GHOST FROM THE PAST / BJORN

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Amelia ne se sentait pas très à l'aise entre les arbres de la forêt. Elle préférait passer le plus de temps possible ici, parmi les buildings pour la plupart écroulés, les voitures sans pneus, les poubelles brûlées, les graffitis guerriers, bercée par le bruit des balles échangées depuis les fenêtres ou le silence poussiéreux de cette ville morte. Chicago ressemblait de plus en plus à ce désastre. C'était cet avenir qu'elle offrait à son enfant ; si elle avait su, elle aurait pris plus de précautions ce jour-là. […] Le soleil déclinait et le ciel se teintait d'une douce lueur orangée. Wolfe pensa retourner à sa tanière, afin de solliciter les éclaireurs pour trouver une sortie et se déconnecter de ce jeu maudit, quand une silhouette au loin attira son attention. La brune plissa les yeux en se cachant derrière un tronc d'arbre pour ne pas être vue. « C'est pas vrai … T'aurais-je trouvé ? » souffla-t-elle. Comme l'homme – qui lui tournait le dos – s'éloignait, la jeune femme décida de se rapprocher, non sans trouver refuge derrière chaque obstacle qui le séparaient de lui afin de rester le plus discrète possible. La discrétion était tout sauf son fort, mais Amelia voulait gagner du temps afin d'être sûre qu'elle ne s'y trompait pas. Il n'y avait que peu de doutes quant à l'identité de sa cible, mais elle avait du mal à croire que c'était réel. Bjorn. Elle aurait reconnu ces boucles sombres dans lesquelles elle avait maintes et maintes fois glissé les doigts ainsi que cette démarche entre mille. Parce que la première chose qu'elle avait regardé chez cet homme était son cul, et qu'elle ne l'avait plus jamais oublié depuis. Son cœur se mit à battre à une allure déraisonnable. Huit ans qu'elle ne l'avait plus vu. Huit ans, c'était une vie toute entière. La vie de leur fille, qui avait grandi sans son père mais avait hérité de lui cette chevelure indomptablement bouclée qui rappelait sans cesse Bjorn à son bon souvenir. Finalement prise d'un élan de courage, Wolfe sortit de son trou et s'élança à sa suite. Avant qu'il ne puisse réagir, ni même remarquer sa présence, elle écrasa sa faucille contre la gorge de son ex-compagnon. Un sourire à la fois carnassier et amusé naquit sur ses lèvres qu'elle approcha de son oreille avec une lenteur exquise. « Bonjour mon ange. Un geste brusque et je te tue. Un mot trop haut, et je t'égorge. » murmura-t-elle en prenant le parti de le relâcher malgré tous les dangers que la situation incombait. Pourrait-il la tuer ? Et elle, le pourrait-elle ? Amelia laissa Bjorn se retourner et haussa un sourcil provocateur quand leurs regards sombres se croisèrent enfin, après huit années emplies de doutes, de manque et d'incertitude. « Bjorn Sinclair. » lança-t-elle en guise de salut, et son sourire s'élargit davantage. Un sourire indéfinissable, oscillant entre la joie de le revoir, la terreur d'être face à l'homme qui l'avait laissée tomber au pire moment de son existence, le dégoût de voir en lui un ennemi aujourd'hui. Et pourtant, si elle était là, inscrite au jeu de la mort, c'était bien pour Bjorn Sinclair. « T'as pris un sacré coup de vieux. » mentit-elle en le détaillant des pieds à la tête. En réalité, il n'avait absolument pas changé. Et elle non plus. Elle arborait toujours ce look sombre, un peu punk, avec ses cheveux emmêlés et son maquillage trop prononcé. Amelia avait simplement l'air plus sûre d'elle, ce qui était une façade tout à fait mensongère. En réalité, elle n'avait jamais eu aussi peur que ces dernières semaines, et c'était bien pour cette raison qu'elle se tenait face à lui en cet instant. « Alors quoi, tu n'embrasses pas une amie de longue date ? » La remarque, lancée sur le ton de la plaisanterie, trahit toutefois sa rancoeur plus qu'elle ne l'aurait voulu.

Ghost from the past

S'il m'arrive de repenser à cette fille à qui j'ai fait la pire chose que je pouvais être amené à faire ? Parfois oui. Faut dire que ce que nous partagions était tout de même assez impressionnant et plaisant. Et que j'estime qu'elle fait partie de mes bons souvenirs. Est-ce que je regrette ? Non. Parce que je réalise qu'aujourd'hui encore, je ne suis pas prêt à être un père. Il faut savoir être réaliste, parfois, on ne peut pas juste devenir un père parce que ça nous tombe dessus, il faut aussi qu'on y soit prêt. Je ne l'étais pas, j'en étais plus que conscient. Certes, je n'ai pas agi de la bonne manière non plus. Est-ce que je n'aurais pas plutôt pu lui faire comprendre que la meilleure chose à faire, c'était d'avorter ? C'était une option envisageable, n'est-ce pas ? Je n'ai pas forcément envie de croire que je suis le mauvais de l'histoire. Elle a voulu me foutre un gamin dans les pattes bordel. Est-ce que ce n'est pas tout aussi égoïste, ça ? Je sais que ça se fait à deux. Mais au début, il y a encore le choix, n'est-ce pas ? C'est ainsi que je me convaincs que je ne suis pas le mauvais gars, c'est vrai. Et j'ai du mal à croire que cela peut vraiment être un problème. Je n'ai absolument pas envie de réfléchir à tout ça, pas du tout envie d'y repenser aujourd'hui alors que les années ont filé. Alors que je suis enfin en paix, finalement. Et puis bon, même aujourd'hui, je n'ai pas l'argent pour faire ça. Si je l'avais accepté, ce gosse à la con, il est évident que j'aurais été dans la merde, que j'aurais eu la honte et que j'aurais essayé de creuser un trou pour y disparaître. Je n'ai pas envie de prendre des responsabilités que je ne peux pas assurer, alors je prends le large.

Pourquoi je pense à elle déjà ? Oh, tout simplement parce que la lame de son arme, une putain de faucille, vient de se glisser sur ma gorge. Et sa douce voix vient de résonner à mon oreille. Faut dire que je n'ai toujours pas oublié le timbre de sa voix. « Bonjour mon ange. Un geste brusque et je te tue. Un mot trop haut, et je t'égorge. ». Oh je sais que l'envie est là, qu'elle meurt de me tuer, qu'elle meurt de m'égorger, là tout de suite. Mais elle veut une raison, bien sûr. Je ne savais pas qu'elle jouait, pas un seul jour je ne me suis dit qu'elle allait me tomber dessus. Mes yeux se lèvent au ciel, et je suis déjà agacé par la situation. Ces moments où je ne peux rien faire, m'irrite. Bordel, qu'est-ce qu'elle fout là. Je ne réponds pas, serrant les lèvres afin d'éviter de lui jeter une réplique acerbe à la gueule. Je sais qu'elle me tuerait pour moins que ça. Qu'elle débarque dans ma vie, dans le jeu, comme ça, sans prévenir, je ne comprends juste pas. Bon, elle m'en veut sans doute un peu. Mais est-ce véritablement une raison pour me butter ? Si ça se trouve, elle a avorté en plus. Ce qui aurait été la meilleure chose à faire. M'enfin. Elle me laisse me retourner tiens. Alors je lui fais face, et malgré les années écoulées, elle me paraît toujours aussi belle. Ce n'est bien sûr pas comme ça que je suis supposé penser face à une fille qui tente de me tuer ou que j'ai laissé tomber, aussi. Mais il est trop tard pour faire apparaître les stupides regrets, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne, n'est-ce pas ? C'est quoi cette arme bordel. « Bjorn Sinclair. ». Ainsi donc, elle se souvient de comment je m'appelle. En même temps, on ne peut pas vraiment dire que j'ai beaucoup changé. Parce que je n'ai pas changé, finalement. J'ai l'impression que passé un certain âge, on ne change plus tant que ça. Alors du haut de mes trente ans, j'ai peut être juste un peu plus de barbe. Surtout depuis que je ne me rase plus qu'une fois de temps en temps. Ca me donne un côté ténébreux. « Amelia Rhodes ». Oui, moi aussi je me souviens de comment elle s'appelle. Mais dans sa bouche, mon nom a toujours bien mieux sonné. Et ce sourire… Elle est toujours aussi belle. « T'as pris un sacré coup de vieux. ». Et voilà que je me mets à rire comme un abruti. Disons qu'avec elle, ça a toujours été comme ça. Et que je suis, bien malgré moi, étonné de constater que le courant passe encore. Enfin… Ce n'est que le début de l'échange hein. Faudrait pas non plus que je me mette à y aller en confidence et en amour. Là, d'ailleurs, je ne sais même pas si elle n'envisage pas vraiment de me buter. Elle n'est pas ATOM, alors… Comment savoir si elle ne voudra pas ma peau ? Nous sommes en pleine partie, là dans le jeu de Darwin, je refuse de voir tout le monde comme étant « gentil » parce que ce n'est pas le cas. Impossible. « Ravi que tu le remarques. Toi, tu es toujours aussi sexy ». Un sourire en coin se dessine sur mes lèvres, provocant. Mais je ne la quitte pas des yeux, bien sûr. Elle est armé et moi, je n'ai pas mon arme dans la main, elle est là, à ma ceinture. Et pourtant, elle sera plus rapide à me trancher la gorge que je ne le serais à dégainer mon arme.

« Alors quoi, tu n'embrasses pas une amie de longue date ? ». La rancoeur se dégage de sa réplique. Et je la connais encore trop bien pour qu'elle puisse me le cacher. Il est étrange pourtant de prétendre comme ça qu'elle me connaît encore. C'est impossible après toutes ces années. Mais en tout cas, je ne bouge pas, la fixant encore. « Je ne sais pas où tes lèvres ont traîné depuis tout ce temps ». Et je me demande surtout combien d'hommes elle a embrassé, depuis. Parce qu'avec un physique comme le sien, ça ne m'étonnerait pas.

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Amelia fit mine d'être agacée par son compliment et leva les yeux au ciel un instant. Toutefois, elle fut plus que touchée, et ravie, que Bjorn la trouve encore sexy après tout ce temps. Il n'en n'aurait sûrement pas dit autant s'ils s'étaient croisés à Chicago, où elle était trop maigre, trop pâle, à bout de force, terrifiée, et vivait dans une précarité indécente. Sans parler du manque d'hygiène qui la rendait naturellement bien moins sexy. Cette vie où leur fille dormait sur des matelas couverts de pisse et de seringues contaminées, dans des squats de junkie qu'Amelia tentait de transformer le temps d'une nuit en royaume pour la princesse qu'elle aurait du être, si Bjorn ne les avait pas lâchement abandonnées. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire à la fois amusé et blessé. « C'est amusant que tu dises ça, je me faisais la même réflexion à ton sujet. » Elle se mordit la lèvre et décida de s'expliquer un peu mieux : « Lequel de nous deux a été le plus libre, ces huit dernières années, tu crois ? Pendant que certains s'amusaient, d'autres ont eu de plus grosses responsabilités sur les épaules. » La brune haussa les sourcils d'un air de défi. Avait-il pensé à elle, parfois ? S'était-il dit que, peut-être, cet enfant aurait besoin de son père ? Qu'elle, Amelia, aurait besoin de Bjorn ? Non. Et c'était foutrement douloureux. Mais Amelia jugeait avoir été quelqu'un de compréhensif et de patient, en ne cherchant pas à le contacter. Elle piqua le bout de son doigt de sa vieille faucille et la fit tourner doucement, histoire d'occuper ses doigts nerveux et ses mains tremblantes. Être face à Bjorn provoquait en Amelia une panique terrible. Pour un peu, ses jambes se seraient dérobées sous le poids de son corps. « Au fait, laisse-moi me présenter en bonne et due forme. » Son sourire s'élargit davantage en tendant sa main droite un peu moite à l'homme. « Ici, on m'appelle Wolfe. » Ladite Wolfe savait que ça évoquerait quelque chose en lui. Quelque chose issu du passé, de sa vie à lui. Combien de fois avaient-ils écouté tous les deux les chansons de Bjorn et son groupe, les « Wolfe » en fumant des joints sur le canapé ? Elle ignorait si le groupe marchait toujours, mais au moins Amelia jouait sur son affectif, avec ses sentiments. Et ça, c'était le premier point positif qui lui permettrait d'atteindre son but futur : recevoir l'aide de Bjorn pour protéger Olivia, qui ne pouvat sciemment plus vivre dans la rue par les temps qui couraient. L'avènement du DARWIN'S GAME rendait leur vie trop dangereuse. Elles menaçaient de se faire flinguer n'importe quand. Non, Olivia avait besoin d'avoir un toit sur la tête, et Amelia ferait tout ce qui était en son pouvoir pour lui en fournir un. La brune ne quitta pas l'homme des yeux, tandis qu'elle lui tournait autour tel un prédateur autour de sa proie ; Bjorn ne devait pas prendre la fuite. Pas lui échapper. Pas encore. Être venue le trouver était suffisamment difficile, pour elle qui ne demandait jamais d'aide à qui que ce soit.Et elle espérait bien ne pas avoir à revenir, encore et encore, et le supplier de réparer une erreur qu'ils avaient commise ensemble. Parce qu'il pouvait bien fuir, et se délester de toute responsabilité, c'était ensemble qu'ils avaient conçu Olivia. Dans cette histoire, monsieur était aussi irresponsable qu'elle. Liv avait-elle à payer le prix de leur immaturité d'antan ? Bjorn avait-il seulement grandi ? « A qui ai-je l'honneur ? » demanda-t-elle enfin en haussant un sourcil d'un air de défi. Si Amelia se comportait habituellement de la sorte avec les gens, pour ne pas se faire marcher dessus dans son monde impitoyable, en l'occurrence cette belle arrogance était tout à fait feinte. Parce que son cœur martelait sa cage thoracique, que les souvenirs remontaient à la surface et que tout était trop douloureux pour rester parfaitement de marbre face au premier homme qu'elle avait vraiment aimé.

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Le compliment glisse hors de ma bouche sans que je ne puisse véritablement y faire grand chose. Faut dire qu'il serait stupide de nier la vérité. Amelia est belle, et elle l'a toujours été. Une évidence sur les traits, une douceur dégageant un caractère certain, cependant. J'ai connu toutes les courbes de ce corps sur lequel mon regard s'attarde quelques instants. Malgré les vêtements et les années, j'imagine aisément que les différences ne sont que minces. Il ne faut juste pas que je la complimente trop. Une chose à la fois, n'est-ce pas ? Il ne faudrait pas non plus qu'elle se mette à croire que je la drague. Quoique. Les choses se sont si vite terminées entre nous... Elle semble en bonne santé en tout cas, mais dans le jeu, tout semble un peu plus rosé. Si je peux le dire ainsi du moins. Disons que les maladies et les handicaps ne sont pas visibles, notamment. J'espère qu'elle va bien, en tout cas. Mais j'imagine facilement qu'il serait hypocrite de ma part de lui poser la question. Qui suis-je, après toutes ces années, pour m'inquiéter de son sort hein ?

Je ne suis pas non plus supposé m'inquiéter de ce qu'elle a fait depuis que je l'ai laissé tomber. Elle est libre de faire ce qu'elle veut et pourtant, il y a cette curiosité que je suis incapable de taire, dissimulée derrière une plaisanterie qui n'est même pas un peu drôle, finalement. « C'est amusant que tu dises ça, je me faisais la même réflexion à ton sujet. », Un sourire en coin se dessine sur mes lèvres alors qu'elle mord la sienne. Voilà qui est une information qui me surprend. « Lequel de nous deux a été le plus libre, ces huit dernières années, tu crois ? Pendant que certains s'amusaient, d'autres ont eu de plus grosses responsabilités sur les épaules. ». C'est la honte qui me fait un peu baisser le regard. Je ne peux pas prétendre que ce n'est pas compliqué, d'une certaine manière, du moins. Parce que par sa réplique, je comprends à demi-mot qu'elle a gardé l'enfant. Je me demande un instant si c'est une fille ou un garçon et en même temps, j'en viens à me dire que je ne suis pas certain d'avoir le droit de savoir. En ai-je seulement envie ? Oui, sans doute, cette curiosité étrange quant à savoir s'il me ressemble, de près ou de loin. Est-ce qu'il a mes boucles sombres ? Cependant, je n'ai même pas le droit de le savoir. « En réalité, je ne pensais pas que tu l'avais gardé » . Ses parents ont du l'aider, ou autre chose. Aucune idée, je n'ai pas vraiment le droit de poser des questions sur cette partie de sa vie. Cela ne me concerne pas, ou plus. Je passe doucement une main dans mes cheveux, non pour les coiffer, plutôt par geste machinal. Je ne sais pas vraiment quoi lui dire de plus parce que j'ai déjà un peu l'impression d'être ridicule, là. Nous sommes dans un jeu ou nous sommes supposés risquer nos vies. Et il a fallu que je croise mon ex, et que je sois là, en train de lui taper la conversation. Que se passera-t-il si on est surpris par quelqu'un ? Se mettra-t-on à croire que je trahis ? Pensée stupide mais il n'est pas toujours facile de savoir ce que les gens pensent. Comment vit-elle le fait que je lui ai tourné le dos ? A-t-elle trouvé un homme pour assumer la position que je n'ai pas été capable de supporter ?

« Au fait, laisse-moi me présenter en bonne et due forme. », Je sais qui elle est. Alors forcément, son idée me laisse perplexe alors qu'un sourire s'élargit sur ses lèvres. « Ici, on m'appelle Wolfe. Oh, donc elle parlait de son pseudo dans le jeu, d'accord. Aussitôt, ça change la donne. Surtout lorsque l'on considère de quel pseudo il s'agit. Le mien, ou du moins, le nom du groupe que j'avais à l'époque où nous nous sommes connus. Une époque qui me paraîtrait presque lointaine et qui, par la même occasion, me laisse un peu perplexe. Pourquoi prendre ce pseudo ? Pourquoi choisir ça, dans le seul but de me trouver ? Et comment était-elle supposée savoir que je jouais ? Et il n'y a pas que ça, est-ce que c'est parce qu'elle continue de penser à moi ? « Tu pensais à moi lorsque tu t'es inscrite ? ». Faire le malin alors qu'elle est clairement armée, ça n'a pas de sens et pourtant. Je ne vais pas changer ma manière d'être. Je ne suis pas toujours très agréable, dans un sens, mais, aussi, je suis un peu taquin quoi. Disons que je ne sais pas vraiment comment réagir face à elle. Elle est bien la toute dernière personne que je m'attendais à rencontrer dans le jeu (après ma sœur, cependant). Je suis surpris en tout cas, de voir qu'après tout ce temps, elle n'ait peut-être pas tourné la page. J'imagine que lorsqu'on a un enfant, c'est un peu plus compliqué que ça. Est-ce que je suis censé être flatté ? Dire un truc ? M'excuser ? Est-ce que j'ai une raison de m'excuser, juste parce que je n'étais pas prêt ? J'en doute. C'est une décision qu'on aurait du prendre à deux. Certes, je n'aurais pas dû me contenter de partir. J'avais des rêves plein la tête, et pas le temps de penser à devenir un adulte. « A qui ai-je l'honneur ? », mon pseudo n'a rien de si fantastique que le sien. Je ne dis pas qu'il n'a pas quelque chose pour moi, mais c'est une autre histoire, disons. « Ghost. ». Tel le fantôme que j'ai été dans la vie du gamin (ou de la gamine), le fantôme que je suis devenu au moment où elle m'a appris la nouvelle, au moment où je me suis volatilisé. Encore une décision que mon père n'aurait pas approuvé. Quoique, il ne m'a jamais considéré comme apte à quelque chose. Alors dans le fond... Mais là n'est pas le sujet. La voir me perturbe, quoique j'en dise.

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« Tu pensais à moi lorsque tu t'es inscrite ? » Un sourire mystérieux se dessina sur ses lèvres. « Peut-être que oui, qui sait. » répondit-elle d'une voix à la fois suave et séductrice. Le but était bien de l'amadouer et non de le brusquer ; et puis c'était la vérité. C'était bien pour lui qu'Amelia était là. Sauf que lui avouer clairement aurait été lui accorder trop d'importance. Importance qu'il avait, bien sûr, mais qu'elle ne pouvait pas lui témoigner pour l'instant. « Ghost ... » Un gloussement s'échappa de ses lèvres. « Ca te va bien. » Définitivement rassurée quant à sa sécurité, la jeune femme raccrocha sa faucille à sa ceinture et décida de s'asseoir sur un morceau de mur effondré derrière elle. Marcher toute la journée l'avait fatiguée, rencontrer Bjorn avait achevé de l'épuiser. En réalité, c'était déjà trop pour une première fois. Suffisant. « J'ai l'impression d'avoir un millier de choses à te dire et te demander, mais je ne sais pas par où commencer. » La brune passa sa langue sur ses lèvres et releva son regard noisette vers Bjorn. Le regarder était quelque peu douloureux : cela lui rappelait les longues heures passées dans ses bras, à fumer, et rire, et parler du monde en écoutant en boucle les mêmes chansons. Ou les heures où, assise en tailleur sur le tapis, elle avait admiré cet homme magnifique jouer de la guitare perdu dans ses pensées, constamment en recherche de quelque chose de nouveau, de meilleur, de plus beau. « J'ai rencontré ta sœur il y a peu. Elle m'a dit que je te trouverais là. Mais je ne m'attendais pas à tomber sur un … ESHU ? ATOM ? A moins que ton pseudo ne vienne de la célèbre discrétion GAIA ? Un ennemi, quoi. Je ne sais pas trop à quoi je m'attendais. » Enfin, elle montrait qu'elle n'était pas si sûre d'elle qu'elle ne semblait l'être jusqu'à présent. Naïvement, Wolfe avait cru qu'au moment même où elle foulerait du pied son quartier général, elle croiserait Bjorn et que l'affaire serait dans le sac. Qu'ils sautilleraient la main dans la main jusqu'à une porte de sortie, et qu'ils retrouveraient ensemble Olivia qui attendrait sagement leur retour. Quelle belle illusion ! Cela faisait deux mois qu'elle lui courrait après, et maintenant qu'elle était face à lui, elle ne savait plus quoi lui dire. A part peut-être : « Notre fille, elle surveille mon corps à Chicago. Elle doit être en train de faire un de ces … Horribles dessins avec des personnages en forme de bâtons que je garde comme le plus précieux des trésors. » Amelia se mordit la joue, le regard perdu dans le vague, sourire doux aux lèvres. Elle lâcha un soupir, tapa sur ses cuisses et se releva. « Je devrais y aller. Je ne peux pas l'obliger à me surveiller aussi longtemps. » La laisser seule la terrorisait. Elles n'étaient en sécurité nulle part, sauf lorsqu'elles vivaient chez Parker ou Sam. Incapable de dire autre chose, la CAHO ouvrit la bouche qu'elle referma aussitôt, pivota sur ses talons et commença à s'éloigner d'un pas hésitant. Wolfe ignorait si elle devait fuir ou rester plus longtemps. L'envie lui dictait de rester, la raison de partir. Elle s'arrêta un mètre plus loin, peut-être deux, dans une hésitation à s'en arracher les cheveux. Finalement, Amelia se retourna vers lui, incapable de prendre une décision. « Qu'est-ce qu'on est censés faire, maintenant ? » Parce qu'elle ne trouvait pas de réponse à sa question, il fallait qu'il lui vienne en aide. De l'aide, c'était tout ce qu'elle attendait de lui. Rien d'autre. Pas d'amitié, pas d'affection ; lorsqu'il l'avait quittée, Amelia s'était résignée à ne plus jamais être aimée de lui. Elle n'était pas de celles qui se laissaient mourir de tristesse des mois durant avec l'espoir de retrouver un jour celui qui était parti. Non, mais aujourd'hui, elle avait besoin qu'il assume ses responsabilités.

Spoiler:

Ghost from the past

Entendre son nom de jeu me surprend vraiment. Je ne prétends pas que c’est un chapitre de ma vie que j’ai pu oublier. Je me souviens de beaucoup de détails, encore aujourd’hui. Cependant, on ne va quand même pas se mettre à dire que ce n’est pas étonnant de la voir lui donner un surnom pareil, juste comme ça. Ce n’est pas facile, non plus, parce que je me demande aussi ce que ça fait de moi. Je sais que je n’ai pas été cool à son contact, que j’ai fait bien des erreurs et que j’ai été stupide sur bien des points. C’est compliqué et une lourde prise de tête, aussi. Mais il n’y a pas grand-chose à y faire. C’est plaisant en tout cas. Voir qu’elle ne m’a pas oublié. Je ne vais pas prétendre que ça ne me plaît pas. Nous deux, ça marchait vraiment bien. Difficile d’oublier une relation comme celle-ci. « Peut-être que oui, qui sait. ». Difficile de prétendre le contraire non ? Je veux dire… C’est le nom de mon groupe. Ou plutôt, c’était. C’est forcément une réponse à moi. Ou alors, il s’agit d’un autre membre du groupe et dans ce cas-là… J’avoue avoir du mal à savoir comment le prendre. Je les vois toujours et aucun d’eux ne m’a parlé d’Amelia. Les potes ne sortent pas avec les ex des potes non ? Y a pas une règle comme ça ? M’enfin, je sais aussi que je n’ai pas vraiment mon mot à dire. J’ai quelques soucis, parfois avec ce genre de chose. Et du fait que je pense encore à elle parfois. « Ou il s’agit d’un autre membre du groupe ». Un sourire en coin se dessine sur mes traits. Je sais qu’elle parle de moi, je le vois à sa manière d’être. Je ne saurais pourtant pas me l’expliquer. Le ton de sa voix, sans doute.

« Ghost ... », lâche-t-elle en répétant le surnom que j’utilise dans le jeu. Faut dire que ça me va plutôt bien. Que ça me colle un peu et que ça rend la chose ainsi, surtout lorsque l’on évoque comment les choses ont pu évoluer entre elle et moi. C’est un fait, oui. Et il n’y a pas grand-chose de plus à en dire. De mon point de vu, du moins. C’est maladroit et agaçant, en tout cas. C’est un fait. « Ca te va bien. ». Forcément. Même que ça la fait glousser alors que j’imagine qu’elle songe à la façon dont je suis parti. Je sais me faire discret dans la vraie vie, principalement. Une chose pour laquelle j’ai toujours été très doué. Ce qui est préférable, puisque je ne peux pas prétendre que je puisse me balader dans les rues comme je le souhaite. Je dois de l’argent à quelques personnes qui aimeraient me croiser à tout instant. Alors dans ces cas-là oui, il faut se faire discret. « Ouais hein ? Je trouvais aussi ». A mon tour d’échapper un certain ricanement, tandis que mes mains se glissent au fond de mes poches. Combien de sérénades ai-je joué pour elle hein ? Faut dire que c’est un souvenir qu’il m’est impossible d’oublier. En tout cas, je ne vois pas d’intérêt de continuer sur cette voie. Mon surnom n’est qu’une chose choisie qui me définit et qui définit aussi mes agissements dans le jeu. J’en profite parce que je suis discret et je le sais.

« J'ai l'impression d'avoir un millier de choses à te dire et te demander, mais je ne sais pas par où commencer. ». Je reste interdit un instant. L’euphorie de l’avoir trouvé semble s’être un peu envolé. Je ne veux pas me faire d’idée mais l’entendre parler de me demander des trucs me freine grandement. Son intention était donc de venir pour me questionner et me réclamer des trucs ? Mes traits se serrent, malgré moi. Mon intention n’est pas de mal lui parer ou de mal me comporter. Je choisis de garder le silence, persuadé qu’il y a une suite. « J'ai rencontré ta sœur il y a peu. Elle m'a dit que je te trouverais là. Mais je ne m'attendais pas à tomber sur un … ESHU ? ATOM ? A moins que ton pseudo ne vienne de la célèbre discrétion GAIA ? Un ennemi, quoi. Je ne sais pas trop à quoi je m'attendais. ». En effet, et je ne sais pas non plus. Elle serait venue dans le jeu pour me retrouver et j’ai bien du mal à comprendre pour quelle raison. C’est agaçant, en tout cas, de la voir débarquer comme ça. « ATOM. ». Je ne réponds rien de plus. Je le pourrais. Faire une phrase, essayer de comprendre ou de me faire douce. J’en suis incapable. « Notre fille, elle surveille mon corps à Chicago. Elle doit être en train de faire un de ces … Horribles dessins avec des personnages en forme de bâtons que je garde comme le plus précieux des trésors. ». Elle surveille son corps ouais. Une gamine, bien joué. J’ai donc une fille ouais. Pour autant, bien que l’idée de la rencontrer me traverse le temps d’un instant, je l’efface rapidement. Je ne peux pas la prendre dans ma vie. Tout simplement parce que je n’en ai pas les moyens, et parce que j’ai des dettes qui peuvent me tuer à tout instant. Il serait ridicule d’y mêler une gamine. « Je devrais y aller. Je ne peux pas l'obliger à me surveiller aussi longtemps. ». C’est vrai ouais, c’est ridicule. Mais je me retiens de le dire parce que je ne suis personne pour prendre la liberté de la juger. Elle fait ce qu’elle peut, en temps que mère célibataire. Et je suis parfaitement incapable de lui donner l’argent pour l’aider. Je n’en ai pas. « J’imagine oui. Elle doit avoir peur ». Et je ne sais vraiment pas quoi lui dire de plus. Elle ouvre la bouche, la ferme et finit par s’éloigner. Mais elle ne s’éloigne pas bien loin, elle s’arrête à nouveau avant de se tourner vers moi.

« Qu'est-ce qu'on est censés faire, maintenant ? ». Interdit, je suis incapable de vraiment savoir ce que je peux lui dire, ce que je peux y faire. Qu’est-ce qu’on doit faire ? Sans prétendre que la voir dans le jeu ne me chamboule pas, je ne vois pas vraiment ce que je pourrais faire. « Et bien, je n’en ai aucune idée. Qu’est-ce que tu veux, toi ? ». Parce que oui, j’en ai aucune idée.

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ghost from the past

La jeune femme secoua la tête en signe de négation, avant de lancer d'une voix fière : « Liv n'a peur de rien. C'est l'enfant la plus courageuse qu'il m'ait été donné de connaître. » Il y avait un moment en particulier qui resterait à jamais gravé dans son esprit, celui du jour où, du haut de ses six ans, Olivia avait écrasé un aquarium en verre sur la tête d'un homme trop enivré qui essayait de violer sa mère sous ses yeux. Certes elle n'avait guère fait de dégâts, mais l'avait suffisamment assommé pour qu'elles aient le temps de prendre la fuite toutes les deux. Du haut de ses six ans, elle lui avait sauvé la vie. Amelia aurait aimé raconter toutes ces anecdotes à Bjorn, lui dire à quel point leur fille était merveilleuse. Si elle ne savait pas quoi dire à propos d'eux, elle avait en revanche un millier de choses à raconter quand il s'agissait de son bébé. […] La question de Ghost prit Wolfe de court. Que voulait-elle, maintenant ? Elle grinça des dents ; il choisissait la voie de la facilité et la lâcheté. Ca ne lui disait absolument pas ce que Bjorn voulait. Et Amelia n'avait franchement pas l'habitude de se rabaisser à ce point à l'étalage de sentiments, ce qui provoquait en elle un mal être inégalé. « Disons que ... » Mieux valait essayer de la jouer stratégique. Mais la stratégie, ce n'était vraiment pas son fort. Alors, comme d'habitude, Amelia se jeta à pieds joints dans les emmerdes : « Ici, nous sommes ennemis. Je suppose qu'on peut avoir des emmerdes, si on décide de se revoir et que quelqu'un nous surprend. Alors qu'à Chicago ... » Un sourire entendu se dessina sur ses lèvres, et la brune enfonça les mains dans les poches arrières de son pantalon. Elle ne s'attendait pas franchement à un oui de sa part. Et si effectivement elle avait droit à un refus, elle devrait se montrer particulièrement intelligente – découvrir son adresse d'une manière ou d'une autre, faire mine de se trouver sur son chemin en cet instant précis : un bon programme de stalker en perspective. Ca ne l'enchantait pas plus que ça. Pourquoi était-ci difficile de réclamer un peu d'aide ? Pourquoi devait-elle supplier Bjorn, alors qu'il aurait du être là depuis le début ? Ils n'auraient même pas du en être là aujourd'hui, à se demander si c'était bien ou mal de se croiser dans un univers virtuel. Cette situation dépassait l'entendement. Amelia tenta de se faire plus séductrice et se mordit la lèvre en cherchant son regard du sien. « Je sais que tu en as envie, Bjorn. » susurra-t-elle en haussant un sourcil. Qu'il cherche à démentir ! Toutes les moyens étaient bons pour l'attirer dans ses filets et obtenir de lui ce qu'elle voulait. « Je serai au Lee's Unleaded Blues samedi prochain vers 22h. » annonça-t-elle comme si elle ne venait pas de le décider à l'instant même et tourna les talons pour s'éloigner de lui. Wolfe avait suffisamment confiance en son ex pour être certaine qu'il n'allait pas lui tirer dans le dos. Il était lâche, mais pas mauvais. Et ce n'était visiblement pas le genre des ATOMS d'agir ainsi. Quelque part, le savoir dans cette équipe la rassura quelque peu. Ghost était certainement dans la team la plus sûre d'un point de vue équilibre qu'elle. C'était une bonne chose : c'était exactement ça qu'elle voulait, de l'équilibre. Mais allait-il venir au club de blues ? Ils s'étaient rencontrés là-bas, bien des années plus tôt. L'endroit n'avait pas changé d'un pouce, et Amelia comptait bien sur cet endroit pour toucher Bjorn en plein cœur. Pour le rendre vulnérable, sensible, émotif même. Quelques regards, quelques souvenirs. Des sons qui leur rappelleraient de beaux moments, des moments plus tristes, ou peut-être une fois où ils avaient fait l'amour en riant. N'importe quoi qui puisse l'atteindre, permette à Amelia de l'attendrir et de l'avoir à nouveau sous sa coupe. Mais à trop jouer avec le feu, elle aussi risquait de se brûles les ailes.