POURQUOI VOTRE PERSONNAGE-A-T-IL COMMENCÉ À JOUER AU DARWIN'S GAME ? Siobhan a tenu. 3 jours. Le premier, elle se disait que tout ça n'était qu'un effet de mode, et qu'il s'éteindrait à la moindre brise d'une nouveauté similaire. Le second, elle s'est posé des questions. Qu'était-ce ? En quoi cela consistait ? Pourquoi tant de popularité ? Les gens autour d'elle disaient que l'expérience était indescriptible. Ses proches cédaient, sans se soucier des conséquences. Le troisième jour, elle est restée longtemps, très longtemps, devant la page d'inscription. Elle regardait le logo et se demandait si elle faisait le bon choix. L'avenir lui dirait que oui. Ou non. Un peu les deux. Quoi qu'il en fut, elle cliqua, elle entra son pseudo, elle s'incrusta dans le jeu comme tous les autres. Par curiosité, principalement. Puis, comme la totalité des joueurs, par obsession.

QU'EST-CE QUI A CHANGÉ CHEZ LUI DEPUIS SON INSCRIPTION ? Au début, Madame ne jouait que gentiment. Être sociable. Apprendre à connaître. Avoir de la compassion. Rester juste et pacifique. Puis, elle se fit tuer. Une fois. Deux fois. Trois fois. Trop de fois. La leçon fut vite apprise. Elle devint l'inverse : injuste, violente, gratuite, fière, plus joueuse que jamais. ça marchait mieux. C'était plus drôle. Plus d'adrénaline. Plus de vies prises = plus de sécurité. L'équation est vite résolue. Les répercussions dans le jeu étaient déjà énormes. Dans la vie réelle, ce fut pire. Elle commença à avoir des poussées violentes, à trop se prendre pour la plus forte, on se brise les ailes. Elle prit des cours de combat. Pour se défendre, soi-disant, après des agressions qu'elle avait elle-même engendrées. Elle devint susceptible. N'importe qui se montrant trop fier était une cible facile pour sa colère immense. La colère de ne pas être aussi libre que dans le jeu. La colère de ne pouvoir coucher personne sur le sol, pour s'en débarrasser simplement. Réduire au silence. Se venger.

COMMENT VOTRE PERSONNAGE RÉAGIT-IL A TOUT CE QUI SE PASSE A CHICAGO ET DANS LE MONDE ? Elle s'en fout, du reste du monde. La seule chose qui importe, c'est son gagne-pain, et son personnage dans le jeu. Evidemment, elle fait mine de ne pas comprendre, d'être une vieille ignorante qui ne comprend rien à l'informatique. Mais c'est faux, évidemment. Elle cache bien son jeu, la rouquine. Alors, lors des manifestations, elle demeura dans sa cage, en silence, sans rien dire. Elle emprisonna son esprit rebelle pour éviter de martyriser chacun des membres de cette foutue manif'. Elle se fustigea intérieurement pour ne pas répliquer à ceux qui lui demandaient de se joindre à eux. Parce que Madame ne tient pas à tâcher sa réputation. C'est ça, n'est-ce pas, d'être propriétaire d'un lieu centré sur l'art. C'est ça de prospérer dans un domaine qui s'éteint. On se tait, on n'a pas d'avis, on fait mine d'être d'accord avec tout le monde, ou de n'avoir pas d'avis du tout. Mais dans sa tête, le Darwin's Game, c'est sa seconde vie. C'est son équipe. C'est sa patrie, sa fratrie. C'est ce qu'elle aime être, c'est la sombre part d'elle-même, c'est son défouloir. Elle comprend les gens qui pètent les plombs et qui se prennent pour des prophètes dans la réalité. Elle comprend ceux qui se perdent. Il y a des jours où elle se perd elle-même. Pourquoi les blâmer ? Il faut blâmer les créateurs. Il faut blâmer l'unification. Il faut blâmer les réseaux, les journaux, la publicité. Il faut blâmer ce qui a fait de ce jeu un succès planétaire. Parce que l'Homme est faible, il succombe à ce qu'on lui sous-entend de succomber. Ceux qu'il faut blâmer, ce sont ces crétins qui ont dit un jour que le jeu était merveilleux, et qui, le lendemain, ont clamé le danger qu'il représentait. Alors pourquoi prendre part à ce combat qui n'aura pas de fin ? Pourquoi se fatiguer, quand il n'y a aucune issue ? Siobhan ne cherche plus à comprendre. Elle vit dans l'illégalité du jeu, et tant pis. Elle vit comme ça parce qu'on la pousse à le faire. Parce qu'on ne peut pas faire autrement. Parce que les thérapies anti-jeu ne servent à rien à part frustrer encore plus. Parce que le jeu est comme l'alcool, la rogue ou la clope. Parce qu'il n'existe pas de médicament pour stopper l'obsession. Parce que les conneries bidons de la télévision ont fini de nous atteindre. Parce que ce que disent les médias, ça n'a plus d'importance depuis des années. On ne lit plus le journal, on ne regarde plus réellement les infos, on ne suit pas l'actu. Parce qu'on s'en fout, du global, du planétaire. La seule chose qui importe, c'est être à la pointe. C'est être à la mode. C'est faire partie du jeu.

QUELLE EST SA RELATION A SA TEAM AU SEIN DU JEU ? La team. A la base, dans un jeu, la team, on s'en fout. Bien sûr, on s'y attache, on en connaît chaque membre. On dit au revoir aux plus vieux, on vire les plus cons, on accueille les nouveaux. On dit bon anniversaire, comme si tout le monde connaissait la date exacte. On pose des questions sans retenir les réponses. Au début, ouais, c'était ça. Elle était là, au milieu de tout ce petit monde, à encourager sans le penser, à médire sans le penser, à promettre sans le penser. Mais la team, dans ce jeu-là, ce n'est pas pareil. Non, on s'y attache. On finit par connaitre tous les noms, tous les visages. On finit par pleurer les morts, par haïr les cons, par apprécier les nouveaux. On se souvient de tous les anniversaires, on offre même des cadeaux virtuels. On pose des questions et on retient. Au final, c'est à la vie à la mort. Qu'on soit coincé là par choix ou par obligation, on se serre les coudes. On agit pour la communauté, on fait comme elle, on pense comme elle. On devient une ouvrière dans la fourmilière. Au début du jeu, Siobhan n'avait pas l'ambition d'être davantage que la petite fourmi. C'est lorsque le jeu est devenu sa vie qu'elle a eu, l'espace d'un instant, le déclic. Pourquoi se satisfaire d'une place parmi tant d'autres ? Oh, oui, Siobhan estime chacun des membres, à leur échelle. Mais elle estime aussi qu'elle peut gravir les échelons à vitesse grand V. Madame est devenue Chef des Espions au sein de sa team, par un dur labeur qui prit des mois. Il faut obtenir la confiance du chef, la confiance de chaque membre, pour devenir cette personne qui rapporte des secrets. Car c'est elle qui a, parfois, les clés de la victoire. Elle a accompli des missions difficiles, elle a fait des choses qu'elle pourrait regretter, pour atteindre cet objectif. Mais tout ceci a porté ses fruits.