Crève, espèce d'ordure. Un craquement sourd raisonne dans le silence de l'aube, le craquement d'un crâne qui se fend, d'une vie qui s'envole. Et puis plus rien, la forêt redevient paisible, reprenant le cours de sa douce existence, jusqu'au prochain round. Quand à moi je reste là, seule, ma dernière victime venant de m'arracher ma partenaire. Ma rage se concentre toute entière dans un coup de pied lancé au hasard, mon pied s'écrase sur une pierre puis l'envoie valser dans un tronc d'arbre. Le fracas rompt à nouveau le calme lugubre qui m'entoure. Je savais que c'était une putain d'idée de merde ! On était tombé dans une embuscade, depuis l'épisode du festin, tous les joueurs devenaient fous, paranoïaques. Ils attaquaient tout ce qui leur tombait sous la main. Tout le monde est sur les nerfs après ce qu'il s'est passé au festin, tu dois te calmer si tu veux survire. Pour une fois Sora a raison, il faut que je me reprenne si je ne veux pas perdre une autre vie stupidement. Scrutant la pénombre, je rassemble mes idées. Et maintenant ? Un frisson me parcours alors que je prend conscience de l'humidité et de la fraîcheur environnantes, l’adrénaline ne crée à présent plus l'illusion d'un semblant de confort. Cela fait un peu plus de vingts-quatre heures que je suis dans le jeu, ma coéquipière et moi nous étions démené pour trouver une porte de sortie depuis, sans résultat, et à présent qu'elle a été éliminée, il ne reste que moi, enfin moi ... et Sora. À nouveau je soupire, me mettant en route vers une destination qui m'est encore inconnue. Je slalome avec prudence entre les arbres alors que le soleil pointe peu à peu le bout de son nez et que la brume me prodigue une couverture appréciable, dissimulant ma présence à de possibles assaillants. Je suis exténuée, l'attaque que nous avons subit la nuit passé avant même de pouvoir nous reposer m'a achevé et mes jambes peinent à me porter. Je me dois cependant de continuer à avancer, rester sur place me vaudrait à coup sur de me faire tuer, il me faut trouver un abri au plus vite.

Au loin la silhouette imposant du vieux moulin se découpe dans les ténèbres qui commencent à s'estomper peu à peu. Des rumeurs prétendent l'endroit hanté mais je me fiche bien des "on dit", la seule chose qui m'importe à présent c'est de me reposer à l'abri et quel meilleur endroit pour se réfugier qu'un endroit craint et que peu de joueurs osent approcher. En quelques minutes je me retrouve au pieds des énormes pâles meurtries du bâtiments. Je les fixe quelques instants, comme hypnotisée par cette sinistre beauté puis je me décide à entrer. Seul le craquement inquiétant des planches de bois sous mes bas vient percer le silence presque mystique des lieux, cela me satisfait, car si qui que ce soit entre, j'en serai rapidement informée. Rassemblant les forces qu'il me reste, je me hisse sur une poutre et m'installe dans un recoin. Il ne me faut pas longtemps pour tomber dans un sommeil qui à défaut d'être profond, m'apporte un certain réconfort.

J'ai l'impression de m'être à peine endormie qu'un grincement me fait ouvrir les yeux. Le jour est levé mais je ne sais combien de temps je me suis assoupie. Lentement et sans faire de bruit, j'observe du haut de mon perchoir et entre-vois une ombre, ami ou ennemi, je ne saurais le dire. Heureusement pour moi, mes forces sont revenues, je bande mon arc et suit la silhouette de ma flèche, prête à tirer au premier mouvement.

HJ: