Quand je pense qu'un homme va mourir
Et qu'il se prend aux buissons de la mort
Dans les rizières embrumées
Je le vois aussi comme un bateau
Immobile un instant au sommet de la vague

T’es là, posé de sur une chaise devant ton pc, ton regard se pose sur l’écran sombre de celui-ci. Tu résistes et pourtant, c’est toujours plus fort que toi. Tu voudrais rester dans le droit chemin, faire comme si tout ça n’avait jamais existé, mais, c’est impossible. C’est devenu ta drogue, ton essentiel. L’ironie, c’est que tu ne sais même pas pourquoi t’es devenu aussi accro, après tout c’est qu’un énième jeu vidéo. C’pas possible qu’il puisse avoir cette emprise la sur les gens. C’est même improbable, pas à ce stade-ci de l’évolution. Tu n’arrives pas à comprendre tout ça et il y a une part de toi qui souhaite comprendre, alors, t’appuies et le temps s’arrête, pendant quelques secondes..

Progressivement, tu sens la terre encore humide sous tes pieds, les arbres qui s’élèvent, puis le ciel, au loin. Tout est si calme, si silencieux autour de toi, mais, ce n’est pas ton territoire ici, tu n’es pas en sécurité, t’en as conscient. Avec les GAIA dans le coin, tu pourrais très bien être observé, sans même t’en rendre compte et, le pire, c’est que ça ne te fais rien. T’essayes juste de provoquer l’inévitable, l’affrontement. Soudain, une voix déchire le silence et ton regard converge en direction de celle-ci. « Dmitri ? » Cette intonation te semble si familière... et puis, ce mot qu’il a prononcé, c’est ton prénom, celui que tu portes dans la réalité. Celui que personne ne connaît, ici. T’n’aimes pas ça. Tu fais un pas, deux pas en avant, avant de tomber nez à nez avec un double de toi-même... « Putain de merde de chiotte! » Tu restes perplexe. Tu ne comprends pas ce qui se passe, tu voudrais réagir, l’empêcher de s’enfuir, mais c’était déjà trop tard, quand tu t’apprêtais à saisir son bras. « Der'mo! » C’est tout ce que tu prononces et tu décides de le poursuivre. Il est gibier et toi, le chasseur. Il fuit pour sa survie, tu le traques pour l’achever. Ici, c’est pour ça que tu vis, pour le sang. Il extirpe l’une de ses lames qui étaient dans la poche de sa veste, puis tu t’arrêtes. Tu le laisses souffler, tu lui faire croire que t’as laissé tomber. Mais, en faite, c’est tout le contraire, puisqu’en faite, tu le contournes, puis tu lances ta lame qui passe à quelques centimètres de ta victime. Tu ne le visais pas, tu cherches seulement à lui faire peur. « Comment tu connais mon prénom? » À présent, tu lui fais face à nouveau, t’es à quelques mètres de lui. Tu prends ton arme à feu qui avait été laissée à ta ceinture, dans le bas de ton dos et t’attends, t’attends qu’il daigne te donner une réponse qui selon toi, est satisfaisant.

Quand je pense qu'un homme va mourir
Et qu'il se prend aux buissons de la mort
Dans les rizières embrumées
Je le vois aussi comme un bateau
Immobile un instant au sommet de la vague

Ce sentiment qui t'ronges de l’intérieur, que tu cherches toujours un peu plus à atteindre, ce sentiment de liberté, de délivrance, c’est à lui que tu vaux ce changement aussi radical de ton être, de ton âme. C’est lui qui t'pousses un peu plus tous les jours à mettre ton humanité de côté, d’oublier qu’en dehors du jeu, t’as une vie, des ami (e) s, une famille, un métier, des problèmes, des souffrances. Et puis, il a cette poussée d’adrénaline, au moment ou t’aperçois une cible potentielle, c’est plus fort que toi, ce sentiment de supériorité que tu possèdes dans tes gènes, ce sentiment que ton père à décider d’exploiter fait ressortir le pire en toi. Le bourreau, le faucheur d’âme, un être redoutable, mais surtout solitaire, qui ne virent que pour deux choses, la soif de sang et la mort de ses ennemis. C’est ça ton but. L’anéantissement des faibles et tu ne rechigneras pas. T’es un battant, un acharné, ne t’abandonneras pas. C’est ta quête, ta raison d'vivre. Qu’importe ce qu’il te sera obligé de faire, pour poursuivre ton objectif, tu l'feras, même si tu dois tuer, le double qui se présente à toi, prétextant être Lola. Ton visage reste froid, sans aucune réaction. La moindre faiblesse, la moindre hésitation pourrait te coûter une vie, tu devrais l’achever et pourtant, t’attends des réponses. T’hésites. T’avances de quelques pas, restant toujours sur tes gardes.

L’inconvénient dans tout ça, c’est qui possède ton corps, tes armes, il sait à présent ce que tu possèdes, ce que tu caches. L’avantage, c’est qu’il est loin de son élément. Il ne sait rien d'toi ici, il ne te connaît pas. Il voit juste ce corps, qui lui semble si familier dans l’autre monde, mais c’est tout. À présent, tu te poses, juste en face de lui, à quelques centimètres. Tu ranges ton Tokarev, une arme russe, comme celle que ton père possédait. Elle ne te serait d’aucune utilité en combat rapprochée, de toute façon. Tu l’as troqué plutôt pour une larme, toute simple. Puis, l’espace entre vous deux s’efface, tu te mets en danger, tu l'sais, mais la provocation reste ta meilleure arme. Ta main droite va se poser, sur le haut de son cou, tes doigts le long de sa mâchoire, te permet de l’obliger de ta regarder, droit dans les yeux. T’observes, cette matérialisation ne peut pas être absolue. « Notre première rencontre, l’heure, la date, le moment... Raconte. Tout. » Puis, tu finis par relâcher ton emprise, pour prendre le couteau que t’avais quelques instants plus tôt, logé dans l’arbre.  

Quand je pense qu'un homme va mourir
Et qu'il se prend aux buissons de la mort
Dans les rizières embrumées
Je le vois aussi comme un bateau
Immobile un instant au sommet de la vague

Parfois, dans la vie, tu rencontres de ses personnes qui au premier abord, te semble inaccessibles, te sembles tellement lointain de ton propre monde que t’as la nette impression d’être dans un univers parallèle aux leurs. Autant dire qu’ils sont ton opposé. Lola fait partie de ceux-là. De ceux que tu n'aurais sûrement jamais posé tes yeux dessus, de ceux que tu n'aurais jamais cru pouvoir créer une amitié avec une personne telle que lui, mais c’est arrivée. Pourtant, quand t’es avec lui, t’as cette impression de faire quelques choses de bien, d’être bon, d’être un mec meilleur. Même si t’as décidé de vivre cette vie, tu t’es toujours sentir à part des autres, différent de tout ceux qui tu vois dans le métro, dans la rue, au super marché. T’es totalement conscient que tout ça c'est dû à ton éducation, au monde dans lequel t’as longtemps vécu, tandis que tu vivais encore en Russie. Ton savoir-faire, tes pratiques qui sont souvent des plus inhabituels, pour le simple citoyen. Les personnes que tu cotoyais, ils n’étaient pas comme eux, ils étaient, comme toi, comme ton héros, ton paternel. Même si cette partie de ton être n’est pas développée, autant que tes compatriotes russes, il est à l’intérieur de toi, tapi dans l’ombre, prêt à bondir du jour au lendemain. Darwin's game t’aides à le contenir, mais, tu perdras t’es repère, tu vois le truc venir à toute vitesse. Ce jeu, il fait à présent partie intégrante de ta vie, mais il est aussi ton pire cauchemar. Il est celui qui va changer la vie sur terre. Il est celui qui va amener le chaos dans notre réalité. Tu ne sais pas si t’en envies de ça, de cette vie ou la confiance risque de devenir un peu plus difficile chaque jour. Inconsciemment, tu voudrais lui faire confiance, à cette personne qui se cache à l’intérieur de ton corps, mais tu ne connais pas ses intentions ni ce qu’il pourrait être capable de faire ici, à l’intérieur de ce monde. Tu connais pas cette version deux points zéro de ton Lola et c’est ce Lola-là, que tu crains, que tu te méfies. Il a beau confirmer son affirmation précédente, t’as toujours cette nette impression que tu ne peux pas lui faire confiance, pas dans ses circonstances. Tu voudrais éviter l’inévitable, mais ça te semble tellement imprudent et irresponsable. Tu ne peux pas le laisser partir, comme ça. Ton esprit jongle entre deux univers parallèles, deux personnages totalement opposés l’un de l’autre, et c’est ce qui te fait tant hésiter. Tes convictions se heurtent à l’intérieur de ton être, de ta tête. C’est le dernier moment. Tu ne le fais ou tu ne le fais pas. Peut importe, ce que tu en décideras, les remords te rongeras, que ce soit ici ou dans ta vie de tous les jours. Mais, ici, c’est toi ou lui. C’est la survie de ta team ou la sienne. « Promis, ça serait rapide. » ça se serait sûrement passé autrement, si ça n’avait pas Lola. Tu remontas ton bras gauche, puis le posa tout juste en dessous de ton menton. « Désolée. » derrière ce mot, c’est Dmi, qui avait parlé, pas ce personnage que tu es ici, à Darwin Harbor. Tu te sentais déjà coupable et tu ne l’as pas encore tué. Puis, d’un geste rapide, tu lui tranchas la gorge et c’est tout. D’ici quelques secondes, ce sera qu’un souvenir, puisque bientôt, le corps disparaîtra sous tes yeux.