satisfaite de son frère insupportable et lui collerait bien un poing elle-même, mais ce n’était sûrement pas comme ça qu’il reviendra à la maison. « Maman se fait vraiment du soucis pour toi, tu pourrais au moins faire l’effort de donner des nouvelles et de ne pas partir en courant par l’issue de secours comme un lâche. » Sa voix était assez dure, tandis qu’elle fixait le plus grand, celui qui quelques temps plus tôt lui apparaissait encore comme le meilleur grand frère du monde.

Son visage était parfaitement hermétique à l’humour de son frère qu’elle trouvait de plus en plus blasant. Fut un temps, elle le trouvait bien plus hilarant que la majorité des garçons, seulement les blagues de ce genres n’avaient plus leur place et Louison était presque impressionné par la patience dont elle faisait preuve. « Tu me fais vraiment pas rire là. » Malgré sa franche envie de lui arracher son sourire satisfait, elle répondait calmement avec un visage aussi sympathique qu’une porte de prison. Impassible, la blonde coupa le chemin de son grand-frère qui tentait discrètement de prendre la fuite comme il le faisait tout le temps, aussi bien en dans la vraie vie que dans le jeu. Contrairement à leurs parents, elle pouvait s’estimer heureuse de le savoir en vie, même si cela n’allait sûrement pas durer à cause de sa fâcheuse tendance à se mettre dans la merde. Seulement, leur mère se faisait un sang d’ancre et il suffirait d’un simple effort de sa part pour améliorer la situation. « Laisse au moins une adresse ! » Elle perdait de plus en plus patience devant l’immaturité de Tristan et passa une main dans ses cheveux franchement agacée. Louison détestait cette manière qu’il avait de se croire si indépendant et si malin, alors qu’il était aussi mature qu’un gamin de quatorze ans en pleine crise d’adolescence.

Avant de craquer et de lui foutre la bouteille de limonade dans la figure, elle prit une grande respiration ce qui avait au moins le mérite de la calmer. Ses yeux fixaient ceux du plus âgé, se demandant à quel moment tout avait basculé. Pourquoi du jour au lendemain, elle n’était plus personne pour lui ? Pourquoi était-il encore plus irresponsable qu’avant, malgré ses vingt-six ans ? Pourquoi n’avait-elle plus le droit à un grand frère ? Tant de question sans réponse, si ce n’était peut-être ce jeu et si c’était le cas, ils allaient certainement devenir tous les deux complètement fous. Seulement, elle s’inquiétait pour lui, parce qu’il était instable, parce qu’il était trop orgueilleux et surtout parce qu’elle tenait terriblement à lui. Si l’étudiante en cinéma se heurté à une réalité presque adulte, son frère jouait encore l’enfant en lui sortant un mensonge mielleux qui lui fit rouler les yeux. « Si tu jouais pas au plus con, je serais pas obligé de traverser la ville. » Parfois, elle se demandait sérieusement ce qu’elle avait bien pu faire pour mériter ça et plus elle pensait avoir tout vu ou entendu avec lui, plus il l’a surprenait par sa bêtise. Il était évident qu’il jouait les faux sentimentaux, sans parler que s’il y avait une personne capable de se défendre, c’était bien elle.

Un léger sourire se dessina sur son visage lorsque le blond demanda si elle comptait le suivre. Bien qu’elle avait sûrement pleins d’autres choses à faire, elle comptait bel et bien le suivre, jusqu’à découvrir sa tanière -même si cela prenait deux jours. « Oui, je compte te suivre, désolé pour ton épisode de Real Housewives, tu pourras toujours le voir en rediffusion. » En soi, elle ne vivait plus chez ses parents et pouvait parfaitement déserter de chez elle, à condition de donner des nouvelles à ses parents. Avec les tensions qui régnait en ville, la plupart des parents se sentaient dépassés et s’inquiétaient en permanence -il était alors facile d'imaginer la peine des McKenzie, qui n’avaient pas vu leur fils depuis des mois. La promesse de son frère la fit presque rire, tandis qu’elle la balaya d’un geste de la main. « Arrête, tout le monde sait que tu es un menteur, c’est pas une nouvelle. Et papa ne fait pas de favoritisme et si tu arrêtais de jouer au plus con, tout se passerait mieux ! » L’honnêté ne comptait pas dans les qualités de son frère et elle se demandait bien souvent comment il pouvait encore penser que cela fonctionnerait. Maintenant qu’elle lui avait exposé ses plans pour les prochaines heures voir jours, il était temps de lui laisser une dernière chance. « On rentre ? » Peu convaincu, se doutant qu’il dirait non, elle se contenta de croiser les bras sans jamais baisser les yeux.