Enfant beaucoup t'enviaient. Tu avais de la chance disait-on d'avoir des parents qui t'offraient tout ce que tu désirais. Mais ce que tu voulais ne s'achetait pas avec de l'argent. Tu ne souhaitais qu'un peu d'attention chose qui n'arriva jamais. Tes parents n'avaient pas fait un mariage d'amour mais de raison, de profit. Seul cela leur importait. Plus associés qu'amants ce fut un miracle que tu sois conçue. Mais après tout qu'aurait dit les voisins si le couple Anderson n'engendrait pas? Ils voulaient un garçon. Manque de chance pour eux tu n'aura qu'un paire de chromosomes XX. Mais pas question pour ta mère de subir une nouvelle grossesse, tu resterais fille unique ce qui était déjà bien assez. (▽) Tu n'avais pas encore une semaine que tu fus confier aux bons soins d'une nourrice. Une jeune femme douce d'origine mexicaine si tes souvenirs sont bons. Elle te donnera le seul amour que tu connaîtra durant les premières années de ta vie. Mais tes parents la renvoyèrent l'année de tes dix ans. Tu étais à présent assez grande pour te débrouiller seule t'avaient-ils dit. Un véritable crève cœur pour la petite fille que tu étais. (▽) Deux ans plus tard tout changea. La justice qui s'intéressa d'un peu trop près aux affaires familiales et voilà ton père en prison et sa grande fortune envolée. Fini la belle maison, l'école privé, les cours de danse pour t'occuper, le dressing dix fois trop imposant pour une enfant seule. Et cela te convenait très bien. Tu as même cru, espérait naïvement que de te retrouver avec ta mère dans un petit deux pièces allait vous rapprocher. Doux espoirs d'une enfant trop vite brisés. (▽) Lorsque tu atteignis l'âge de 14 ans ta mère se remaria. Des noces grandioses à la hauteur de la richesse de ton nouveau beau-père. Et l'histoire se répéta. La même image bien lisse mais terriblement creuse fut jouer. Mais tu ne voulais pas reprendre ton rôle. Tu préféras rester dans ce petit appartement tout simple plutôt que de reposer tes bagages dans un maison sans âme, continuer à suivre des cours dans une école normale plutôt que d'aller dans une pension. Une vie peut être banale mais une vie vraie au moins. Ta mère ne fit rien pour te faire changer d'avis, bien au contraire ton choix l'arranger. Quoi de plus encombrant que l'enfant d'un premier mariage lorsque l'on vient de célébrer ses noces? Elle continua de payer le loyer de ton chez toi et continua ta vie de ton côté. (▽) Les services sociaux auraient certainement trouvé quelque chose à redire sur la situation mais ils n'en surent jamais rien. Après tout tu étais une adolescente sans problème, qui avait de bons résultats et ne faisait pas de vagues. Pourquoi se serait-on intéressé à toi? (▽) Tu t'en sortais plutôt bien toute seule. Tu gérerais ton quotidien, faisait tes courses et ta lessive tout en rendant tes devoirs à temps. Sociable et douce tu avais également des amis, du moins ce qui y ressemblait le plus. Mais l'indépendance que tu avais acquise t'éloignait des personnes de ton âge. Tu avais l'impression d'être si loin de leur préoccupations de collégiens que tu avais l'impression d'être à part, anormale. Puis tu l'as rencontré. Lui. L'unique. Heathcliff. (▽) Tu n'avais que 15 ans et lui n'avait que quelques années de plus. Tout vous séparait, comme deux antipodes. Lui, l'impétueux, l'indomptable, aussi furieux qu'un brasier et aussi secret qu'une nuit sans lune. Toi, la douce, la tendre, aussi que paisible qu'une pluie d'été et aussi chaleureuse qu'une étreinte après une absence trop longue. Si différents. Et pourtant. Pour toi se fut comme une évidence. C'est peut être con à dire mais ce n'est que la vérité ni plus ni moins. Tu ne sais ni pourquoi ni comment c'est arrivé mais tu l'as aimé cet idiot. Plus que de raison. Et après tout qu'est ce que la raison face à ça? Peut être est-ce simplement le fait qu'il avait l'air d'être aussi seul et paumé que toi. Ou alors la fascination qu'il a éveillé en toi d'être submergé de tellement de sentiments qui le consumé à petit feu alors que toi tu arrivais si bien à étouffer les tiens. Tu n'en sais rien et tu t'en fous, clairement. Il a été ton premier amour, un amour fou, un amour à sens unique. Tu le sais et tu l'as toujours su. Tu lui en avait voulu, tu l'avais maudit pour ça mais plus maintenant. Tu avais appris à le connaître et à l'aimer assez fort pour ne pas l'empêcher de partir quand le moment était venu. Tu n'étais qu'un refuge, quelques heures où il pouvait oublier ses tourments pour repartir au petit matin. Tu le savais et tu t'étais contenté de ça, encore et toujours. Tu ne le changerais pas, tu n'avais jamais cherché à le faire. Tu l'avais simplement accepté, choisi, aimé pour tout ce qu'il était. Oui tu l'avais aimé, tu l'aimais et l'aimerait sans doute jusqu'à la fin de ta vie. Tu ne pouvais rien y faire alors tu faisais simplement avec. Du mieux que tu le pouvais. (▽) Pendant un long moment ta vie fut dicté par les allées et venues, les sautes d'humeur d'Heathcliff. Tu nageais entre deux eux, partagée entre les quelques heures de bonheur que tu partageais avec lui et les moments interminables où tu te retrouvais seule. Ne pouvant plus continuer à l'attendre indéfiniment tu as fini par reprendre ta vie en main. Tu as continué tes études et tu es devenue infirmière. Un métier peut être difficile parfois mais que tu aimais. Tu as coupé les ponts avec ta mère maintenant indépendante financièrement. Tu ne roulais peut être pas sur l'or mais tu étais heureuse, c'était tout ce qui importait. (▽) Puis il est réapparu il y a quelques années, comme par magie. Tu aurais voulu garder tes distances, agir comme l'adulte que tu étais devenu mais il a suffit d'un seul regard pour que toutes tes belles résolutions partent en fumée. Tu as nouveau cédé, tu as de nouveau succombé dans ses bras pour retrouver des draps froids au petit matin. Si naïve, si  prévisible. Tu n'avais pas de rancune, pas de regret juste la douceur de la nuit passée encore sur tes lèvres. Tu pensais que tout s'arrêterait là mais tu te trompais. Ta vie était sur le point de changer. (▽) Deux barres sur un stupide bout de plastique. Une main égarée sur ton ventre et l'air qui te faisait défaut. Enceinte. Tu étais enceinte. Tu avais bien du mal à y croire, à te l'avouer. Tu portais un enfant, l'enfant d'Heathcliff. Votre enfant. Et la terreur s’empara de toi. Jamais, au grand jamais tu ne t'étais imaginée mettre un jour un enfant au monde. Tu ne t'en sentais pas capable. Comme aurais-tu pu alors que tu ne savais pas ce qu'avoir des parents signifiait? Comment aimer un bébé si ta propre mère ne t'avait jamais aimé? Alors tu décidas que tu n'étais pas prête, pas faite pour être mère. Tu te retrouvas dans une pièce froide à attendre ton tour nerveusement pour avorter. De longues minutes, ne savant pas quoi faire, la main toujours posée inconsciemment sur ton ventre. Puis tu entendis ton nom et tu pris tes jambes à ton cou. Non, c'était au dessus de tes forces, tu ne pouvais pas. Car même si tu n'avais pas voulu te l'avouer tu l'aimais déjà ce bébé. Ton bébé, ce petit bout d'Heathcliff et de toi. Et tu lui donnerais tout l'amour que tu pourrais. (▽) Voilà presque quatre années que ton petit garçon emplissait ta vie de douceur et de tendresse. Quatre années à veiller sur le plus précieux des trésor, à l'élever seule sans l'aide de personne hormis celui de ta meilleure amie, June. Être mère célibataire n'était pas simple et il fallait bien que quelqu'un continue à veiller sur lui lorsque tu prenais ton service à l'hôpital. Alors June emménagea avec toi. Une colocation qui se passa pour le mieux, où chacun y trouva son compte. Jusqu'à ce fameux jour où plus rien ne fut pareil. Tu venais de finir ton service et avait appelé June pour la prévenir comme à ton habitude. Pas de réponse. Cela te surprit, t’inquiéta. Ce n'était pas le genre de ton amie de filtrer les appels. Tu te dépêcha de rentrée chez toi, l'appréhension te nouant le ventre. Ta clé tourna dans la serrure et les pleurs de ton fils furent la première chose qui te frappèrent. Tu le pris immédiatement dans tes bras, le serrant contre toi et caressant doucement ses cheveux blonds pour le calmer. Tu étais là à présent il n'avait plus rien à craindre. Petit à petit ses sanglots s’arrêtèrent, laissant simplement ses deux grands yeux bleus emplis de larmes. Tu lui embrassa le front en le gardant tout près de toi et parti à la recherche de June. Qu'est ce qu'elle foutait bon Dieu? Elle allait t'entendre ça c'était sûr. Mais ta colère chuta bien vite en poussant la porte de sa chambre. Elle était là immobile, affalée sur son bureau. Tu sentis le sang se glacer dans tes veines. Tu essaya de la réveiller en vain. Son cœur ne battait plus. Tu appela les secours les suppliant de se dépêcher avant de confier ton fils quelques minutes à ta voisine afin de tu puisses entreprendre une massage cardiaque. Un petit garçon n'avait pas à assister à ça. Tu continua de longues minutes, les larmes roulant sur tes joues alors que tu lui interdisait de partir. Mais il était déjà trop tard. L'écran de son ordinateur était encore allumé. Quelques mots y clignotaient toujours. Darwin's Game. Game Over.(▽) Une enquête fut mené, la police passa au peigne fin ton petit appartement et l'interrogea même pendant de longues heures. Pour rien. Ils conclurent à une mort naturelle, un arrêt cardiaque. Malheureux mais imprévisible. Une version que tu n'acceptas pas. Non c'était impossible. Alors tu décidas de chercher toi même des réponse, pour June, pour ta meilleure amie. Tu te retrouva bien souvent face à un mur retournant encore et toujours au même point, Darwins Game. Tu aurais peut être dû t'arrêter là, accepter sa mort et faire ton deuil mais c'était au dessus de tes forces. Tu devais savoir. Et tu finis par les trouver tes réponses. (▽) Enfant tu passais tes longues heures de solitude plongée dans un livre. Contes, romans, mythologie, encyclopédies, manuels scientifiques tout y passa. Un goût pour la lecture que tu garderas jusqu'à aujourd'hui. (▽) À un moment de ta vie tu voulais devenir tatoueuse. Une passion pour le dessin qui te collait à la peau comme tu aimais le dire. Tu en as d'ailleurs plusieurs des tatouages, tous soigneusement cachés lorsque tu portes ta tenue d'infirmière. (▽) Tu n'as jamais été plus loin que les limites de Chicago. Tu es une citadine dans l'âme et ne t'es jamais aventurée en forêt. (▽) Même si tu es aujourd'hui une mère seule tu gardes toujours un peu de temps pour toi. Tu le passes généralement à faire du sport. Tu es une habituée de jogging et de course depuis l'adolescence. Mais après une mauvaise rencontre il y a de ça quelques années tu as décidé de t'inscrire dans un cours d'auto-défense. D'avantage pour te rassurer qu'autre chose.  (▽) Tu n'as jamais dit à Heathcliff qu'il était papa. Maintenant que ton fils grandit tu ressens le besoin de plus en plus pressant de le faire. Mais trouver Heathcliff c'est comme essayé d'attraper un courant d'air à mains nues. Sans oublier que tu ignores totalement la réaction qu'il aura en l'apprenant. Tu es terrorisée rien que d'y penser. (▽) Tu n'as jamais été une personne violente bien au contraire. Tu as dû te battre une seule fois dans ta vie et encore c'était au collège. Tu es Infirmière, ton rôle est avant tout de soigner pas de blesser. Tu n'as d'ailleurs jamais touché une arme à feu. (▽) Le décès de June t'a profondément affecté. Tu as toujours fait de ton mieux pour gérer tes émotions et tes états d'âme mais cette fois tu n'y arrives pas. Tu es en train de changer tu le sens et tu ne saurais dire si c'est pour le meilleur ou pour le pire. (▽) D'aussi loin que tu te souviennes tu as toujours été la gentille petite Svenja, celle qui sourit tout le temps, qui est toujours là pour les autres. Celle que l'on peut abandonner sans se retourner, celle qui est incapable de se protéger ou de protéger ceux qu'elle aime. Tu es peut être trop faible, trop insignifiante ou alors les deux à la fois. Tu l'ignores. Mais une chose est sûr, tu en as assez. (▽) quelque chose qu'il aime (▽) quelque chose qu'il déteste (▽)