entraînement spécial : gone with the shadow
(équipe orobanche) pyrrha & fenrir

Sur la chaîne alimentaire des morts-vivants, l’homme s’était effacé face au prédateur le plus féroce. Entre ces arbres éclaboussés par la mort d’une couleur vermeille, l’âme de Fenrir s’était éteinte au profit de la survie – écho funestement morbide à cet adage auquel Pyrrha s’était toujours accrochée « répands le sang, avant que la vie ne te saigne », Zerekh n’était qu’un fantôme, mais omniprésent sur toutes les surfaces de cette fichue planète. La masse du chasseur s’abattit dans une succession de bruits sourds et de déchiquètements à mesure que le corps ne devint qu’un amas de chair putrides et sans forme, et Pyrrha le laissa faire, non sans être soucieuse de l’état psychologique de son partenaire. Loin d’être dégoûtée par la scène affligeante d’un homme animé par ses besoins primaires, la maître-chimiste patienta silencieusement, aux aguets et la dernière bûche en flammes encore dans sa main aux jointures blanchies par la crispation, prête à réagir en cas de dérapage incontrôlé de Fenrir – quel qu’en soit le sens et l’action. L’épuisement vint à bout de ses dernières résistances, et un éclat de lucidité avala sa folie sanglante dans un lointain souvenir. L’homme s’affaissa, le regard tant hagard qu’alerté par les moindres bruissements de feuilles. « Mieux que toi. » Pyrrha lâcha son bout de bois, désormais éteint dans la poussière et l’hémoglobine au sol, s’approchant doucement de son acolyte pour ne pas le brusquer et déclencher une éventuelle crise de panique. « Deux minutes, pas plus. » L’intonation est bien plus nonchalante que les mots, les mains mises en évidence alors qu’elle s’accroupit devant lui, lui montrant ainsi qu’elle ne lui fera pas plus de mal que les cadavres éclatés autour d’eux. « Je vais regarder ton bras, d’accord ? » Ce n’était pas vraiment une question, elle n’attendait guère un consentement quand ses doigts habiles de chimiste se posèrent sur son bras pour l’examiner précautionneusement. « Je vais pas te mentir, c’est moche. » Clairement, Pyrrha n’avait rien en sa possession pouvant estomper la douleur ou désinfecter la plaie. « Généralement, dans les films de zombies, ils amputent en cas d’infection. » Mais est-ce que cela valait-il vraiment la peine dans ce jeu à la réalité si perturbante ? « Il existe une plante dans la forêt qui n’éclot qu’à la nuit tombée et qui permet la cicatrisation des tissus endommagés. Elle est assez rare mais ce n’est pas impossible de la trouver. » La maître-chimiste se redressa, se délesta de son écharpe et la déchira en plusieurs lambeaux et en imbiba quelques-uns de l’eau qu’ils avaient récolté durant leur périple. « Laisse-toi faire. » Elle en posa un à côté de Fenrir afin qu’il puisse nettoyer le sang dont il était recouvert, et s’attela à nettoyer du mieux possible sa blessure avant de bander sommairement sans bras dans un autre morceau de tissu. La jeune femme réitéra l’opération à son propre égard, nettoyant son écorchure au bras et bandant son pied retenu captif des griffes du macchabée – aucune blessure grave à déclarer. Enfin, elle se débarbouilla la moindre parcelle de peau avec acharnement, tentant vainement d’estomper l’odeur nauséabonde dont leurs vêtements étaient désormais imprégnés.  

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La fougue de la méfiance sembla s’estomper dans son esprit, l’océan de son regard retrouva le calme d’après-tempête, et le chasseur s’apaisa sous les gestes méticuleux de sa camarade. La même esquisse flottant sur ses lippes trouva écho en la jeune, mais bien tristement. « Ne deviens pas comme eux. » Si elle laissait sous-entendre une supplication clémente, elle en pensait tout autre chose. Pyrrha possédait une certaine force : celle de survivre aux maux de son existence, pas de devoir combattre des morts-vivants. Elle n’avait d’endurant, que la vie dans la rue et la mafia, pas d’exterminer à mains nues des êtres humanoïde. S’ils rencontraient d’autres difficultés, sans ses lames et ses poisons, la maître-chimiste se sentait bien faible et sans défense. Or, leur mauvaise expérience reflétait une véhémence bien tapie en son être, une hargne à l’égard de la vie et de la mort bien singulière – une aisance à exterminer des créatures putrides. Et il en aurait été certainement de même à l’égard d’un simple humain. La jeune femme était un fléau de l’humanité, de son humanité.

Laissant de l’intimité et du calme à Fenrir, Pyrrha s’éloigna pour s’occuper de ses propres affaires, prenant le temps de rallumer le feu de camp grâce aux braises encore chatoyantes. Les sens perdues dans les flammes, convoitées d’un regard dangereusement avide, l’homme la sauva de ses tourments en exposant sans plan, et la démence de la pyromane s’évapora tout aussi rapidement qu’elle avait germé. « On ne va pas faire que trouver cette plante. » La carte trouvée dans le bureau d’Isaÿr lui revint subitement en mémoire, ils en étaient désormais bien proches, après leur longue marche des derniers jours. « On va trouver l’arbre. » Pyrrha regardait bien au-delà du rétablissement de son partenaire, dans ce profond désintérêt pour l’être humain qui lui était si caractéristique – elle avançait pour leur objectif. Et pour le refus d’échouer, tomber ayant toujours été synonyme de mort dans son monde.

Faisant glisser entre ses doigts le misérable stylo qu’on lui avait octroyé, Pyrrha observa le ciel de leur funeste tombeau emplis de cadavres aux morceaux éparpillés, attendant que la voûte céleste se couvre des couleurs du crépuscule. Le pauvre repas avait été sans saveur, l’odorat et les papilles de la maître-chimiste obstruées par la saveur de l’hémoglobine et l’odeur de la chair en décomposition. À la nuit tombée, les deux verts reprirent le chemin de leur périple, Pyrrha autant à l’affût au sol pour trouver la fameuse plante, qu’en l’air pour ne pas manquer l’arbre de Greyback. Espérant sincèrement de pas rencontrer d’autres macchabées sur la route.

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Un brouillard humide commençait à s’épaissir à leurs pieds alors qu’ils glissaient entre les arbres depuis une bonne heure, l’attention pointilleuse sur le moindre détail. Si Pyrrha avait été quelque peu incommodée par sa légère blessure au pied pour marcher normalement, elle s’y était habituée à présent et ne ressentait qu’une sorte de gêne comme un caillou dans une chaussure. L’évidence s’imposa à eux comme un phare dans les ténèbres ; là, au milieu de ces multiples troncs, siégeait sur son piédestal la plus haute cime de son royaume. Ils ne pouvaient pas douter sur l’identité de cet arbre qui dominait la forêt ; et, d’en bas, ils pouvaient avoir l’impression qu’il s’élevait jusqu’à la voûte céleste. « Aucun doute. » Cela étant, cette apparition ne leur en apprenait guère plus sur l’histoire de Greyback à cet égard.

Ce fut d’une toute autre apparition que l’esprit de Pyrrha s’accapara en un clin d’œil. Captivés par les cieux, ils en avaient délaissé le brouillard étendu au sol – en ignorant la lueur qui s’agitait au pied du grand arbre. « Fenrir. » En quelques pas rapides, elle le dépassa et s’en alla s’accroupir pour ainsi dire presque sous son nez pour ramasser une fleur phosphorescente. Sourcil arqué et rictus sur les lèvres, elle se retourna vers lui avec cet inquiétant air de victoire propre à la maître-chimiste. « Réglons notre premier problème avant de s’attaquer au suivant. Enlève le bandage sur ton bras. » La blessure du chasseur clairement sous-entendue comme handicapante pour l’ensemble de l’équipe, Pyrrha s’affaira à presser l’heliopsis laevis entre deux grandes feuilles rendues humides par l’atmosphère avant de l’étaler sur le bras abîmé de son coéquipier. Une bonne partie de la mixture y passa, tandis qu’elle rangea le reste dans l’emballage de la pauvre barre protéinée qu’on lui avait octroyée à leur départ – laissant ses propres égratignures en reste. Elle partagea la collation bien maigre en deux pour en donner une part à Fenrir, puis se posta au pied de l’énorme tronc. Dépitée. « Tu as déjà escaladé un truc pareil ? » Elle-même n'avait pour seule compétence, que la corde dans son sac.

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La cicatrisation fit son effet très rapidement et, quelque part au plus profond d’elle, même si cela lui coûterait trop de l’admettre, elle s’en réjouissait. Pour lui, pour leur équipe, qu’importait, il allait survivre et Isaÿr ne pourra pas lui en vouloir d’avoir laisser un membre des verts derrière elle. Cet entraînement si particulier ne l’était pas seulement pour le développement de leurs compétences et la fierté de l’équipe, il était pour elle-même une épreuve compliquée dans la mesure où elle devait faire fît de ses a priori et de son indépendantisme pour agir en symbiose avec un autre joueur. Autre jouer dont, ceci dit en passant, elle ne soupçonnait pour l’instant pas la moindre de ses manigances à son égard.

Pendant que le chasseur examinait l’arbre majestueux, la voix de leur capitaine résonna dans le talkie-walkie. Une esquisse glissa furtivement sur les lèvres de la gaia, amusée par l’inquiétude d’Isaÿr – elle ne s’était guère étonnée de cette intervention, tant la jeune chef les considérait tous comme sa famille. Elle attrapa rapidement l’objet pour répondre calmement, sous-entendant à tout le monde par la même occasion que leur équipe était en pleine forme. Un bien grand mot si l’on considérait la débâcle avec les trois macchabées quelques heures plus tôt et la situation délicate dans laquelle ils s’étaient trouvés. Heureusement pour eux, et surtout pour Fenrir, cette équipe avait l’atout de posséder la maître-chimiste.  

Les paroles du chasseur la sortirent bien rapidement de ses pensées et de sa contemplation désabusée de l’arbre de Greyback, et elle le contourna avec lui pour observer ses premiers pas dans une ascension qui se voulait quelque peu incertaine. Évidemment, Pyrrha tiqua à la question à la fois cohérente et déplacée de son coéquipier, surtout par fierté personnelle. « Je te suis. » Elle se hissa à sa suite, non sans quelques difficultés – d’autant plus avec le poids de son sac contenant la corde. « Si tu tombes sur un zombie coincé dans les branches pour je-ne-sais-quelle-raison, tu vas avoir besoin de moi. » Il lui fallait juste trouver ses marques, Pyrrha était adaptable à toute situation ; il lui paraissait tout simplement impensable de rester en bas et d’attendre. « Je monte avec la corde, on sait jamais. Au pire, on l’utilisera pour redescendre. »

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La remarque resta suspendue dans les airs, sans que la maître-chimiste n’y apporte une réponse, mais à l’idée que les zombies puissent être capables d’escalader les arbres – après tout, les développeurs présentaient une imagination assez débordante et tordue – un frisson lui parcourut l’échine, jusqu’à lui hérisser les poils. Pyrrha n’appréciait guère d’envisager une nouvelle altercation avec des macchabés, elle n’en pouvait définitivement plus de foutu fléau. Au sol, sans ses armes habituelles, elle avait éprouvé de grandes difficultés à se défendre tout en assurant la survie de son équipier. Dans les arbres, elle n’osait guère envisager cette perspective – elle n’était pas vraiment certaine de l’ascension par ses propres moyens, pour commencer.

Suivre le chasseur dans ses traces sembla lui faciliter la grimpe de l’immense arbre, tant le joueur lui traçait le chemin qu’elle n’avait qu’à se résoudre à suivre sans poser de questions, et tant l’enchevêtrement de branches autour de l’imposant troncs offraient des prises solides naturelles. Consciente des difficultés passagères que pouvaient rencontrer Fenrir en raison de la blessure de son bras, bien que globalement cicatrisée, la jeune femme ne le pressa pas et resta silencieuse dans son ombre. Assez préoccupée à observer l’environnement, aveuglée par la végétation et préoccupée par une arrivée impromptue de morts-vivants ou d’autres dangers, Pyrrha se targua bien de râler sous l’effort.

L’ascension lui sembla s’étendre dans l’éternité, avant qu’elle ne remarque l’objet auquel son acolyte fit allusion simultanément. La maître-chimiste grimpa une nouvelle fois pour suivre son cheminement, gardant néanmoins une distance de sécurité ; pour une fois, elle ne masqua pas la perplexité ayant imprégné les traits de son visage fatigué. « Non, vraiment … Tout ça, pour un tshirt ? » Soupirant, Pyrrha s’assit tant bien que mal sur sa branche afin de se reposer quelques secondes, réprimant de dégainer son talkie-walkie pour y exprimer son agacement et sa frustration. Par chance, ni les zombies ni l’ascension de cet arbre ne lui avaient ôté de vie – pour l’instant – mais elle aurait été tellement dégoûter de descendre son compteur d’espérance pour un simple bout de tissu. « Bon, eh bien le fameux Greyback possède un tshirt désormais. » Elle n’était plus certaine de vouloir en connaître l’identité, se laissant le chemin du retour pour ruminer et ainsi poser la question à Isaÿr une fois sa flegme légère retrouvée.

Pyrrha se redressa et passa son sac par-dessus son épaule pour l’apposer contre sa poitrine afin d’en sortir la corde plus facilement. « Une descente rapide, ça te dit ? » Elle avait terriblement envie de laisser cette aventure derrière elle, quitte à laisser le chasseur derrière elle également.