Postée dans l'arbre depuis de longues minutes, Mera sentait ses membres s'engourdir légèrement. On lui avait autorisé un peu de répit dans les affaires de l'administration pour sortir se défouler. Aussi avait-elle décidé de s'essayer à la chasse, domaine qu'elle ne maîtrisait que peu, préférant des activités telles que le vol qu'elle avait imposé à sa team en prenant le pouvoir. Posté dans l'arbre donc, elle observait un Cerf gigantesque qui paissait tranquillement en se demandant si elle avait vraiment envie ou non de sauter de son perchoir pour lui planter son katana à la base de la nuque et le tuer sur le coup, lui qui était si paisible et beau à observer. L'hésitation lui fut fatale ; un bruit venu du sol effraya la bête qui déguerpit sans autre forme de procès. Isaÿr plissa les yeux pour tenter d'observer parmi les feuillages drus de la forêt la source de la terreur de l'animal, en restant largement cachée pour ne pas attirer l'attention s'il se trouvait qu'elle ne pouvait lutter contre. Une chevelure blonde s'imposa bientôt à sa vue et son cœur manqua un battement. Puisque Riley n'avait aucune raison d'être seule ici, ça ne pouvait être qu'Erin. Erin, qu'elle n'avait pas vue depuis le jugement réservé aux traitres GAIA, des semaines plus tôt. Une bouffée de rage s'empara d'elle, ainsi qu'une grande tristesse. Mera aurait pu la laisser passer et tenter d'oublier que celle qu'elle avait considéré comme une meilleure amie lui avait planté un couteau dans le dos, mais sa rancune la poussa à se laisser tomber de l'arbre lorsque cette dernière fut juste au dessous d'elle. Isaÿr tomba sur le dos de la blonde qui bascula tête la première dans la boue et les feuilles mortes. Evidemment, cette dernière tenta de se débattre et lorsqu'elle lui fit face, Mera attrapa ses poignets et les bloqua aussi dessus de sa tête, à califourchon sur elle.  « Tiens tiens, quelle bonne surprise ... Qu'est-ce que fait une ennemie à la frontière du territoire GAIA ? » demanda-t-elle en fronçant les sourcils. Son manque d'expression ne signifiait pas qu'elle ne ressentait rien, et Erin le savait mieux que quiconque. Ca lui faisait un mal fou de se confronter à elle. Et c'était sûrement parce qu'elle lui manquait atrocement qu'elle avait décidé de faire l'erreur de se laisser glisser de l'arbre pour s'attaquer à Lagertha. Mais Isaÿr ne se laisserait pas attendrir. Sa confiance en cette amie avait volé en éclats en même temps que le festin qu'elle avait organisé pour la trêve.  « Te faire tuer par Nightingale ne t'a pas suffit ? Tu veux que je m'occupe personnellement de ton cas, Lagertha ? » souffla-t-elle froidement, sans ciller. En réalité, Mera n'avait aucune envie de se battre contre elle malgré la haine qu'elle lui inspirait. C'était étrange de constater à quel point les rôles d'Erin et sa soeur s'étaient inversés dans sa vie. Erin, l'amie la plus chère à son cœur, était aujourd'hui celle qu'elle venait à détester le plus au monde, parce qu'elle l'avait trop aimée pour pouvoir oublier et tourner la page. Et pourtant, elle ne parvenait pas à lui faire du mal par pur esprit de vengeance. Parce que Mera était contre la vengeance, et l'avait prouvé en requérant cette trêve avec les ennemis. Elle approcha lentement son visage du sien. Ses longs cheveux bruns glissèrent de ses épaules pour chatouiller le visage d'Erin.  « Tu ne m'as pas seulement trahie, tu m'as brisé le cœur. Tu n'imagines même pas à quel point j'ai envie de te faire souffrir pour que tu ressentes ne serait-ce qu'un dixième de la douleur que tu as pu m'infliger. J'aurais pu attendre ça de n'importe qui, sauf de toi. Pourquoi ? » chuchota-t-elle, parfaitement calme malgré ses propos menaçants. Inutile de cacher quoi que ce soit à cette amie devenue ennemie, il n'y avait personne en ce monde qui comprenne mieux Mera qu'Erin. C'était bien pour cette raison, que c'était si douloureux.

Les rebelles n'étaient plus en sécurité nul part. Certainement plus Lagertha que les autres. Elle n'était pas qu'une simple fugitive, la GAIA déchue, mais une proie. Une proie de tous et de toutes, dans la ligne de mire de tout les joueurs ou presque. En qui pouvait t'elle compter, désormais ? Mis à part le trop peu de rebelles, il y avait peut-être Scipio ou Némésis, voire même Gatacca. Gatacca, pourtant GAIA, mais qui avait défendue une de ses vies, en vain. Pourtant, la blonde ne pouvait se permettre de trop s'approcher d'un GAIA, du moins pendant quelques temps. Elle doutait fort aussi que Némésis lui tourne le dos si elle avait besoin d'elle. Oui, Lagertha l'avait ouvertement trahie en appuyant sur le détonateur, mais sa jumelle ESHU ne l'avait-elle pas elle même fait en lui prenant une vie dans un combat à mort ? N'était-elles pas quittes ? Cela restait à voir, Riley comme Némésis restaient des femmes imprévisibles au plus haut point et Erin se désolait de ne pas si bien connaître sa soeur jumelle. Et Scipio ? C'était particulier, parce qu'au fond elle n'avait aucune raison de lui faire confiance. Mais peut-être bien qu'elle avait besoin de s'accrocher à quelqu'un, quelqu'un qui ne verrait pas Lagertha comme une fugitive, une abominable traîtresse mais plutôt comme une femme, une humaine. Mais Scipio restait un CAHO bien plus imprévisible que Némésis. Alors Lagertha ne pouvait en tirer qu'une seule et dure conclusion. Pour le moment, elle était définitivement seule. Ce serait donc seule qu'elle devrait jouer, qu'elle devrait survivre. La guerrière au katana savait bien que cela ne serait pas facile. Pourtant, elle n'avait pas le choix.

Malgré la peur constante de tomber sur un ennemi redoutable, la GAIA déchue ne se privait pas de vagabonder dans la forêt. Ou plutôt d'aller d'un point A à un point B. Il n'était plus possible de librement gambader dans les bois comme la blonde le faisait auparavant. Traquée, observée, proie facile, Lagertha devait désormais se contenter de survivre et non de jouer comme une enfant. Elle avait enfin prit avec elle son arc et ses quelques flèches, mais son katana jamais bien loin, pour partir à la chasse. Désormais louve solitaire, elle devait se nourrir seule et ses talents de voleuses n'avaient cette fois-ci pas suffit pour emprunter un peu de poisson aux ATOMS. Piètre chasseuse, la journée allait certainement être très longue.

La fugitive était à deux doigts de rentrer au campement quand elle sentit soudain qu'elle était observée. Ses doigts fébriles glissèrent lentement le long de son dos mais Lagertha eu à peine le temps de toucher le fourreau de son arme japonaise qu'une masse s'écrasa sur elle. Dans un cri de surprise et de peur, la traîtresse s'écroula à terre, immobilisée, plus vulnérable que jamais. Mais son coeur rata plusieurs battements face à ce regard, si clair et si perçant, ce regard sans douceur, ce regard plein de rage. Ce regard qui ne s'était pas encore posé sur elle de cette façon. Et le coeur de la blonde se serra, pressé et douloureux. Il fallait bien que ce jour arrive, qu'Erin affronte Mera, que Lagertha affronte Isaÿr. "Bonjour, Isaÿr." C'était soufflé dans un murmure, à la fois ourlé de tristesse et de culpabilité. La joueuse était à la fois agacée comme prête pour cet affrontement. Elle aurait préféré que cela n'est jamais eu besoin d'avoir lieu et pourtant c'était inévitable, autant en finir le plus vite... Si cela était possible. "Allez, tue moi. On est plus à ça près. C'est comme ça que ça se finit de toute façon, non ? La tombe. Tu sais, cette grande boîte où je vais très rapidement me retrouver en vue des circonstances. T'es pas la seule à vouloir ma mort, Isaÿr. Tout le monde veut me voir enterrée. Mais toi plus que les autres, j'imagine. Ce serait facile, de me rayer de la surface de la planète. Faut bien que je l'accepte." Elle avait fini sa tirade pleine de sarcasme. Mais c'était sa seule défense. Que pouvait-elle faire ? Le désir brûlant de vengeance qui envenimait son ancienne chef était des plus légitime comme des plus douloureux. En s'attaquant à la trêve, Erin s'était directement attaquée à Mera, sans pourtant le vouloir. Au prix d'une amitié longue de plusieurs années, elle avait défendue ses valeurs. Elle n'avait pas eu d'autres choix et pourtant, faire face aux conséquences de ses actes était bien plus douloureux que la blonde ne l'avait envisagé. C'était ce genre de regard brûlant et perçant qui pouvait faire douter Lagertha sur les choix qu'elle avait fait et qui l'avait amené là. Mera lui manquait, et les retrouvailles lui fendait toujours un peu plus le coeur en deux. Car ce n'était pas Mera qui était face à elle, pas celle qu'elle connaissait. La brune était à la fois Mera et Isaÿr, vengeresse et justicière. Alors que Lagertha n'était qu'une traître. C'était une toute autre relation entre les deux jeunes femmes. Un sentiment bien trop étrange après tout ce qu'elles avaient pu vivre. Plus que jamais, Erin avait peur. Parce que c'était bien pire que Nightingale. Mourir de la main d'Isaÿr serait un acte qui marquerait la blonde à jamais, d'une encre indélébile. "Je pense que je mérite ta haine. Je mérite que tu m'arraches une vie. Parce que je te comprend. Je sais ce que c'est, d'être trahie par les gens qu'on... aime. Mais tu dois savoir que je ne te visais pas. C'était l'idée, le symbole. Te trahir toi, Isaÿr, est bien la dernière de mes volontés. Mes convictions m'en ont pourtant obligé, mais ce n'était pas le but... Ce ne sera jamais le but. Et je ne dis pas tout ça pour me sauver la mise. J'ai signé ma mort avec cette trahison, de toute façon." Par le ton de sa voix, on pouvait entendre que Lagertha était assez calme, parce qu'elle acceptait. Les conséquences, la colère, la vengeance. "Tu peux me lâcher. J'ai aucune raison de t'attaquer."

Erin réussit peu à peu à briser la belle carapace de colère qu'elle avait forgé au fil des semaines. Elle fronça les sourcils, arracha à sa ceinture l'un de ses poignards et le leva au dessus de sa tête, prête à frapper. Mera ne pouvait pas se laisser avoir par ses sentiments à l'égard de la blonde. Par son apparent mea culpa, que n'importe qui aurait fait pour survivre dans une situation comme celle-là. Elle pouvait y arriver. Si Mera en était incapable, Isaÿr pouvait la tuer. Elle le devait […] La lame du couteau s'enfonça dans la terre, juste à côté de la tête d'Erin, entre ses mèches blondes éparpillées sur le sol terreux. Le souffle court, Mera la foudroya du regard et retira son arme du sol pour s'asseoir à côté d'elle, la libérant ainsi de son emprise hargneuse. Elle voulait croire qu'elle pouvait avoir confiance en elle malgré tout. Des années d'amitié partagées ne volaient pas en éclats aussi facilement. Pas d'après sa définition à elle de l'amitié, puisque la blonde n'avait pas hésité à remettre tout ça en question. Mais Erin avait bien dit qu'elle n'avait pas voulu la trahir elle. Les fesses posées sur l'herbe et les feuilles mortes, Isaÿr soupira en laissant glisser ses doigtsdans sa chevelure brune détachée.  « Tu souffriras bien davantage vivante que morte. » marmona-t-elle finalement pour se trouver une excuse en détournant les yeux d'Erin pour fixer un point plus loin, entre les arbres.  « Mais j'aurais très bien pu le faire. » ajouta-t-elle comme une enfant de douze ans, vexée de ne pas avoir pu faire les choses jusqu'au bout. Vexée de paraître faible encore une fois, sans doute. Ou peut-être montrait-elle ce qu'elle avait voulu transmettre lors du festin : qu'il fallait pardonner. Pardonnerait-elle un jour Erin ? Sûrement. Parce qu'Erin avait eu ses raisons de saboter ses plans, et que ses raisons étaient le bien-être des GAIA. Dans cette affaire, l'une comme l'autre avaient cru bien faire, mais rien ne disait encore que Mera avait pris la bonne décision. Quoi que la trêve était maintenue, et qu'ils connaissaient pour la première fois depuis des mois un semblant de paix. Fragile, mais réel. De nouveau, Isaÿr posa son regard sur celle qui fut son amie. Même après tout ce temps, il y avait quelque chose entre elles. Mera ressentait toujours cette flamme qui brûlait pour elle, lien unique qu'elles partageaient depuis si longtemps. Cette flamme que rien, pas même la mort, ne ferait taire. C'était tellement douloureux que ça la rendait vivante, et Mera chérirait cette amitié-haine qu'elle entretenait à l'égard d'Erin pour toujours, quitte à s'en brûler les ailes. Et même être consumée toute entière.  « La nuit qu'on a passée ensemble, j'ai l'impression que c'était il y a des siècles. Tu te souviens de cette nuit-là ? J'ai voulu croire qu'il y aurait quelque chose qui durerait pour toujours dans ma vie. Que ton amitié serait éternelle. Qu'on pourrait perdre tout le reste mais qu'on n'aurait pas peur, parce qu'on resterait ensemble. » Son regard émeraude plongea dans celui de la blonde pour s'y perdre. Ces mots-là avaient besoin de sortir, et peu importe si elle semblait ridicule, ou trop humaine, ou si se livrer corps et âme à celle qui l'avait déjà trahie une fois représentait un danger potentiel dans un avenir proche ou lointain. Mera ne pouvait plus vivre complètement depuis des semaines, pas alors qu'elle avait tant sur le cœur.  « Tu dormais encore quand je suis partie. Je t'ai demandé pardon parce que j'allais te laisser en arrière pour m'occuper de quelqu'un d'autre, parce que je ne serais pas là pour veiller sur toi. Mais j'avais confiance. Je savais que tu t'en sortirais toujours, quoi qu'il arrive. Et que je pouvais compter sur toi pour assurer mes arrières, inconditionnellement. Alors je suis partie sereine, parce que je savais que je te retrouverais. Imagine ma déception quand j'ai vu ton visage parmi celui des traîtres. » La jeune femme lâcha un petit rire à la fois ironique et hystérique, et détourna la tête à nouveau pour tenter de refouler les larmes qui lui montaient aux yeux. Elle ne pleurerait pas. Pas cette fois. Elle s'y refusait, comme elle s'était promis de ne plus jamais pleurer devant qui que ce soit.  « Et pourtant, malgré tout ça, l'idée que tu meures me terrifie. Je ne veux pas que tu meures. » conclue-t-elle dans un souffle.

Il y avait ce sentiment qui flottait dans l'air, étrange, oppressant, instaurant un certain malaise dans le coeur de la blonde. Elle était à la fois soulagée d'avoir retrouvé -était-ce un signe du destin ?- son amie la plus chère, mais tout autant contrariée, comme si elle faisait face à une étrangère, cette femme avec qui elle a pu être autrefois si intime, si proche, si elle. Et qu'Isayr soit une femme imprévisible, c'était un fait que tout bon joueur de Darwin's Game avait en tête. Or, là, à cet instant précis, Lagertha n'aurait pu prédire les actes de cette ancienne amie. Elle qui savait si bien la cerner, lire dans ses yeux et dans ses gestes les plus discrets. Elle qui pensait connaître la sauvage brune par coeur se retrouvait face à une femme qui lui faisait peur, peut-être prête à enfoncer la lame de son poignard dans le coeur déjà saignant de l'exilée. Et pourtant, la solitaire jouait dangereusement avec le feu, ce feu qui animait la colère et la vengance de son ancienne leadeuse.

Mais au fond d'elle, Lagertha s'en remettait non à Isayr mais à Mera et avait toujours, malgré tout, plus que tout, confiance en elle. C'est alors un souffle de soulagement qui s'échappa d'entre les lèvres rosées de la rebelle, quand la lame du couteau s'enfonça à quelques centimètres de son visage et de ses cheveux d'or qui se mêlaient à la terre et aux feuilles mortes. Elle regarda la jeune femme s'asseoir près de son corps allongé et Erin ne trouva rien à dire, n'osant pas briser ce silence, prête à entendre les mots de Mera. C'était bien Mera qu'elle écoutait, à la voix grave mais douce et non celle d'Isayr, parfois trop sévère, trop décalée avec la Mera que l'on connait, quand on a la chance de la connaître. Erin se redressa pour s'assoir en tailleur, toujours aux côtés de Mera, cette fois sans crainte, comme de bons vieux amis qui se retrouvaient après quelques années sans s'être vus, autour d'un verre. Mais la discussion n'était pas banale, elle n'était pas anodine et chaque mot, Erin le captait, l'écoutait. Elle avait besoin de comprendre, comprendre où en était son amie, ou ancienne amie, -elle même ne savait plus- à son égard. Son regard azuré se posa sur les traits de la guerrière, qui semblait apaisée, mais fatiguée. Lagertha voyait bien que tout les événements récents, cet afflux d'intrigues, autant ici qu'à Chicago, l'épuisait. Il fallait avoir la tête sur les épaules pour en plus de tout ça gérer une team entière et pour la première fois, Erin se mit silencieusement à avoir peur pour Mera, que cette dernière finisse par craquer ou en payer le prix; et ici, le prix n'est que fort, personne n'épargne personne.


"J'ai jamais voulu m'en aller, te quitter. Tu te souviens comme on était bien ? Personne nous cherchait des noises, on avait peut être bu trop de vin, peu importe. Je me souviens de ton sourire, tu étais sereine ce soir là, et moi aussi. J'y pense souvent, et cela me manque. Mais jamais je n'ai pensé que tu m'abandonnais, Isa. Je sais que tu as des responsabilités et je suis une grande fille." Une grande fille qui avait fait explosé un dîner pacifiste, assassiné ses alliés. Lagertha lâcha un furtif rire, sec, agacé. "Pourtant, j'ai besoin de toi. J'ai fais pour vous des erreurs, certainement impardonnables, je le comprend et l'accepte. Tu ne veux pas que je meures... Mais tu dois t'y préparer, et moi... Je dois aussi me préparer pour toi. On a tous signé notre arrêt de mort en cliquant sur le bouton de connexion. Mais j'aimerai m'enfuir, te sauver. Sauver Némésis. On ne mérite pas ça. J'aimerai qu'on oublie tout, qu'on reparte à zéro... Mais je sais que ce n'est pas aussi facile. Alors je suis prête à attendre, des années s'il le faut. Je t'attendrais." La gorge nouée, frappée par la dure réalité des choses, Erin tortilla nerveusement entre ses doigts la pointe de ses mèches dorées. Elle aurait voulu presser légèrement sa main sur la cuisse de sa voisine mais il était certainement trop tôt et elle ne savait pas encore bien où en était Mera vis à vis d'elle et de cette trahison. "Et toi, tu as besoin de moi ?"
 

Alors je suis prête à attendre, des années s'il le faut. Je t'attendrais. Mera fronça les sourcils, lèvres pincées, après une tentative vaine de ne rien laisser transparaître de ses émotions. Comment était-elle censée être à la fois Chef et humaine ? Deux identités difficilement conciliables : il n'y avait pas de place pour l'amour, dans la gestion d'une équipe. Parce que, malgré la déception, la rage, la douleur, la rancœur et toutes ces choses qu'elle ressentait à l'égard d'Erin, si elle s'était écoutée elle l'aurait ramenée par la main jusqu'au Quartier Général. Sauf que, c'était impossible et l'une comme l'autre le savaient parfaitement. Pourtant, chacun  de ses mots la touchaient au plus profond de son cœur, là où Lagertha resterait enfermée quoi qu'il arrive pour le restant de ses jours. Elle l'aimait. Passionnément. Plus qu'elle n'aurait du pour la traiter de façon tout à fait impartiale. Sa question déconcerta Isaÿr qui prit une grande bouffée d'oxygène en réfléchissant à toute vitesse à ce qu'elle pouvait bien dire. Il y avait tant de choses à dire qu'elle ne savait même pas par quoi commencer.  « J'ai besoin de la Erin qui me défendait quand sa sœur jumelle m'humiliait publiquement, en laquelle je crois et qui croit en mes décisions, même quand elles paraissent insensées. Celle qui ne m'a jamais jugée, et que je n'aurais jamais du juger. » Au sens propre comme au sens littéral. Le souvenir du jugement des traîtres hantait Isaÿr chaque jour qui passait et la rendait malade. Les voir agenouillés, leur visage collés par les larmes, n'avait procuré en elle ni plaisir, ni soulagement. C'était particulièrement le souvenir de Lagertha, surréaliste et mortifiant, qui l'accompagnerait dans sa tombe.  « Celle que je veux, c'est celle qui a dormi dans mes bras pour qu'on se rassure mutuellement ; pas celle qui nous met toutes les deux en danger, et derrière nous l'ensemble des GAIA.  » Elle tendit lentement la main vers la blonde pour chasser une mèche de cheveux de son visage terreux et la coinça derrière son oreille, sans la brusquer.  « Je sais que tu n'es pas quelqu'un de mauvais. Malgré tout ce que je peux penser de toi, je sais que tu as cru bien faire. Mais ce n'est pas à moi qu'il faut prouver cela. C'est aux centaines de GAIA qui te voient comme une menace à éliminer. » Les GAIA étaient remontées contre les traîtres, autant qu'elle ne pouvait l'être. Mais il y en avait parmi eux qui l'étaient plus que les autres. Et c'était sur ceux-là que Mera, ainsi que les espions internes, gardaient un œil. Parce qu'ils représentaient une menace tout aussi dérangeante. La brune se releva et s'étira, avant de balayer terre et feuilles collées à sa tenue de gestes las de la main. Il était dangereux de s'attarder en la compagnie de la traîtresse de service. Si elles étaient vues ensemble, les rumeurs iraient bon train et ça mettrait Isaÿr en danger, ce qu'elle ne souhaitait en aucun cas. Pas pour quelqu'un qui l'avait trahie, et n'hésiterait sûrement pas à le refaire s'il le fallait.  « Si une part de toi se sent encore GAIA, et si j'ai encore droit à ta loyauté, je veux que tu obéisses à deux ordres simples : reste en vie, et lorsque le moment viendra, je veux que tu te battes pour protéger ceux qui devraient encore être les tiens aujourd'hui, et que tu les sauves au péril de ta vie. » La jeune femme s'apprêta à tourner les talons pour quitter Erin et reprendre le chemin du quartier général, lorsqu'un craquement de branche attira son attention. Étaient-elles observées ? De puis quand ? Mera attrapa son katana dans son dos et le tira de son fourreau, son regard émeraude sondant les alentours à la recherche d'un éventuel être vivant.

Instinctivement, Isaÿr se mit en travers du chemin de l'intrus et de Lagertha, comme elle l'avait toujours fait depuis le début. Parce que c'était ça, protéger les siens. Elle l'avait fait ce jour-là dans les égoûts, le faisait encore aujourd'hui inconsciemment. Lame prête à l'emploi, Mera s'apaisa néanmoins en voyant approcher une biche magnifique qui ne parut pas le moins du monde impressionnée par les jeunes femmes et vint paître à leurs côtés. La brune rangea son katana, tendit la main vers le dos de l'animal dans l'espoir de le toucher et sourit lorsque ses doigts se perdirent dans la fourrure rêche de la biche.

La question sembla déconcertante pour sans ancienne plus proche alliée et aussitôt, Lagertha eu des remords. Ce n'était pas là le but, de tourmenter celle qu'elle ne considérait pas comme une ennemie, mais toujours comme son amie, au plus profond d'elle même. La fugitive resta immobile, déconcertée à son tour. A quoi la froide Isayr pouvait-elle bien penser, elle dont le visage était si souvent fermé pour ne laisser paraître aucune émotion tangente ? Cette femme était et restait un mystère que Lagertha n'arrivait que rarement à transpercer. Mera était maîtresse dans l'art et Erin avait encore beaucoup à apprendre d'elle. Pourtant, cette fois ci, il semblait impossible pour la brune guerrière de feinter la neutralité. Elle semblait confuse, si confuse qu'Erin s'en voulut. Alors elle ne rajouta rien de plus, attendant simplement une réponse. Fut-elle possible. « J'ai besoin de la Erin qui me défendait quand sa sœur jumelle m'humiliait publiquement, en laquelle je crois et qui croit en mes décisions, même quand elles paraissent insensées. Celle qui ne m'a jamais jugée, et que je n'aurais jamais du juger. » La concernée baissa les yeux, un peu honteuse, se remémorant de durs souvenirs, inoubliables mais pourtant qu'elle voulait tant effacer de sa mémoire et de celle de son amie. La trahison, le jugement, les larmes, le sang, la mort. « Celle que je veux, c'est celle qui a dormi dans mes bras pour qu'on se rassure mutuellement ; pas celle qui nous met toutes les deux en danger, et derrière nous l'ensemble des GAIA.  » Aussitôt, une boule au ventre se forma au sein de l'ancienne voleuse. Plus confuse que jamais, Erin se sentit laissée emportée par les sentiments, des sentiments qui la tenaillait et qu'elle ne comprenait pas, ou peut-être qu'elle ne voulait pas comprendre. Une sensation électrique se propagea dans son cours, non douloureuse, lorsque Mera passa une mèche blonde derrière l'oreille.  « Je sais que tu n'es pas quelqu'un de mauvais. Malgré tout ce que je peux penser de toi, je sais que tu as cru bien faire. Mais ce n'est pas à moi qu'il faut prouver cela. C'est aux centaines de GAIA qui te voient comme une menace à éliminer. » Pertinemment, la blonde le savait. Faire ses preuves auprès de ses anciens amis, de ses alliés les plus chers, ne serait pas une mince affaire et elles 'avouait à elle même qu'elle ne savait pas vraiment comment s'y prendre. Pourtant, savoir que Mera, d'une certaine manière, pouvait la pardonner, était une chose qui soulageait Lagertha au plus profond d'elle même. Ô combien elle avait besoin d'elle et qu'est ce qu'elle pouvait lui manquer. Chaque jour passé loin d'elle était douloureux et aujourd'hui s'en était presque devenu insoutenable. La confiance, le respect, la tendresse, les sourires, l'amour. Toutes ces petites choses qu'elle partageait avec cette femme quelques mois auparavant avant de commettre l'irréparable. Erin avait rarement été seule au cours de sa vie et en faire l'expérience n'était pas aussi facile qu'elle ne l'imaginait. Elle avait été seule, plus que jamais, sans alliés, livrée à elle-même dans une jungle mortelle. Mais à cet instant précis, elle avait l'impression d'avoir retrouvé bien plus qu'une alliée, mais une femme indispensable à sa vie. « Si une part de toi se sent encore GAIA, et si j'ai encore droit à ta loyauté, je veux que tu obéisses à deux ordres simples : reste en vie, et lorsque le moment viendra, je veux que tu te battes pour protéger ceux qui devraient encore être les tiens aujourd'hui, et que tu les sauves au péril de ta vie. » Isayr ne croyait pas si bien dire et cela en était même désuet. Car pour Lagertha, c'était devenu une évidence. Elle avait sacrifié tant de vies pour une cause pas si commune, pour une cause qu'elle croyait et croit toujours bonne. Mais le pardon était plus qu'un besoin, mais une question de vie ou de mort. Car savoir que des GAIA avait perdu une vie par sa faute la tuait à petit feu. Le pardon serait-il nécessaire à sa propre rédemption. Erin n'avait aucun moyen de le savoir et pourtant, peut être naïve, elle osait y croire. "Ils n'ont peut être pas besoin de moi, mais j'ai besoin d'eux. C'est dur, si dur d'être seul Isaÿr."
Un craquement, deux femmes inquiètes, trop sur les nerfs, pour une simple biche. Mera qui se mit en travers de son chemin, par instinct, un sourire difficile à cacher sur le visage de la jeune Whitaker. Elle pensait, osait croire, qu'elle l'avait retrouvée. Enfin. Elle admira le spectacle de cette biche magnifique si peu craintive dans un monde trop imprévisible. De Mera au contact de cet animal majestueux. Erin osa s'avancer, enfin apaisée.
Son pied toucha une masse lourde sur le sol et instinctivement elle sorti une lame cachée sous sa veste. "Isa..." qu'elle murmura, pour la prévenir d'un potentiel danger et avant tout la mettre en sécurité. La blonde ne quitta pas la forme des yeux et repéra enfin cette couleur jaunâtre. La chose sembla inerte, Lagertha osa se rapprocher,le genou sur le sol. Ce n'était qu'un sac. Prudemment elle l'ouvrit et reconnu le bon nombre d'écus que se sac cachait. Un sourire fier illumina le visage de la guerrière qui s'empressa de prendre le jackpot entre ses mains. Elle se retourna vers son amie. "Une fugitive n'en a pas vraiment besoin. En premier gage d'un potentiel pardon... Prend le, ton équipe en a besoin." Sur ces mots, elle laissa le sac sur le sol et sans plus rien ajouter, elle se retourna pour s'en aller. Seule, encore.

 

"Ils n'ont peut être pas besoin de moi, mais j'ai besoin d'eux. C'est dur, si dur d'être seul Isaÿr. » Je sais, aurait-elle voulu répondre, mais aucun mot ne franchit la barrière de ses lèvres. La solitude la rongeait jour après jour, même alors qu'elle était entourée de centaines de personnes qui gravitaient autour d'elle comme de magnifiques étoiles autour d'une Terre silencieuse qui n'avait aucun autre choix que de taire ses sentiments et se montrer irréprochable pour les guider correctement. Mais c'était bien à Chicago que c'était le plus difficile. Le monde entier était contre elle à cause de ses erreurs, et il fallait garder la tête haute pour ne pas sombrer. S'accrocher aux souvenirs, à un regard, un sourire, une caresse ou un parfum, s'imaginer rire comme autrefois et avoir peur de mourir. Plus que jamais, Mera comprenait ce qu'Erin traversait. Mais elle ne trouva pas la moindre parole réconfortante à prononcer, et se contenta d'un hochement de tête significatif.
Et puis les choses se passèrent très vite, et Mera se retrouvera à caresser l'animal majestueux quand Erin se mit à nouveau sur ses gardes. Comme la biche ne semblait pas plus inquiète que cela – sans doute aurait-elle détalé si un danger approchait – la brune se raidit et fronça les sourcils, au cas où Erin tenterait quelque chose de stupide. L'instant d'après, Isaÿr culpabilisa d'avoir pu ne serait-ce que la soupçonner ne serait-ce qu'une fraction de seconde et se détendit en voyant le sac qu'elle venait de trouver juste là, sous leurs pieds. Les écus étaient précieux, aussi fut-elle reconnaissante que Lagertha les lui laisse alors qu'elle n'aurait guère émis d'objection à ce qu'elle les garde. Mera répondit à son sourire par un plus bref, un peu gêné, et attendit que la blonde tourne les talons et s'éloigne pour se baisser afin de ramasser la petite bourse qui pesait son poids.  « Notre équipe, Erin ! » ajouta-t-elle d'une voix puissante, avant que cette dernière ne soit plus en mesure de l'entendre. Mera tourna à son tour les talons, accrocha la bourse à sa ceinture du mieux qu'elle put pour ne pas avoir les mains encombrées et tapota le flan de l'animal qui continuait de manger sereinement à côté d'elle.  « Fais attention à toi, aussi. T'es bien trop jolie pour mourir, comme Erin. Erin c'est la fille qui est partie par là-bas. Qu'est-ce que je suis censée faire, hein ? Elle a quand même tué la plupart des GAIA pendant le festin durant lequel tu aurais pu être notre plat principal. Moi aussi j'y ai perdu une vie. Mais je n'arrive pas à la détester, parce qu'on a traversé énormément de choses toutes les deux. Qu'est-ce que tu ferais à ma place ? » lança-t-elle à la bête qui releva les yeux vers Mera, sans doute fatiguée qu'une humaine lui cause de la sorte pendant qu'elle essayait de combler le vide dans son estomac. Son ventre se mit à gargouiller aussi et la brune s'assit par terre en se tenant le ventre.  « Pfff, moi aussi j'ai faim. » L'animal colla ses naseaux humides sur son visage pour le renifler et la jeune femme explosa de rire. C'était une sensation aussi inédite que dégueulasse, mais très tendre. Elle préféra se laisser tomber sur le dos au milieu de l'herbe et la terre et arracha son talkie-walkie de sa ceinture pour le porter à ses lèvres.  « Brianna, qu'est-ce qu'il y a à manger ? » demanda-t-elle en appuyant sur le bouton la reliant directement à la Cabane d'Hener, comme si on confiait les moyens de communication pour demander le menu de midi.