Banalité du temps, des coups de fils qui s’enchaînent. De ces sourires qui s’accrochent à ses lèvres, vides de sens et d’intérêt mais qui lui vont si bien au teint. La merveilleuse histoire du rien de la vie d’une petite blonde dans un hall d’entrée. Tous pareils, tous vides, tous nuls. Elle se distrait avec le cliquetis des touches du clavier sous ses doigts, fixe à s’en péter les rétines son écran en crevant d’envie d’aller faire un tour du côté du Darwin’s Game. Pour se changer les idées, juste se connecter avec l’espoir de croiser la route de son crétin préféré. S’apaiser les nerfs en lui tapant dessus, contempler pour naze qu’elle-même le temps de quelques minutes. Le meilleur moment de sa journée. Elle en vient même à espérer qu’il sera là, comme un con à faire le poireau devant la porte de son immeuble. Le piment de sa journée morne, comme une cerise trop sucrée sur un gâteau bourré de crème. Petite blonde qui trépigne comme une gamine sur sa chaise, frappant sur la mauvaise touche, et qui jette un coup d’œil pétillant à l’horloge au bas de son écran. L’heure la fait déchanter, et c’est avec une bouille aussi morne que celle d’un zombie déterré depuis trop longtemps que Luna se remet à accomplir son œuvre, dans un soupir aussi énorme que le pot de fleur vide qui lui fait face. Ses bébés lui manquent, c’est un fait indiscutable.

Elle s’extirpe de la normalité de son monde à la manière d’un chat sortant de sa sieste au soleil, s’étire à n’en plus finir et s’empresse d’achever son petit rituel avant de quitter son poste. Claquer de ces talons trop hauts pour elle sur le sol miteux de la rue, enchaîner les boyaux goudronnés d’une affligeante morosité pour finalement apercevoir la silhouette familière de son immeuble décrépi. Ce quartier sud que personne n’affectionne, le côté crade de la ville et Luna qui aime ces rues délavées et ces clodos qui traînent des pieds, le cul de leur bouteille vide raclant le sol à chaque pas. Sa mélodie du bonheur, même si pour d’autres, elle est synonyme de haut le cœur et de nausée. Détourner les yeux, serrer les fesses et se dépêcher d’aller voir ailleurs si le béton est plus reluisant. Luna, elle se dépêche de retourner se perdre dans son univers, son petit taudis et ses bébés plantes qu’elle prend le temps d’admirer comme une mère inspecte sa marmaille au retour de l’école. De la tendresse dans les yeux et dans les gestes. Oublie l’infime déception de ne pas avoir trouvé de rouquin casse-pied sur son palier. Pour ensuite se changer à la hâte, et poser avec délicatesse son derrière sur sa chaise, droite devant son écran et les doigts qui volent sur le clavier jusqu’à l’instant fatidique où son décor devient brouillon. L’éphémère de son monde qui vacille et cède sa place à un autre univers beaucoup plus attirant. La poupée blonde figée devant son écran, ce spectacle ridicule que chaque joueur laisse derrière lui, l’amorphe contemplant un écran sans ciller, à s’en faire pleurer les yeux.

Vomie des entrailles d’une mécanique bien rôdée, elle se retrouve rejetée dans les entrailles de sa forêt bien-aimée. La petite éclaireur qui reste un moment plantée là, à battre des cils pour mieux faire entrer les nuances de verts dans ses pupilles, la chlorophylle pour colorer ses yeux. Elle inspire, cet air frais qui lui brûle les poumons, et un sourire ravi aux lèvres, Luna se met en route. Effleure du bout des pieds les fibres d’herbe comme si elle craignait de les écraser. Dans sa prudence, Luna en oublie le reste du décor et piteusement, elle écrase sous sa semelle une branche sèche venue se glisser sur le sol. Ca craque sous les feuilles, et elle se sent affreusement stupide, retient son souffle en redoutant l’invasion soudaine d’ennemis ou de bestioles sanguinaires. Rien ne vient, seulement les battements de son cœur qui lui explosent les tympans. Gênée par ce contre temps, la blondinette s’écarte de sa route inutile les yeux rivés vers la maudite branche, mécontente. Pour alors se retrouver face à une silhouette, prête à attaquer. Tignasse familière, Luna n’a pas à farfouiller dans sa mémoire pour retrouver le nom de celle qui lui fait face. « - On attaque les membres de son équipe maintenant ? » Lâche-t-elle taquine, un joli sourire collé sur ses lippes. L’amie qui lui veut du bien, ici comme en dehors du domaine digital.