Né d'une mère irlandaise catholique non-pratiquante et d'un père juif, Jacob ne s'est jamais senti appartenir à aucune religion en particulier bien que son père insista sur le fait de perpétuer quelques pratiques juives au sein du foyer, même s'il savait que son fils ne pourrait jamais partager sa religion. Finalement, Jacob s'est détaché de toute idée d'un Dieu bienveillant. Il se considérait lui-même agnostique jusqu'à la perte qui a fait de lui un athée convaincu. (▽) Sa mère était infirmière tandis que son père était un vendeur de chaussures lambda mais Jacob a toujours été fasciné par la capacité de son père de vendre une paire de chaussures en cuir hors de prix et les produits pour l'entretenir, tout cela pour une belle somme d'argent, à une personne ne faisant « que regarder ». D'ailleurs, Jacob passait toujours à la boutique de son père après les cours, faire ses devoirs derrière le comptoir ou travailler à la caisse durant les soldes. (▽) Le métier d'agent immobilier ne s'est pas imposé comme une vocation à ses yeux mais simplement comme une suite logique dans ses études et ses aspirations. Jacob aimait la vente et était très doué pour enjoliver une vieille maison des années 1960 où les travaux étaient plus que conséquents et en faire un palace où cette jeune famille pourrait s'agrandir. Son humour, son charisme (et parfois son hypocrisie) lui ont permis d'enchaîner les ventes et de passer du poste de stagiaire de la petite agence de Milwaukee au poste de directeur d'agence à Chicago. (▽) Il s'est marié très jeune à sa femme, lorsque tous deux n'étaient encore que de simples étudiants avec leurs vies devant eux. Ils étaient jeunes, à peine majeurs, mais dorénavant, ils sont adultes et n'ont plus grand-chose en commun, si ce n'est un contrat de mariage. Ils ne partagent plus que des banalités, tels de simples connaissances. Pourtant, aucun d'eux n'envisage le divorce car cela signifierait reprendre à zéro, sortir de leurs zones de confort. Et pour Jacob, cela signifierait reconnaître l'échec le plus cuisant de sa vie pourtant si bien menée. (▽) Pourtant, le couple a essayé de redonner un nouveau souffle à leur histoire par la prochaine étape dans la vie d'adulte qu'ils leur restaient à cocher : avoir des enfants. Seulement, après plusieurs années d'essai et une grossesse arrivée tant bien que mal à terme, leur fils est décédé quelques semaines plus tard des suites d'une déficience respiratoire. Il fallut plusieurs mois au couple pour reprendre une vie normale après cette tragédie, du moins en apparence. Derrière les portes closes, la conversation à propos des enfants est devenu un sujet tabou. Parfois, Jacob entend sa femme pleurer dans leur lit, tard dans la nuit lorsqu'elle pense qu'il est endormi. Le lendemain, personne n'en parle. (▽) Même s'il sera toujours là pour ses amis les plus proches et n'hésitera pas à les aider en cas de besoin, d'ordinaire, Jacob pense surtout à lui et ce qui peut le permettre d'aboutir à ses fins. Son ambition a conduit ses collègues à le surnommer d'arriviste ou de carriériste, ce qui n'est pas tout à fait faux. Il garde ses sous près de sa poche et juge très facilement le comportement et les choix d'autrui, sans se rendre compte qu'il est lui-même loin de la perfection. (▽) Sans doute à cause de son métier, Jacob est quelqu'un de très énergique, humoristique et diplomate, afin de capter l'attention de ses clients et de supporter les plus idiots et difficiles d'entre eux. Il peut se révéler extrêmement persuasif lorsqu'il s'agit de faire acheter un bien immobilier à un jeune couple dont le budget est déjà bien dépassé. Après tout, pour vendre des maisons il faut être un encore meilleur baratineur que le revendeur de voitures d'occasion. (▽) Il évite d'y penser au maximum, en se concentrant sur son travail ou en sortant voir des amis ou encore en s'inscrivant au dernier jeu en ligne à la mode, mais Jacob est profondément déboussolé. Sa vie a perdu de son sens et il a l'impression d'être au pied du mur. Son couple est un désastre, ses parents sont en fin de vie et il ne leur a donné aucun petits-enfant. Il ne veut pas renoncer à son mariage car malgré tout, il aime sa femme et, même s'il n'ose pas l'avouer, il n'ose pas se remettre sur le marché après quasiment quinze ans de vie de couple. Alors Jacob hausse les épaules et se dit qu'il doit vivre la fameuse crise de la quarantaine.  (▽) Lorsque lui ou ses proches sont confrontés à de graves problèmes ou conflits, Jacob ne peut s'empêcher de prendre les choses à la légère et d'aborder les choses avec humour et dérision, même si cela peut être complètement déplacé, voire blessant. Derrière un ton léger, il masque ses inquiétudes, ses peines et ses peurs, y compris à lui-même.  (▽) Jacob adore le cinéma d'auteur et possède une grande dvdthèque dans son salon. Lorsqu'il était plus jeune, il s'était essayé à filmer quelques images de sa vie de tous les jours et les assembler avec ses faibles connaissances en montage mais avec le travail, il n'en a plus eu le temps puis il n'en eut plus l'envie. (▽) Il est d'ailleurs terriblement complexé de n'avoir aucun talent. Il ne joue d'aucun instrument de musique, sa capacité à peindre est aussi grande que celle d'un enfant de cinq ans et il n'a jamais eu le don pour formuler de jolies phrases pleines de sens et de beauté. Jacob, il ne sait que vendre. Mais c'est déjà mieux que rien, non ? (▽) Jacob méprise les personnes qui connaissent une meilleure situation que lui sans l'avoir mérité : un meilleur salaire, une meilleure maison, des avantages fiscaux résultant de fraude... L'on pourrait croire que cela résulte d'une vision idéaliste où le mérite et la justice l'emportent sur le reste, ce qui est le cas, en partie. Mais il est indéniable qu'un complexe d'infériorité se niche aussi là-dedans. (▽) De toute manière, cela importe peu dorénavant. Jacob a fermé son agence depuis plusieurs jours : plus personne ne cherche un logement et le monde est fauché. Plus personne ne venait travailler de toute façon, pas même lui. Il avait trouvé une autre occupation. Peu importe si elle n'était que virtuelle.