Il n'a plus ce mimique à la con. Ses yeux sont bourrés de concentration. Les eshus savent où ils se trouvent.  Des murs gigantesques sont dressés derrière Blues. Verdure grimpante et couleurs grinçantes. La lumière est faible. Ils sont minuscules. Des petits hommes vulnérables. Des cafards fourbes. Blues soupire et fait quelques pas. Sa machette à la taille se balance au rythme de ses mouvements.  Hormis le bruit du gravier sous les semelles, on entend les respirations sifflantes. Excitées, stressées ou bien confuses. Blues se mordille la joue intérieurement, il cherche ses mots parce que Blues lui, c'est un orateur. Il les regarde.  Ils sont là, ses hommes, ses femmes. Ses éclaireurs.  Il se masse la nuque et admire le sommet de ses pompes.
Et il s'arrête.  «On est plus en guerre, j'vous apprends rien. » Non, ils ne sont plus en guerre. Une trêve artificielle, une paix factice entre les clans. La fonction d'éclaireur est temporairement en retrait. Ils n'ont plus à préparer le combat, à jouer les cavaliers fous. Le silence s'installe une seconde de trop. « Il faut qu'on maintienne nos qualités. On est comme des sportifs de haut niveau. Et on est là pour un petit exercice. » Il pointe son pouce au dessus de son épaule. « La mémoire, la rapidité... c'est le genre de choses qu'on va avoir besoin d'utiliser là dedans. Pour survivre et pour sortir. » La confiance l'envahit tout comme l'excitation. « Ce qu'on va vivre ne sera pas utile pour l'équipe sur le coup. Mais pour vous, pour vous personnellement, c'est un plus. » Blues ne connait pas leur niveau mais malgré leur statut de petit éclaireur, il n'oublie pas qu'ils demeurent joueurs et bourreaux. «On va aller dans ce labyrinthe et se mettre à l'épreuve, comme des hommes » Petit rictus de la part du chef car les femmes sont en majorité. Il sourit amusé sans une once de vanité. Il sait que les dangers du labyrinthe sont égalité. Faute de ne pas jouer aux hommes, ils joueront aux Dédale.  

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Se changer les idées, c’était désormais la seule chose qui lui importait en plus d’éviter de faire couler du sang pour rien. Par chance, son rôle dans le groupe n’était définitivement pas le plus meurtrier et c’était sûrement la seule raison qui l’avait poussé à venir jusqu’à l’entrée de cet immense labyrinthe qui en faisait frémir plus d’un. Comme la plupart des éclaireurs, elle s'était aventurée par simple curiosité, mais ne trouvant pas de sortie, elle avait fini par rebrousser chemin qu’elle soigneusement noté à chaque virage emprunté. Depuis, elle se contentait bien souvent de l’observer de loin, se demandant quel secret il pouvait bien cacher. Peut-être qu’aujourd’hui, ils allaient y entrer, une idée qui faisait monter d’un cran son adrenaline. Louison était comme bien souvent la première arrivée et se tenait adossé contre un des murs, scrutant méticuleusement l’horizon.


Au fond, elle espérait qu’il n’y aurait pas de monde et surtout que personne ne lui parlera de la mort de son frère. Louison n’avait pas encore fait son deuil et elle n’était pas encore réellement prête à prendre du recul sur cet incident. Pour le moment, la seule chose qu’elle avait trouvé pour avancer de l’avant, c’était de toujours s’occuper l’esprit pour ne pas se retrouver seule avec ses démons. D’ailleurs, il ne lui fallut pas longtemps pour voir débarquer quelques éclaireurs qui s’installèrent non loin d’elle, dans un certain silence religieux. Après quelques instant, le chef arriva d’un pas lent et calme avant de se lancer dans un discour hasardeux d’encouragement.


Quand il annonça qu’ils allaient entrer dans le Labyrinthe, une certaine panique s’installa chez certains tandis que la blonde en profita pour refaire son lacet. Elle n’avait jamais été aussi prête à y aller et pour une fois, elle donnait presque l’impression d’être motivée pour une activité de groupe. Une fois prête, elle passa à côté du chef pour se placer à ses côtés.  « Ca me va. » Il fallait bien un premier pour motiver les troupes et pour une fois c’était elle.  

L'immensité du labyrinthe qui s'étendait derrière le chef des éclaireurs ESHU pourrait rendre n'importe qui complètement ridicule en comparaison et celui-ci n'échappait pas à la règle. Le regard de Revan se promenait le long des murs et des haies mal taillées qu'ils allaient devoir affronter dans quelques instant, les bras croisés dans l'attente du discours de motivation que Blues allait peut-être enfin se décider à leur cracher lorsqu'il aurait fini d'admirer ses bottes. Cependant, sa première phrase eut pour seule conséquence de faire complètement décrocher Revan de la suite de son laïus. Plus en guerre ? Bravo champion. T'es à côté de tes pompes aujourd'hui, pensa-t-il. Tout comme la gamine qui vient se placer à côté de lui en approuvant.

-Plus en guerre ? répéta-t-il alors tout haut. Il regarda autour de lui, cherchant à accrocher le regard de ses collègues éclaireurs. Et depuis quand la guerre est-elle terminé je te prie ? Il fit quelques pas en avant. Depuis quand pouvons-nous quitter notre QG sans avoir peur de nous faire descendre par un fous furieux CAHO ? Sans risquer de nous prendre une flèche dans le dos ? Sans avoir peur de se faire tabasser et détrousser par des mangeurs de poisson qui trouvent ça plus honorable que de nous tuer ? Depuis quand avons-nous arrêté de répandre le sang de nos ennemis ? Il avança encore et vint se planter à côté de Blues. Je te respecte mon ami, mais si tu penses que la guerre est terminée depuis que les actions de grande ampleur ont cessé, tu te trompes. Tout ceux qui pensent comme toi se trompes. Je vais rentrer dans se labyrinthe, mais ça sera pas pour jouer les action man. Je vais rentrer dans ce labyrinthe pour en ressortir plus fort, ou pour ne pas en ressortir du tout. Je vais rentrer dans ce labyrinthe et en ressortir plus dangereux pour les ennemis des ESHU. Et c'est ce qu'on devrait tous faire. On est pas là pour le divertissement, ni pour se voiler la face.

Sur ce il se tut et resta à côté de Blues, le plus loin possible de Mythos, estimant que son message corrigeait et complétait celui du chef des éclaireurs pour encourager les troupes à relever un défi digne de ce nom. Une épreuve dont ils sortiraient grandis quelle qu'en soit l'issue.

Blues finit son discours avec une pointe d'enthousiasme. Ils allaient s'en doute perdre la vie dans quelques minutes et le chef éclaireur tenait à rappeler leurs objectifs. La réaction hétérogène de ses troupes le conforte dans l'idée que beaucoup sont courageux. On ne parle pas d'un jeu mais d'un devoir. Et chacun semble savoir pourquoi il est présent malgré la panic ou l'amusement. L'une de ses joueurs s'installe à côté de lui, une blonde assez jeune qu'il connaissait pour être une ombre lors des réunions. Cette initiative inhabituelle le rassure. Les lèvres de Kadeen s'esquissent faiblement, il apprécie l'effort.
Pourtant un homme élève sa voix. Il le reconnaît car rares sont les trentenaires de la communauté. Blues s'attend à un élan guerrier, le genre de conneries qui sert à animer la motivation. Mais c'est tout autre... Ce sarcasme indécent alerte l'Egyptien, il a envie de lâcher un je te demande pardon ? La scène lui semble surréaliste mais déjà, son sang bouillonne. L'éclaireur continue son dégueulis de reproches et Blues l'écoute en silence. L'encre de ses iris devient sombre et ces étincelles-là, Dieu seul sait à quel point ils présagent mauvaise augure. Revan avance et prend des initiatives. Impossible pour le chef de cerner son ton et ses intentions. Et, entre nous, Blues s'en fiche. La diplomatie était son fort seulement quand il la trouvait nécessaire. Ses pulsions originelles, quant à elles, ne demandaient aucun accord, aucun feu vert. Certains termes le froissent et c'est pour cela qu'il ne sait pas comment réagir. L'homme disparaît de son champ de vision pour se poster près de lui. Le silence retombe mais Blues ne souhaite pas en rester là.
Il tourne la tête pour mieux voir son interlocuteur.

Je suis pas ton ami, je suis ton chef. Tu me parles autrement. Si ce que je dis ne te plaît pas, tu peux prendre tes affaires et tu retournes au Q.G. On a pas besoin de faire un débat maintenant, c'est pas pour ça qu'on est là. Quand je parlais de la guerre, je parlais d'un team contre team. On est là pour se défendre en cas d' un un contre un.

L'amertume teinte sa voix car il avait besoin de tout, sauf d'un membre ruiant son rôle de leader. Blues veut bien discuter mais d'homme à homme, en aparté. Et ce genre de discours est prohibé dans des circonstances comme celles-ci.

Est ce quelqu'un a quelque chose à ajouter ?

Elle avait été la première à se prononcer de manière humble et modeste, ce qui n’était absolument pas le cas de la personne d’après. Connor, elle le connaissait suffisamment pour dire qu’il était sûrement la plus grosse drama-queen des éclaireurs et avant même qu’il ne commence son fastidieux monologue, elle leva les yeux vers le ciel en soupirant sans aucune discrétion. Il avait beau être son aîné, elle le trouvait très clairement puéril et ne savait pas vraiment s’il fallait en rire ou pas. Une fois qu’il avait fini de jouer les princes de bac à sable, Louison lâcha entre ses lèvres un mot sans même s’en rendre compte. « Bouffon. » Ses mains sur les lanières de son sac à dos, elle regarda leur chef, plus que curieuse espérant qu’il n’allait pas se taire devant un tel comportement -ce qui le décrédibiliserait devant tous les éclaireurs de la team.

Heureusement, ce qui devait arriver, arriva et Kadeen ne pesa pas ses mots devant le trentenaire se qui ne manqua pas de faire vaguement sourire Louison. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas joué en groupe et elle avait oublié que ce n’était pas tout simple de trouver une symbiose entre des joueurs. Connor se fit rapidement remettre à sa place, tandis que Louison jouait tranquillement avec son couteau papillon en regardant la scène avec un sourire qui se situait entre l’amusement et le mépris. Une fois la chose terminé, il était temps de passer à la suite et elle se contenta d’un simple hochement de tête pour approuver les mots du chef.  

-Désolé princesse, je te pensais pas aussi susceptible, ricana Revan à l'intention de Blues.

Ça se prétendait chef et c'était pas capable de gérer la critique convenablement ? Chef de quoi ? D'une bande de gamin à qui il racontait des imbécilités ? Première leçon de l'enseignement : si t'as quelque chose à expliquer, explique le correctement sinon personne ne suivra jamais ce que tu racontes. Ça aurait pu en rester là, mais impossible pour Revan de rester muet face à tant de morgue. Il dirigeait une bande d'éclaireur et se prenait pour le grand maître d'arme en personne, c'était bien plus amusant que menaçant. Quant à Mythos, il ne daigna même pas lui répondre.

-Oui, quelqu'un d'autre a-t-il un commentaire à faire sur le discours de Blues notre Chef Bien Aimé ? Ou bien est-ce qu'on peut passer la partie où tout le monde fait la révérence et passer aux choses sérieuses ?

Le manque de sang froid de Blues agaçait Revan, surtout venant de quelqu'un sensé diriger un groupe aussi hétéroclite que le leur. Revan leur donnait une raison de plus de partir à la conquête de l'entraînement que proposait Blues et Blues le remerciait en se le mettant à dos. Revan approuvait cette épreuve. Il approuvait l'idée de se retrouver tous ici pour affronter le labyrinthe. Il approuvait même partiellement l'idée derrière le discours, celle de se mettre à l'épreuve individuellement, de crever en le faisant s'il le fallait, mais de devenir plus fort quoi qu'il arrivait. En revanche, pour ce qui touchait à son comportement en tant que chef ou bien son discours à la con, il pouvait bien retourner lui-même au QG pour bosser dessus pendant que Revan prenait les choses en mains. Lui serait capable de transformer chaque individu de ce groupe en tueur, en machine implacable et increvable. Des éclaireurs, oui, mais au tranchant affuté. Ils n'avaient pas besoin de mauviettes comme Mythos dans leur rang.

Blues, il a déjà eu la patience et la bonté de remettre à sa place Revan. Le joueur ne pouvait pas savoir à quel point le chef avait le sang chaud. Le jeu devait avoir un pouvoir cathartique sur ses pulsions meurtrières. En canalisant sa violence ici, il pouvait être calme dans la vraie réalité. En prenant des responsabilités ici, il réussissait à se sociabiliser dans la vraie vie... Le voilà dans une étrange situation où il ne doit pas s'acharner sur Revan car il tente de faire bonne figure. Une étrange sitation où ce même Revan insiste. Le mot Princesse retentit et les phalanges de  Blues serrent le manche de sa machette. Il imaginait le sang gicler, et Dieu seul sait la paix produite grâce à la vue d'hémoglobine.  Blues, il a surtout envie de traiter cet homme d'imbécile. Il voulait souligner l'urgence de la situation et voilà qu'il change la nature de leur rendez-vous.  Dans la passion et la colère, aucun homme est intelligent. Et si l'Egyptien peut faire preuve de diplomatie, il est clair que dans ce cas-là, il ne cherchait même pas à comprendre. Revan manie le sarcasme quand le chef n'y arrivait pas.   Le fait qu'il  finisse par s'adresser  à la foule le met hors de lui. Il a envie de lui coller une droite dans le nez mais il conclut avec patience :

Tu rentres au Q.G.

Ce n'est ni une question, ni une éventualité. Son ton est dur et son regard est caustique. Il fixe la poussière entre eux car le brun sait très bien : s'il croise son regard, il le cogne.  Voici l'ultime rappel.

Si tu pars pas maintenant, je fais en sorte que tu sois le premier à crever dans ce labyrinthe. Donc, va-t-en.

Il sous-entend beaucoup de choses. Un, il ne ferait pas preuve de solidarité envers l'homme. Deux, il risque de mettre fin à ses jours lui-même...

L'ordre claqua sèchement à son intention, mais Revan ne bougea pas. Son sourire se fit plus grand, au contraire. Ce qui allait suivre serait une leçon, à la fois pour Blues et pour tous les autres. Blues devait apprendre que le commandement, être supérieur aux autres, ça n'était pas simplement faire des discours à deux balles et lancer des encouragements creux. Être chef c'était aussi accepter la critique et ne pas écraser les autres quand quelqu'un osait répondre ou contester quelque chose.

-Je suis sensé prendre ça comme une menace ? Je pose la question, parce que tout ce que je vois devant moi c'est un caprice venant d'un garçon bien trop grand pour en faire.

Blues n'était pas beaucoup plus jeune que lui, sans doute. En tout cas il n'en avait pas l'air, pourtant il se comportait comme un collégien dont les parents venaient de confisquer son téléphone. Susceptible, puis agressif.

-T'as passé l'âge d'avoir des montées d'hormones, maintenant soit un bon petit gars et arrête de lancer des menaces juste parce que t'as rien d'autre à dire, tout ce que tu inspires ici, c'est de la gêne pour toi.

Revan se tourna alors vers Mythos, la blonde qui n'avait pas réfléchis trois secondes avant d'aller se placer à côté de Blues pour approuver ses paroles la première fois.

-Et après c'est moi que tu traites de violent ? Je garde mon agressivité pour les autres team moi au moins, ironisa-t-il.

La conversation commençait sérieusement à s’échauffer entre les deux hommes et bien qu’elle ne comptait pas s’en mêler, elle ne pouvait s’empêcher de soupirer en entendant ça. Ils étaient tous les deux censés être des adultes et par conséquent montrer le bon exemple. Seulement, la seule chose qu’ils arrivaient à faire c’était de blaser la plupart des éclaireurs, voir amuser certains qui avait encore le goût à rire devant ce genre de disputes. Au fond, la blonde commençait sérieusement à en avoir marre et hésitait sérieusement bien à repartir dans son coin, vivre sa petite vie comme bon lui semble. Au moment même où elle commençait discrètement à reculer pour s’en aller, Revan jugea utile de l’inclure à ce débat -chose dont elle se serait bien passée.

De son regard le plus méprisant et froid, elle regarda les deux adultes, comme une mère fatiguée par ses jumeaux. « Ouais super, on s’en tape. Par contre, on pourrait faire au moins utile ou pas avant demain ? » Un éclaireur rigola vaguement dans la foule, tandis qu’elle restait immobile à les regarder. Cela s’approchait sûrement de l’insolence, mais on était bien loin des menaces de Revan ou de Blues. Mythos n’était pas d’humeur et ceux qui avait entendu parlé de la mort de son frère devait être plus qu’au courant. Si les deux hommes étaient incapables de mener à bien une simple sortie, elle ferait mieux de retourner au QG pour s’entrainer elle-même.

L'ironie du garçon insupporte Blues. Celui-ci ne se rend pas compte à quel point le chef faisait des efforts pour ne pas lui arracher le visage entre deux feux de sang. Ses phalanges se crispent à mesure qu'il tente de calmer le jeu... à sa manière. Il n'a pas envie de déblatérer avec dix milles phrases sorties sa bouche désaltérée. Ses mots sont clairs et sans sous-entendus. Pour le chef éclaireur, Revan parasite et menace son poste. Il est déjà délicat de gérer une équipe d'eshus mais si en plus, un trentenaire jouait les petits rebelles de lycée, Blues n'allait pas faire preuve de sang-froid pendant très longtemps.
Sa cervelle bouillonne d'une envie de violence extrême. Il parle de caprice , il parle de bon petit gars. Il ne savait faire ni l'un et être ni l'autre. Ses tremblements sont démesurés à cause de cet excès d'absurdité. Si seulement il avait fermé sa gueule, pense-t-il. La voix élevée de Mythos n'aide pas mais elle n'empire rien non plus. Une remarque soluble dans les oreilles de Blues car sa rage embryonnaire le rend hermétique à toute situation.

Il n'a pas réfléchi, son poing s'est logé dans la mâchoire de Revan. Son corps est resté droit, seul son bras a volé car Blues sait qu'il va le regretter. Sa pathologie crible et perfore sa raison de milles douilles. Il devait être chef mais actuellement, il en a rien à foutre. Ce garçon ne comprenait rien et il ne pouvait rie faire pour lui. Il le fatigue et Blues n'a plus envie de courber une seule fois ses lèvres pour lui adresser la parole. Il prie pour une seule chose, que sa fureur chute. Ca aurait pu être pire, ça aurait pu être mille fois pire. Et tout ce qu'il prie, à présent, c'est que le fiasco s'annule. Que son collègue prenne du recule car Blues, il n'a pas besoin de diva dans ses rangs.

Le coup parti enfin, pour le plus grand plaisir de Revan et s'écrasa sur son visage, le faisant reculer de quelques pas, légèrement sonné. Le chants des cloches était cependant largement masqué par les trompettes du triomphe qui sonnaient désormais à ses oreilles. Il avait porté le premier coup et prouvé par la même occasion qu'il était incapable non seulement de gérer ses hommes, mais aussi de se contrôler lui-même. Revan n'eut besoin que de quelques secondes pour reprendre ses esprits, puis il revint vers Blue et le poussa violemment à deux mains, l'envoyant par terre, sur les fesses.

-Alors quoi ? T'arrives au bout de ta répartie ? J'espère que tu y a pas mis toutes tes forces, sinon j'ai peur que tu sois aussi faible d'esprit que de corps, lança-t-il d'un ton froid malgré l'amusement que cette situation lui inspirait. T'as rien d'un chef, ni d'un ESHU. Va tenter ta chance chez les CAHO, c'est là-bas qu'on envoie les diminués.

Les autres éclaireurs n'intervenaient pas, mais on sentait monter l'excitation qu'ils ressentaient pour ce qui allait suivre. Tous savaient qu'il n'y avait aucune chance que les choses en restent là après cette ultime insulte et ceux qui n'étaient pas intéressés par le spectacle partaient déjà vers le labyrinthe ou ailleurs, lassés, alors que les autres faisaient changer discrètement quelques écus de main.

Quant à Revan, il faisait le malin, mais le coup qu'il avait reçu lui avait effectivement fait plus mal qu'il ne le montrait. Néanmoins cette douleur excitait la violence des sentiments qu'il éprouvait à l'encontre de chaque joueur de ce jeu maudit et béni à la fois.

Sa main a fendu l'air pour marquer le visage de Revan. Son membre tremblait à l'idée de lui en coller une. Et même si la situation ne s'y prête pas, même si Blues se le répète plusieurs fois, ses phalanges ont claqué la joue de l'éclaireur. A présent, il sait que son rôle de chef est menacé. C'est une trahison implicite car les deux hommes portent la même couleur. Mais seul Dieu sait le hors de contrôle qu'il sait faire preuve. On compte son nombre de meurtres sur deux mains mais sa retenue est digne d'une constellation. Le jeu est l'unique salvateur qu'il connait pour exorciser la furor immiscée dans ses veines violacées. C'est un ultime avertissement. Blues a pris trop de temps pour comprendre à quel point il était face à un con insolent. Avec sa patience, il a perdu son calme et sa diplomatie. Il attend une réaction de la part de l'eshu, un signe comme quoi il a compris la leçon... Mais rien, il empire et bouscule l'Egyptien violemment. Ses coudes, son dos et ses jambes épousent la poussière dans un bruit étouffé. Il faut une millième de seconde à Blues pour qu'il réalise quelles hostilités ont été lancées.
Il se redresse lentement. En silence. Il prend quelques secondes pour épousseter sa tenue du revers de la main. Ses doigts tremblent. Moites, ils en deviendraient rouges toute comme la veine ressortie dans sa nuque. Blues frôle l'explosion. Il s'approche de Revan d'un pas presque las. Est-ce qu'il lui en colle une ou bien  il lui ordonne de voir ailleurs ? Il s'éclaircit la voix. Une dernière menace serait la bienvenue...
Au lieu de ça, le chef serre les dents avant d'émettre un coup de tête vif. Son front s'écrase avec violence contre le nez de Revan.
Il aurait voulu lancer un pic, dire à ce soldat qu'il a de la chance, ce n'est que le nez. Si ça ne tenait qu'à Blues, il lui aurait pété les dents... jusqu'à la dernière afin qu'il puisse fermer sa bouche pour de bon sans le tuer. Mais le chef n'est pas d'humeur à plaisanter. Il n'a pas envie, non plus, de parler avec cet homme. La discussion avec les sourds, il laisse ça aux gens qu'ont rien d'autre à faire.

20/20

Revan observe son chef se relever lentement et s'épousseter, comme ça, comme s'il avait simplement trébuché sur une branche, ou une pierre quelconque. Comme s'il pouvait laver l'affront d'un simple revers de la main sur sa veste. Connor voit ses mains trembler et il sait que ça n'est pas par la peur, mais par la rage, ou bien par l'effort pour dissimuler cette rage. Il s'approche de Revan qui ne lève pas le petit doigt pour s'écarter. Cependant, alors que Revan pensait qu'il allait encore lui offrir une dernière menace creuse pour faire bon genre, il reçu un argument bien plus percutant. Si percutant à vrai dire, que son nez craqua et laissa échapper une gerbe de sang. Inutile de dire que Revan hurla sur le coup de la douleur. L'excuse pour le tuer était là, bien présente et Revan n'allait certainement pas la laisser filer alors que la douleur jetais un voile de rage sur sa vision du monde.

-C'était ta dernière erreur, connard !

Là-dessus, il sortit son couteau de son étui et franchit la distance qui les séparait pour le lui planter entre les côtes, cherchant un point vital et le maintenant debout contre lui juste assez pour lui dire, comme prit par une inspiration sanglante et fanatique :

-Puisses-tu renaître et tuer à ton tour.

Enfin, il le lâcha, le regardant se désintégrer avant même de toucher le sol. La leçon du jour était terminée pour tout le monde. Ils n'avaient plus qu'à se rendre seuls dans le labyrinthe, ou bien à tourner les talons pour rentrer au camp.