Mera observa fièrement les lieux. Si les GAIA n'étaient pas totalement détendus, la majorité d'entre eux avait quand même légèrement baissé la garde. C'était exactement ce qu'elle espérait ; retrouver une cohésion au sein du groupe. Se souvenir des horreurs passées et de la trahison, mais ne pas la revivre chaque jour en boucle dans son esprit pour ne pas qu'elle s'insinue dans leurs veines comme le pire des poisons. Ce soir, ils allaient se souvenir ce qu'était une équipe : une famille. Après les quelques mots prononcés publiquement dans lesquels elle déclarait la fête ouverte un peu plus tôt, la jeune femme était partie se changer en catimini. Voilà qu'elle arborait à présent une tenue radicalement différente : un tee-shirt blanc basique, un jean usé et des baskets, que ses cheveux avaient été lissés, laissé derrière elle toute trace de maquillage hormis une bouche rouge indécente, et qu'elle n'avait plus rien de l'habituelle Isaÿr. Certains même ne semblaient pas le reconnaître, ce qui était pour le mieux. Ce soir, Isaÿr ne serait qu'une joueuse parmi tant d'autres. A bas les masques, elle aussi voulait s'amuser. Après tout, elle n'avait personne avec qui fêter son anniversaire à Chicago, ni personne pour s'en souvenir. Pas un message, pas un mot, pas une étreinte, son vingt-troisième anniversaire avait été un jour comme un autre, tombé dans l'oubli et la futilité. Ce soir serait sa rédemption. Elle se faufila parmi les GAIA jusqu'à la table qui servait de comptoir et se servit un verre du premier alcool qui passait, avant de se diriger vers un groupe de joueurs au hasard [s'incruste qui veut] à qui elle esquissa un sourire discret – typique d'Isaÿr – mais sincère.  « Bonsoir. » souffla-t-elle timidement, en se rendant compte que ce n'était pas si facile de laisser tomber les masques et de redevenir soldate. Parce qu'elle avait mis tant de distance entre elle et le reste du monde qu'elle en avait développé une timidité maladive.

Tout va bien. Tu vas passer une bonne soirée. Tout va bien, tout va b-
Et puis non. Qui croyait-elle donc tromper en se répétant un tel discours ? A mesure qu'elle s'approchait du lieu des festivités, la cadence des pas de la jeune femme ralentissait. Il aurait été aisé d'accuser la hauteur de ses talons comme responsable d'une telle maladresse –ou encore cette stupide robe dont elle rêvait déjà de se débarrasser– mais ce soir, elle n'avait pas envie de chercher des excuses. Rien n'allait bien, en ce moment.
Cyril n'était pas le plus gros problème. Comme l'avaient dit ses parents, son départ était prévisible, elle aurait simplement espéré qu'il ne soit pas si précipité. Certes, la grande sœur avait toujours prétendu pouvoir profiter de la solitude, mais ce n'était pas pour alimenter de telles idées qu'elle s'était inscrite à ce jeu. Les mots de son frère lui revenaient encore, laissant sur ses lèvres un sourire amusé. Elle voulait jouer pour oublier le reste, et c'est exactement ce qu'elle s'apprêtait à faire.

Les effluves d'alcool liées à la chaleur des corps, les voix, les rires qui se chevauchaient. Pendant une seconde, elle fut trompée. Tout semblait si réel qu'elle aurait facilement pu se croire dans un des bars qu'elle avait l'habitude de fréquenter. Se laissant prendre au jeu, elle fit quelques pas de plus pour se perdre dans la foule, le regard accroché aux détails. Il lui faudrait encore du temps pour cesser de chercher des failles, mais ses gestes paraissaient déjà bien moins crispés.
Le temps d'attraper une boisson, elle dévisagea brièvement ceux qui lui tiendraient compagnie pour cette soirée. Après tout, si elle l'avait déjà fait dans la vraie vie, elle saurait le faire ici. Et puis pour la majorité d'entre eux, ils n'avaient pas l'air bien menaçant une fois sortis de leur tenue de combat. Encore un petit effort pour se glisser dans un groupe, et elle pourrait se lancer.

 « Bonsoir. »
Qui aurait cru qu'il était possible d'être aussi bruyant en s'étouffant avec une si petite gorgée d'alcool. Tout ça en entendant simplement la voix de Mera. Une tenue décontractée, un maquillage léger. Une seconde de plus à la regarder, et elle aurait presque cru la revoir sur les bancs de l'université. Se sentant déjà cernée par des regards curieux, Ciara s'éclipsa sans attendre, bousculant au passage quelques uns de ses camarades. Ce n'était pas un bon moment pour lui parler, ni à Mera, ni à Ysaïr. Pas sans quelques verres de plus. Elle fonçait au comptoir.

Tu te perds dans tes propres mensonges, Quinn ; Daredevil n’existe pas. Le regard dur que lui renvoyait son reflet dans le miroir lui disait le contraire. Seulement cette fois, il était plus facile de l’ignorer : pas de peintures de camouflages, pas d’armes apparentes… Elle avait déniché des affaires relativement normales en prévision de cette soirée, pour une fois. Sa crinière relâchée sur ses épaules était un indice supplémentaire que ce soir, elle mettait son avatar au placard pour profiter d’une soirée avec les siens. Il fallait au moins ça pour ne pas perdre totalement l’esprit. Short en jean, débardeur gris, veste de jogging noire et paire de rangers indémodables surmontées de jambières blanches et grises. Elle passa une main dans ses mèches cuivrées, remuant sa tignasse pour lui redonner un peu de volume, scrutant une dernière fois l’éclaireuse dans le miroir avant de lui tourner le dos. Les problèmes du monde pouvaient attendre une soirée de plus.

Une résolution plus dure à tenir qu’il n’y paraissait, surtout lorsque la première personne qu’elle croisa en arrivant fut Flare. Son regard perdu la survola probablement sans la voir et elle ne chercha pas à attirer son attention. Là où tout le monde scandait son nom pour lui rendre honneur, elle se taisait pour l’observer en silence. Elle aurait pu être à sa place, tuer ces joueurs sans état d’âme… Puis faire face aux conséquences de ses meurtres. Un bref souvenir du jugement des traîtres lui revint en mémoire, des visages colériques et d’autres tourmentés. Elle secoua la tête, chassant les réminiscences parasites, se fraya difficilement un chemin vers le bar déjà assailli et parvint par elle ne savait quel miracle à attraper un verre de… de quelque chose qu’elle espérait suffisamment corsé pour l’aider à profiter de cette soirée.

Alors que Daredevil tentait de s’extraire de la file à reculons, son verre serré contre sa poitrine comme s’il s’agissait du Saint-Graal, elle bouscula Archimède, se rattrapant de justesse à son bras. Quand elle réalisa chez qui elle venait de se suspendre, elle se redressa un peu plus vivement qu’elle ne l’avait voulu. Charles. Le frère de Roy. Le nouveau bras-droit de Mera. Un rapide coup d’œil sur le côté la renseigna sur la présence d’une jolie brune dont elle ne savait rien, qui semblait chercher du réconfort au fond de son verre. Brièvement, ses prunelles s’éloignèrent vers le petit groupuscule qui se formait déjà, cherchant une tête familière. Un rien distraite, elle tapota l’épaule du comptable avec un air sérieux absolument pas crédible. Pour une fois, Quinn transparaissait davantage que la sombre Daredevil – un changement qui aurait suffi à se demander s’il s’agissait bien du même personnage.

« Au fait ! Félicitations, Archie, pour ta promotion. Santé ? »

Sans vraiment attendre sa réponse, elle s’enquilla son verre, un brin désespérée. Si l’alcool ne venait pas à faire effet, elle se tournerait sûrement vers les fumeroles odorantes qui s’étendaient de l’autre côté. Il était impossible qu’elle cesse de ruminer ce qui n’allait pas sans ça. Et impossible d’oublier la diablesse rouge qui était née dans son ombre.

« T'as prévu de fêter ça autrement qu'en faisant le garde-fou ? Non parce que, après ce soir, t'auras tout le temps d'être sérieux et calme. » Elle pointa sa tête sur le côté, vers Dice, secoua sa main libre : « J'ai pas raison ? Dites, vous avez pas vu Isaÿr ? »

Un homme était déjà là. Leurs regards s'étaient vaguement croisés, et elle avait cru le voir attendre sa venue. La gorge encore douloureuse, elle se contenta d'un hochement de tête pour le saluer avant de s'efforcer de calmer sa toux en la noyant sous de longues gorgées du cocktail qu'elle n'avait pas lâché. Puis elle se tourna vers lui, les lèvres glissées derrière son verre. Curieusement, elle le sentait moins menaçant que les autres. Peut-être étaient-ce les premiers effets de cet alcool inconnu, ou simplement le fait qu'il soit seul. Dans le jeu, cet homme aurait pu en avoir tué tellement d'autres, et voilà qu'elle l'abordait au bord d'un bar improvisé, dans une robe rouge au tissu ridiculement travaillé. Et puis rejoindre cette soirée, ce n'était pas un peu mélanger la vraie vie et le jeu ? Qu'est-ce qui lui prenait ? La Ciara qu'elle connaissait aurait probablement toute une liste énumérant de très bonnes raisons pour ne pas agir ainsi.

Lorsque la voix du grand brun se fit entendre, elle fut enfin sauvée du vacarme causé par le train ses pensées. C'était exactement ce qu'il lui fallait ; parler au lieu de réfléchir. L'inverse de ce qu'elle avait fait pendant ces 10 dernières années, en somme. Mais sans apprendre à faire ça, elle sombrerait. Reposant aussitôt le verre derrière lequel elle cherchait à se cacher, elle attrapa la bouteille que l'inconnu lui avait indiqué. Alors qu'elle perdait son regard dans les reflets de l'intriguant breuvage, il reprit la parole : « Je sais pas ce que c’est, mais c’est pas mal par où ça descend. T’as l’air d’en avoir besoin, Dice. ». Un léger sourire en guise de réponse, et elle fit sauter le bouchon pour en respirer le parfum. A en juger par la grimace qui suivit ses gestes, son récent compagnon de beuverie ne se trompait pas. La jeune femme troqua son verre vide pour un contenant plus large, et le remplit de cette mixture ; elle en boirait au moins la moitié avant de pouvoir oser quelques mots.

Quelques secondes de silence, et elle intervint finalement : « Tu ne rejoins pas les autres ? ». Si elle avait pu se mettre une baffe, elle l'aurait fait à la place de son frère absent. Proposer à quelqu'un avec qui elle aurait pu parler de se tourner vers d'autres gens. Super. Un très bon moyen de faire des liens. Où était passée celle dont la confiance en elle était devenue malsaine, celle pour qui les bars étaient un terrain de jeu rempli de proies ? Pourquoi était-ce si difficile de céder, lorsqu'elle n'attendait que ça ? Après avoir secoué la tête et lâché un juron entre ses lèvres serrées, elle remarqua une femme qui lui adressait un signe de la main, un peu plus loin. Une très belle femme, d'ailleurs. Si bien que l'espace d'un instant, elle se demanda si ce geste la concernait vraiment. Elle l'imita sans réfléchir, et plissa les yeux en peinant à entendre sa voix parmi les autres, mais ne chercha pas plus longtemps ; elle ne s'adressait probablement pas à elle. Elle la suivit du regard juste un peu plus longtemps, juste le temps d'en saisir l'image, et se retourna à nouveau vers l'homme. Il était sans doute trop tôt pour parler à des jolies filles. Elle voulait céder, mais pas comme ça.

Puisqu'il fallait se lancer dans quelque chose, elle essaya : « Un jeu d'alcool, ça t'intéresse ? ». Elle avait légèrement haussé le ton. Si cet homme était ici depuis un moment, il accepterait peut-être. Sinon, elle trouverait autre chose. Ciara tenait l'alcool. L'alcool de son monde, de ses bars. Dice, en revanche, rien n'était moins sûr. Et avec la vitesse à laquelle le liquide de cette bouteille disparaissait, quelque chose lui disait que le temps l'aiderait à répondre à cette interrogation.

Mera observa Ciara s'étouffer et prendre la fuite quand elle salua le groupe de GAIA qui discutaient. Si elle fut largement vexée, elle n'en montra rien et fit comme si de rien n'était. Leurs différends ne regardaient personne, et l'ambiance n'avait pas besoin d'être gâchée pour des broutilles. Heureusement, un joueur vint l'arracher à la contemplation de ce premier échec de sociabilisation qui l'aurait presque faite regretter d'avoir essayé de se mêler aux autres, vu qu'elle n'était visiblement pas capable de le faire. Isaÿr esquissa un sourire rassuré et sincère devant cet énergumène qui avait l'air amical et qu'elle ne connaissait que de vue.  « Mademoiselle. » confirma-t-elle en riant. Si ses habituels accoutrements de Chef lui donnaient l'air plus âgée qu'elle ne l'était, aujourd'hui Isaÿr avait tout de la très jeune femme qu'elle était.  « Isaÿr, enchantée aussi. » lança-t-elle en levant son verre vers Blown pour trinquer avec lui. Elle lança un regard suspcieux au contenu du verre du jeune homme et releva lentement les yeux vers lui.  « Quelqu'un qui boit de l'eau ? C'est inadmissible, je ne peux pas laisser faire ça. Suis-moi. » s'offusqua Mera en ouvrant la marche à travers ses soldats qui lâchèrent des rires nerveux : où voulait-elle en venir exactement ? Etait-elle en colère, ou comptait-elle seulement lui servir un verre ? Elle s'arrêta devant le comptoir, où discutaient Archimède, Dice et Daredevil et les salua d'un sourire doux, non sans jeter un regard de travers à Dice de peur que cette dernière ne prenne encore la fuite.  « Salut. Santé. » dit-elle en levant son verre vers celui de son bras-droit et de Quinn, puis se reconcentra sur Blown en tournant momentanément le dos au petit groupe. Que pouvait-elle bien lui servir ? Quelque chose d'original, quelque chose dont il se souviendrait toute sa vie. Avec un sourire hilare, en se mordant la lèvre, elle lui tendit l'alcool le plus fort qui soit -imbuvable- en attendant le moment où il recracherait le contenu de son verre avec impatience. Un bref coup d'oeil lui apprit qu'elle mourrait envie de fumer – plus que de boire. Et malgré le fait que le but de cette soirée était de lâcher prise, la jeune femme n'avait aucune intention de finir à plat ventre sous une table, noyée dans son vomi. Elle se devait de garder l'esprit un peu clair pour être en mesure de réagir si quelque chose d'important se passait. On comptait sur elle pour ne pas échouer encore une fois, Isaÿr n'avait plus le droit à l'erreur.  « J'vais fumer, t'as qu'à venir si t'as envie. » A ces mots, la brune tourna gracieusement les talons et s'approcha d'un pas félin de Wonhey et d'un groupe de GAIA noyés dans une fumée odorante et délicieuse. Depuis quand Mera n'avait-elle pas fumé ? Neuf mois. Peut-être dix. Cela lui manquait tellement qu'elle se damnerait pour y avoir droit à nouveau quotidiennement.  « Hey. » salua-t-elle doucement le brun, Wonhey, à son arrivée. Elle se laissa choir entre un autre garçon et lui, tandis qu'on lui tendait un joint.  « Isaÿr habillée en fille normale, et qui fume un joint ? Les gars, dites-moi que je suis déjà défoncé. » Elle rit avec les autres et leva les yeux au ciel. Elle se retourna vers Wonhey et lança :  « Wonhey, c'est ça ? J'ai beaucoup entendu parler de toi. » Un sourire mystérieux se dessina sur ses lèvres. Après une longue enquête, elle était arrivée à la conclusion que c'était lui, le frère de Yoda, dont elle lui avait parlé à plusieurs reprises. Peut-être se trompait-elle, mais elle en doutait.

N’obtenant aucune réponse pour sa précédente question, Quinn envisagea de fausser compagnie aux buveurs pour se mêler plus avant à la foule de verts sans cesse grandissante. Retrouver des visages connus, plus ou moins appréciés, était plus agréable qu’elle ne l’aurait admis en temps normal ; l’alcool aidait probablement à ce qu’elle pose un regard plus indulgent sur ses compatriotes, à moins que sa bonne résolution de laisser la diablesse dans l’ombre ne fonctionne enfin. Echangeant un bref regard avec Dice, laquelle replongea presque immédiatement dans son verre, elle guetta une réponse chez Archimède et lorsqu’elle fut sur le point de tourner des talons, son verre à nouveau rempli, Isaÿr sembla jaillir de sa boîte. Sur ses talons, un Blown relativement plus aimable que lors de leur dernière affaire ensemble. Aussitôt parvenue au comptoir, la cheftaine lança un « Santé ! » auquel l’éclaireuse répondit sans la moindre hésitation. Deux verres de ce tord-boyaux au compteur et elle se sentait encore très lucide ; peut-être que ce n’était qu’une illusion d’optique, peut-être que le breuvage était plus traître et qu’il suffirait d’une dizaine de minutes supplémentaires pour qu’il fasse brusquement effet. Passant une main entre ses mèches aux reflets d’airain, elle chercha à croiser les prunelles vives d’Isaÿr – depuis combien de temps n’avaient-elles pas discuté, rien que toutes les deux ? Tant de choses s’étaient passées. Tant d’autres allaient probablement arriver. Un sombre nuage passa momentanément au-dessus d’elle, mais elle le laissa filer. Ce n’était pas le moment pour ce genre de discussion. Même si les moments passés auprès de Mera lui manquaient, elle savait respecter son silence et sa distance lorsqu’il le fallait.

L’instant d’après, Isaÿr filait à nouveau entre les joueurs, en direction des fumeroles odorantes. Elle la suivit très brièvement des yeux, revenant ensuite au petit groupuscule qui s’était formé malgré elle au niveau du comptoir. Tendant la main pour s’emparer d’une autre bouteille d’un alcool tout aussi inconnu – à cette vitesse les réserves allaient être vidées dans une heure ou deux – elle s’en servit une rasade dans son verre et en proposa à la ronde avant de la reposer. N’ayant pas entendu la proposition de Dice, qui s’adressait de toute façon à Archimède, elle tapota le bras de ce dernier avec un sourire un rien mutin.

« Quand t’auras décidé de te relâcher un peu, Archie, rejoins-moi de l’autre côté, hein ! »

Elle n’avait jamais été réellement proche de Charles, ne le connaissant finalement que de loin et suivant son ascension avec un intérêt poli. Mais le fait qu’il soit le frère de Roy l’avait poussée à le considérer sous un œil nouveau – et sa présence lui faisait immanquablement penser à Faust. Seulement, le cadet n’était en rien similaire à l’aîné. Pas dans le sens strict du terme, en tout cas. Et cela, elle peinait à s’en souvenir avec les deux shots qui se mettaient à circuler dans ses veines. Les ombres, le brouhaha permanent, les fumées hallucinogènes du coin fumeur, l’alcool ; tant de détails qui changeaient peu à peu sa vision des choses. Et du monde entier. Un fait qu’elle aurait tenté de combattre en temps normal, parce qu’elle était Daredevil et que ce simple pseudonyme l’avait transformée…  Mais elle ne voulait pas se restreindre ce soir. Quinn voulait lâcher prise. Littéralement. Gardant le verre auprès d’elle sans y toucher, elle louvoya entre les verts, dépassant Flare et son compagnon pour débarquer presque au beau milieu des consommateurs plus ou moins aguerris. Elle marqua un temps d’arrêt, jetant un long regard circulaire. Viviane. Une jolie brune qu’elle aurait identifiée comme Quinrose si elle la connaissait mieux. Pyrrha, dont la simple vue lui fit pincer les lèvres. Wonhey, à côté duquel Isaÿr venait d’échoir. Et finalement, Gattaca. Markus. Son père. Avec une bière à la main, l’air totalement détendu pour une fois. Curieusement, sa première impulsion fut de lui sauter au cou, mais heureusement pour elle l’euphorie provoquée par l’alcool n’outrepassait pas encore ses inhibitions naturelles – et puis elle ne tenait pas à afficher les liens qui la liaient intimement à Gattaca, par prudence. Son regard s’attarda un peu plus longtemps sur le barbu avant qu’elle ne lui adresse un signe de tête accompagné d’un sourire, se reculant pour se trouver une place en murmurant un « Désolée » pour son intrusion involontaire. Portant le breuvage à ses lèvres, Daredevil dévisagea les personnes présentes ; elle sentait l’alcool mordre ses veines, se propager, gagner ses moindres réserves.

Nightingale avait entendu parler du bruit de couloir. Une fête allait être donnée. En l’honneur de quoi ?! Excellente question ! Elle ne savait pas trop et n’avait pas envie de savoir. Elle n’avait même pas envie d’y aller à dire vrai. Elle se doutait que Gattaca y serait et sincèrement… Elle n’en avait pas franchement envie ! Ils ne s’étaient pas revus depuis leur altercation. Après que les traîtres aient été exécutés. Après qu’elle est participée à la chose sans réellement ressentir de la pitié ou bien de la peine pour eux. Encore moins pour la gamine Lagertha. Qu’elle crève. Voilà ce que Nightingale pensait au plus profond de son cœur. C’est Grim qui l’avait convaincu en fermant le salon la veille. De venir. De s’amuser un peu pour dérider son visage que peu avait vu un jour illuminé d’un sourire. Ainsi donc elle arrive, son armure dans sa chambre : elle était simplement habillée d’une tunique légère noire. La couleur n’avait jamais été sa tasse de thé. Sa coupe est rapidement pleine et finalement, elle se laisse prendre dans le jeu et se met à sourire tout en buvant. Peut-être un peu trop. Elle se laisse même tenter par un champignon. Oh, elle en avait déjà mangé. Avec Zeke au coin d’un bon feu au milieu de la forêt. Et puis des fois, ses cousins se joignaient et le tout finissait dans des épopées dont elle se souvient encore.

Elle voit Gattaca. Et serre les dents avant de détourner rapidement son regard pour ne pas le fixer trop longtemps et montrer que cette distance était une réelle douleur pour elle. A côté de lui : sa cousine Viviane à qui elle fait un grand sourire surtout en la voyant tenter de rouler. Ah que serait-elle sans cette femme et son petit bout de chou ? Son regard migre vers d’Archimède et leva sa coupe avant de la terminer pour le féliciter de loin de sa promotion. Elle allait devoir protéger ses fesses de hiboux ! Il finirait tôt ou tard par la détester de toute façon. Les chefs n’aimaient pas avoir quelqu’un qui les colle aux baskets ! Et puis elle voit finalement Flare : « OH BOY !!! Voilà un des nouveaux champions !! » Elle attrape un pichet qui passe par là pour remplir son verre et trinque : « A tes victoires mon tout beau va ! » Elle boit cul sec son verre avant de le regarder : « Profites bien champion ! Tu l'mérite ! »

C’est alors que Fenrir accapare son attention en la choisissant parmi toutes les demoiselles pour danser. Elle sourit. « Avec plaisir monsieur… » Elle donna son verre à un GAIA et suivit son apprenti. Attrapant ses mains, elle se mit à danser : quelque peu haut perché déjà ; ses gestes n’avaient pas réellement un sens, elle se laissait juste porter par le moment avant de rire. Elle s'accrocha finalement au cou de son ami avant de le regarder. Il y avait toujours eut un jeu entre eux. De séduction. Elle l'aimait au fond son Fenrir. Il était devenu important dans sa vie : « Je me croirai revenue à la maison… » Dit-elle en sachant qu’il comprendrait. « Comment tu te fais à ta nouvelle vie ici ? »

Itzapapalotl était là depuis le début, caché dans un coin ou plutôt perché sur une branche à écouter, à regarder les autres s’amuser et festoyer. Boire et fumer dans une ambiance bonne enfant que l’on ne pouvait pas leur reprocher au fond. Ils avaient tous besoin de décompresser après les derniers événements. N’étant pas déjà un adepte dans le domaine de l’alcoolémie qui pourtant certains étaient une discipline olympique probablement : elle préférait garder ses sens neutres et prêts à riposter en cas d’attaque. S’imaginer le pire pour savourer le meilleur, voilà sa devise et lorsqu’elle vit le garde du corps remplir plusieurs fois sa coupe : elle décida de porter toute son attention sur Mera. Elle regarda dans ses mains le « cadeau » qu’elle voulait faire à son chef. À sa nièce adorée. Après tout, c’était son anniversaire et malgré la distance : elle n’en avait jamais manqué un. Le même traitement était vrai avec Aria. Parce que malgré tout… Felicity aimait ses nièces plus que de raisons. Elle avait trouvé cette dague dans la grotte. Le manche recouvert de cuir était terminé par deux arabesques collés l’une à l’autre. Un membre de l’équipe avait pu gravé la lame avec les moyens du bords : le symbole des GAIA. Elle prit son courage à deux mains et descendit dans la fosse au lion pour se sociabiliser un peu. Elle trouverait bien l’occasion de lui offrir à un moment dans la soirée.
Maintenant au sol, un espion lui colla un verre dans la main : « Interdiction de ne pas boire ! C’est la règle ! L’chef qu’a dit ça ! » Puis il part. Elle soupire, mais Itzapapalotl garde tout de même la coupe dans ses mains pour la porter à ses lèvres. Elle entend alors le mot cookie et sans réellement se méfier, elle regarde la GAIA (Pyrrha) : « Oh moi je dis pas non ! » Elle savait que si elle buvait, elle devait manger sans quoi elle allait finir les quatre fers en l’air et s’en se douter de rien : elle mange le tout en moins de temps qu’il faut pour dire le mot « cookie ». Un de ses camarades rigole devant elle. Elle ne comprend pas pourquoi : « Ils sont vachement bon en tout cas. Y’a quoi dedans ? » Finit-elle par demander en voyant que les autres n’en mangeaient pas ou bien grignotait miettes par miettes dedans.