Ruben Maxwell Simmoes. Selon tes proches, tu es ce qui se rapproche le plus d’un ange sur cette planète. Quand tu te regardes dans le miroir, tu te souris timidement, en te disant vraiment que non, tu n’es pas un ange, tu ne seras jamais un ange, pas après tout ce que tu as vécu, par après tout ce que tu aies fait in game. Tu te dégoûtes peut-être un peu, mais tu n’as jamais eu peur de ça, du sang, de voir les autres souffrir, c’est seulement quand toi tu souffres que tu aies peur en réalité. Pourtant, tu es toujours là pour ceux qui en ont besoin, c’est comme une seconde nature, tu es peut-être un saint qui expie ses fautes au fond ? Il faudrait déjà que tu sois croyant, un jour tu iras à l’église et tu parleras à ce prêtre qui lui aussi ne t’écouteras surement pas, vu qu’il tuera lui aussi des gens dans ce foutu jeu. Pour toi la création de cette chose est sans doute une libération, un salut. T’avais besoin d’extérioriser, encore plus, encore plus qu’en arrachant presque la tête d’un mannequin de boxe anglaise, encore plus que tout ça, parce qu‘au fond t’es une tornade qui n’attend rien de plus que de se déchaîner avec force, avec puissance, avec tout le mal du monde à la faire néanmoins.

Dans ce jeu, tu as trouvé une sorte d’échappatoire, un petit trou de lumière, faire semblant d’aller bien c’est cool n’est-ce pas ? Toi t’es juste un gars qui se mutile, comme ça, parce qu’il aime bien, mais pas aussi voyant que les poignets, non, toi ce que tu aimes, c’est avoir mal aux jambes, pour qu’elles te lâchent, pour qu’elles montrent que t’es juste un putain de faible, tes jambes après tes viols combien de fois elles t’ont lâchées ces traîtresses ? Maintenant tu te venges, elles n'avaient qu’à être plus forte ces putes ! Tu soupirs et porte ton sac, tu es tombé en duo avec une fille, plutôt jolie, une certaine Carla, ou Clara, tu sais plus vraiment, mais en tout cas, elle a l’air d’être de ces filles blindés de tunes et qui le montrent. Ne t'aime pas ces filles, tu te demandes même pourquoi elles jouent de ça pour séduire, à quoi ça leur sert en vrai ? Tu ne captes pas, tu n'as pas compris non plus le pourquoi du comment quand elle a pris ton bras et t’a dit que vous iriez chez elle pour travailler. Pardon ? Et sinon la drogue elle te la fait ingurgiter quand ? Avant ou après t’avoir forcé à la prendre ? « Je ne suis pas certain que ça soit une bonne idée… » Tu retiens ton souffle, t’as peur de te prendre une claque un peu.

« Ferme là et stresse pas, Mon Frère est cool tu vas voir. » Tu t’étouffes presque, maintenant il est question de frère ? Tu comprends plus rien à ta vie et en vrai t’es pas sûr de vouloir comprendre ce qui se passe. T’as sans doute l’air un peu misérable et paumé, et dire que si t’étais dans le jeu, cette fille aurait déjà la main tranchée. Tu es docile, tu ne la frappe pas, tu ne réagis plus et quand la porte se claque derrière toi tu reprends contenance. « T'es certaine que… » T’as zappé son prénom tu ne peux pas l’appeler. Mais, là, ton regard tombe sur un mec, un Apollon, t’a l’impression que ton nez va se mettre à saigner. Ta bouche s’ouvre et tes yeux brillent d’un coup. Merde quoi, c’est un putain de mec. « Ruben, je te présente Alessio ! Mon frère ! Il est cool, mais il ne parle pas beaucoup anglais. » Ah. Est-ce que c’était normal que ce prénom sonne aussi sexy à tes oreilles ? Putain tu te perds Ruben, tu te perds. Tu rougis et tu baisses la tête, n’osant même pas dire bonjour à ce mec qui semble venir tout droit de tes fantasmes. La brune te présente et tu te mords la lèvre, c’est normal que tu sois rouge des joues aux oreilles ?

Je n'étais pas allé au travail aujourd'hui, est-ce que je travaillais encore de toute façon ? De temps en temps je faisais des apparitions, histoire de prouver que je n'étais pas mort et que j'existais bien, mais la plupart du temps je restais enfermé, je ne le cachais même plus à mes sœurs, de toute façon elles, tant qu'elles avaient ce qu'elles voulaient que je l'ai payé ou volé elles s'en foutaient, ces sales garces, parfois j'en venais à les haïr, à me dire que si je les croisais dans le jeu je les tuerais sans pitié, même si c'était contre ma nature, parfois je devenais complètement fou ouais, c'est le cas de le dire.

J'étais assis à la table de la cuisine en train de dessiner quand j'entendis la porte claquer et des bruits de voix parlant anglais, je ne relevais même pas la tête, je n'avais pas envie d'essayer de comprendre ce qui se racontait, je préférais largement me concentrer sur ce que je faisais. J'avais toujours eu un talent pour le dessin, pour les arts martiaux aussi mais c'était autre chose, quand j'étais môme j'avais dit que je ferai une école d'art, et puis finalement tout s'était écroulé autour de moi et j'étais juste un putain de talent gâché qui gribouillait vaguement sur une feuille, dans la cuisine d'un appartement pourri, c'était lamentable, cette direction qu'avait pris ma vie.

C'est la voix de ma sœur qui me sortit de mes pensées, cette fois en espagnol, je n'avais plus la moindre excuse pour l'ignorer alors je relevai la tête vers elle, mais mes yeux furent attirés, non pas par Carla, mais par le mec qui l'accompagnait, Ruben donc. Il était mignon c'était indéniable, mais ce n'était pas ça qui m'avait marqué en premier, c'était son regard alors qu'il me fixait, j'avais l'impression...D'exister, ouais c'était con mais j'avais l'impression qu'il me regardait vraiment, qu'il me voyait, et quand on a l'habitude d'être juste un objet, un instrument pour les autres, c'est déjà un miracle en soi. J’entrouvrais la bouche, cherchant mes mots...Comment on faisait pour parler déjà ? C'était quoi la phrase anglaise correcte ? Bordel, j'aurais tout donné pour que Lola soit là, en train de me souffler les mots.

« Salut Ruben »

Je lui adressai un petit sourire avant de me tourner vers Carla et d'enchaîner en espagnol , lui demandant pourquoi elle avait ramené quelqu'un ici, qui il était, enfin les questions habituelles. Mais j'aurais dû m'en douter, elle ne répondit pas, haussant simplement les épaules avant de sortir de l'appartement, un petit bruit m'indiquant qu'elle avait verrouillé la porte derrière elle. Bordel c'était quoi ce plan encore ?
Je reposai mon crayon sur la table, me levant pour aller me laver les mains, j'étais forcé de remonter mes manches pour ça mais tant pis, il osait à peine me regarder, il n'allait pas fixer mes bras.
Après avoir fini je me tournai vers lui, essayant de parler anglais, heureusement que je m'étais un peu amélioré quand même.

« Désolé pour ma sœur, elle est spéciale. Tu parles espagnol ? »

Ça m'arrangerait parce que quitte à être enfermé ensemble j'aimerai bien ne pas passer trois heures entre chaque phrase pour trouver mes mots.

J'allais la tuer, c'était une promesse que je me faisais, à l'instant même où elle rentrerait j'allais égorger Carla de mes propres mains, ou lui briser la nuque.
Je ne comprenais même pas ce qui lui était passé par la tête, ramener un mec de sa classe passait encore, j'étais assez asocial et en général je refusais que mes sœurs ramènent des amis mais si c'était pour un exposé je faisais des exceptions, mais nous enfermer seul tous les deux dans l'appartement avec ce même camarade de classe? Sérieusement ? Pourquoi ?
C'était ce que je cherchais à comprendre, pourquoi elle avait fait ça.

En attendant, alors que je me retournais le cerveau dans tous les sens pour essayer de comprendre le geste de Carla, Ruben, avait toujours l'air aussi gêné qu'à son arrivée, et complètement angoissé, dans un sens je le comprenais c'était vraiment bizarre comme situation, il devait s'imaginer tous les scenario possibles, peut être même qu'il avait peur de moi qui sait ? Avec ma veste en cuir que je portais quotidiennement pour cacher mes bras, et mes cernes de plus en plus marquées, je ne devais pas avoir l'air du mec le plus sympa au monde et je doutais que mes sourires y changent quelque chose.

Je l'observais du coin de l’œil, il était vraiment mignon quand même, fragile, j'avais envie de le prendre dans mes bras et de le rassurer mais c'était exclu, je détestais le contact physique, même une simple poignée de main me donnait envie de vomir, c'était probablement dû au dégoût de mon propre corps, ou alors à mon éducation, les câlins n'étant pas vraiment le genre de la maison.
Je soupirais et pris place sur la table en face de Ruben, oui sur la table, après tout j'étais chez moi, je faisais encore ce que je voulais, avant de lui demander si il parlait espagnol, ce serait toujours plus simple pour communiquer, sinon tant pis, j'allais faire l'effort de m'exprimer en anglais.
J'avais fait de gros progrès, j'étais parfaitement capable de parler, même si j'avais un accent assez prononcé, mais je continuais de faire un blocage sur cette langue.
Ce pays m'avait pris ma mère et condamné à une vie misérable, rejeter sa langue était la seule chose que je pouvais encore faire pour me rebeller et montrer que je n'étais pas devenu une véritable victime qui encaissait tout en silence.

« C'est pas grave...Je vais parler anglais, je le fais pas souvent mais je peux bien faire un effort pour toi »

Aless, on dirait que tu le dragues là t'en as conscience ?
Je rougis, ce n'étais pas le but de la manœuvre à la base, mais ce gamin était tellement beau, tellement pur, tellement idéal que j'avais du mal à ne pas le dévorer du regard et que les mots sortaient de ma bouche sans mon consentement.

«Je suis vraiment désolé pour ce que Carla vient de faire. En tout cas flippe pas, je vais pas te faire de mal »

Je tenais vraiment à le rassurer là dessus, je n'avais jamais aimé voir les gens paniquer devant moi, je n'avais jamais aimé me sentir impuissant.

« T'as quel âge Ruben ? »

Parce que quitte à rester enfermés, autant tenter de sociabiliser un peu.

Récapitulons la situation, j'étais enfermé dans mon propre appartement, à cause de ma sœur, avec un mec que je ne connaissais pas mais qui était tellement mignon que je n'arrêtais pas de dire n'importe quoi, et même de le draguer sans le faire exprès, dans le genre situation gênante on pouvait difficilement faire pire, surtout que Ruben était au moins aussi gêné que moi, voire même apeuré.

En même temps il fallait le comprendre, la situation devait être bizarre de son point de vue, entraîné de force dans un appartement par une fille de sa classe, puis enfermé à l'intérieur de ce même appartement en compagnie d'un mec qui avait l'air tout sauf clean. Il y avait de quoi flipper et s'imaginer les pires scenario, alors tout de suite je le rassurais, lui disant que je n'allais pas lui faire de mal, ce qui était vrai, vu mon aversion pour les contacts physiques, je n'allais pas me risquer à approcher plus que je ne l'étais déjà, il pouvait donc être rassuré pour ses doigts.
Je lui adressai à mon tour mon plus beau sourire et j'avais l'impression que ça faisait bien longtemps que ça ne m'était pas arrivé.

«Promis Ruben »

J'adorais prononcer son prénom, ça me rappelait mon pays, je le prononçais avec mon accent andalous marqué au maximum et j'avais presque l'impression de me retrouver chez moi, à l'époque où tout allait bien, à l'époque où mon père était là, l'époque où on était déjà pauvres mais où on était aimés, mais surtout l'époque, où on n'était pas orphelins.

« Y a même quasiment aucune chance que je m'approche plus que je ne le suis déjà, t'as vraiment rien à craindre de moi. »

Je l'écoutais répondre à la question que je lui avais posé. Il avait dix-sept ans, c'est tout ? C'était encore un bébé, sept ans de différence c'était énorme et pourtant...Pourtant j'avais envie de me jeter sur ses lèvres...Est-ce que c'était mal ? Assurément. Est-ce que je pouvais y changer quelque chose ? Absolument pas. Alors je faisais de mon mieux pour cacher le désir que je ressentais, même si je continuais de le dévorer des yeux, moi qui d'habitude ne fixait jamais les gens plus de quelques secondes avant de baisser maladroitement les yeux sur mes chaussures.

« Dis. Tu aimes la musique ? »

Un autre sourire se dessina sur mes lèvres, c'était drôle qu'il me demande ça, alors que depuis quelques temps à chaque fois que je me sentais mal, que je me sentais sur le point de craquer et de faire une connerie irréversible, j'allais trouver refuge chez un disquaire.

« J'adore ça, c'est ce qui m'aide, les jours où ça va pas »

C'était une réponse pudique, mais de toute façon j'avais les manches relevées depuis tout à l'heure, alors au point où j'en étais.
C'était agréable pour une fois, d'avoir juste une discussion avec quelqu'un sans paniquer ou tenter de fuir. Si je n'avais pas eu autant envie de lui arracher ses vêtements, ça aurait presque été parfait.

Si au départ, lorsque j'avais entendu la porte se verrouiller, j'avais maudis Carla et décidé de l'assassiner, finalement plus le temps passait et plus je revenais sur ma décision, j'allais peut être la remercier plutôt.

Non seulement, le mec qu'elle avait ramené, Ruben, était la première personne depuis longtemps avec qui je me sentais à l'aise, avec qui j'arrivais à communiquer sans paniquer mais surtout, c'était la première personne depuis des années qui m'attirait à ce point.

Oui, attirer, je n'avais pas peur de reconnaître les choses, tout comme je n'avais jamais eu peur d'être attiré par les hommes. J'aimais les hommes et les femmes c'était aussi simple que ça.
Pour moi ça avait été une évidence toute ma vie, même si pour mon père c'était très loin d'en être une, alors là bas, en Espagne j'avais passé mon temps à le rassurer, enchaînant les conquêtes éphémères avec des filles dont je me foutais, si ça pouvait lui faire plaisir après tout...

Mais aujourd'hui il n'était plus là et j'avais ce qui semblait être l'homme de mes rêves en face de moi, alors...qu'est ce que j'attendais ?
Plus  je le regardais et plus j'avais envie de m'approcher de lui, de le prendre dans mes bras, peut être même de l'embrasser...seulement, lui comme moi avions peur du contact physique, peur de la proximité, c'était problématique...Comment faire ?

Je secouai la tête discrètement, m'arrachant à mes pensées et lui confirmai que oui, j'aimais la musique, lui confiant même que c'était à peu près la seule chose qui m'aidait quand ça n'allait pas...
Quand ça n'allait pas, doux euphémisme, ça n'allait jamais, disons plutôt quand les choses devenaient encore plus insupportables pour moi ici.
Il se mordit les lèvres avant de prendre sa guitare et de commencer à jouer, il jouait bien, il avait une magnifique voix, mais ce n'était pas ça qui m'avait marqué en premier, non, c'était les paroles.

Est-ce qu'il avait conscience de ce qu'il chantait exactement ?
Bon, vu qu'il m'avait dit qu'il ne parlait qu'un espagnol scolaire ça m'étonnerait fortement, ce genre de vocabulaire, ce n'est pas vraiment ce qu'on apprend à des adolescents en cours, mais si je m'en fiais aux petits sourires qu'il me lançait, même si il ne comprenait pas exactement les paroles, il avait au moins compris le ton de la chanson et ça commençait à vraiment être compliqué pour moi de ne pas me lever de cette table pour me jeter sur ses lèvres, bordel, un tel mélange d'innocence et de sexy ça ne devrait pas être autorisé.

Finalement il s'arrêta et un rire lui échappa, c'était peut être parce que j'avais déjà définitivement craqué pour lui, mais j'avais l'impression d'entendre le plus beau rire du monde et je ne pus m'empêcher de rire avec lui.
Est-ce que ça allait ? Il voulait dire, si on exceptait le fait qu'il venait de m'allumer et que je me maudissais d'avoir décidé de porter un slim aujourd'hui ?

« C'est parfait Ruben »

Et j'aurais dû m'arrêter là, ne rien dire de plus mais je ne pus m'empêcher de continuer, plus timidement cette fois.

« Je peux venir à côté de toi ? »

Moi qui demandait à m'approcher de quelqu'un, moi qui recherchait la proximité, c'était le monde à l'envers.

C’est bizarre. Très bizarre. Louche même. Pourquoi cette chanson ? Pourquoi ce rythme dans ta voix, pourquoi tu as décidé de chanter précisément sur ce ton, pourquoi ces sourires timides et enjôleurs ? Pourquoi tu fais ton séducteur avec le frère de cette petite peste ? À le voir, on ne dirait pas qu’ils sont de la même famille, tu dirais plus qu’ils se connaissent de loin. Il n’a rien à voir avec elle. Lui, il est beau, doux, un peu perdu dans un monde dont tu voudras ouvrir les portes plus tard. Toi aussi tu as ton monde, mais il est sans doute plus sombre, plus violent, pas fait pour un mec pour lui. Tu supposes qu’il joue au jeu, tout le monde y joue, mais toi, ton tatouage est bien caché sur la peau de tes cotes, ce tatouage signifiant de quel team tu es. Les combattants, les sanguinaires, les bourrins, les violents. Tu es de ceux qui font péter un plomb dans la vie réelle, ils se vengent tous, en bon petit crétin. Tu en fais partie de ces crétins, la mort t’attire comme une vieille amie en t’ouvrants à chaque fois un peu plus ses bras. Cette pute t’aime, elle a essayé de t’attraper des centaines de fois elle, tu as toujours refusé de la suivre. Non, tu n'as pas peur d’elle, tu l’enlacerais si ça ne signifiait pas perdre ta vie, perdre le reste d’une vie à peine commencer. Un jour tu te laisseras glisser dans ses bras, un jour, quand tu ne voudrais pas continuer. Pour le moment tu la regardes de loin en lui faisant signe à chaque goutte de sang tombant au sol.

Chaque tête où tu coupes, chaque gorge que tu écorches, chaque cœur que tu plantes. Ces corps disparaissant mais le sang restant sur ton visage et le goût de leurs lèvres sur les tiennes, ou de leurs peaux, ou peu importe. Un baiser de l’ange de la mort et c’était fini, c’est une façon pour toi de les remercier, une façon pour toi de leur dit merci pour le bien qu’ils t’apportent, une libération malsaine. Une libération teintée d’une douleur enfouit en toi. Et là, devant Alessio, tu te sens comme le pire des pervers, avec ta chanson. Tes mains commencées à trembler, tu les ranges dans tes poches de veste, t’es pathétique. Ton prénom roule bizarrement dans sa bouche, ça te donne presque chaud. Mais pour l’instant ce qui se passe entre est malsain, ça va trop vite, beaucoup trop vite, ton cerveau essaie de comprendre, et puis merde t’es peut-être juste en manque de sexe, de toute façon ça sera jamais sérieux avec un mec comme ça, tu vas te servir de lui et le jeter. T’es une pute. Tu le sais, t’as plus aucun respect pour ton corps, tu couches avec des mecs, tu leur tires du fric et tu te barres comme ça sans rien dire. T’es clean, la capote est toujours de rigueur, mais t’es une pute.

C’est venu naturellement, quand le vieux porc t’a payé pour que tu ne te défendes pas. Parce que t’avais commencé, ouais, t’avait assez de force pour lui cracher dessus et le mordre, et tout ce que tu ne pouvais pas faire avant. De lionceau t’es passé à Lion. Puis, t’es allé voir tes parents et t’as porté plainte, aussi simple que ça. Ne faut pas croire que t’es obligé de le faire, pas du tout, mais tu veux arrondir tes fins de mois sans rien dire à papa ou à maman, parce que tu le sais, t’es un gosse de riches toi, enfant gâté pourri n’est-ce pas ? Bien sûr que non, t’es juste un gosse qui ressent ressens plus rien, qui se considère que comme une poupée gonflable pour des mecs louche. C’est comme si t’étais anesthésié. Il paraît que c’est psychologique, il paraît que tu fermes ton cerveau pendant ces moments, que tu arrêtes de faire fonctionner tes nerfs, parce qu'au fond tu veux juste de l’argent et pas ressentir de truc derrière. Tu te dégoûtes parfois, mais tu te dis que ça paiera la fac après tout. Non, mais tu le sens, quand tu regardes ce type. Tu ne peux pas. « Non. » Ça claque. Comme la guillotine, tu ne peux pas lui faire ça. Il ne faut pas qu’il tombe amoureux d’un gars comme toi.

T’es dégueulasse. « La salle de bain s’il te plaît... » T’as envie de vomir. Cette prise de conscience te dégoûte de toi-même. Tu vas gerber, tu le sens, bientôt, tu vas être malade. Tu ne peux pas. Faut que t’arrêtes les frais. Est-ce que c’est ça ? Un regard te fait changer d’avis sûr comment être ? Juste pour être un peu plus pur ? Juste pour un mec que t’as rencontré y a pas vingt minutes ? C’est dément, tu ne peux pas, c’est trop pour toi, ça dépasse l’entendement. « Je… » Tu ne peux pas finir ta putain de phrase ? Non ? C’est trop pour toi ? Tu suis ses indications et te mets à vomir tes tripes dans la cuvette. Tu n’y arriveras pas. Des larmes coulent de tes joues et tu murmures une litanie insensée d’excuses. Si t’étais une fille tu pourrais mettre ça sur le compte des hormones. Là tu ne peux pas. Comment un regard peut te donner envie d’arrêter tes conneries ? Parce Qu'en fait. Tu te punis. C’est tout. Ouais, ce n'est pas parce que tu le veux, c’est parce que tu te sens sale, parce que t’as l’impression que personne ne voudra plus jamais de toi en apprenant ton histoire, parce que pour toi, de part ce que tu’as vécu, tu ne mérites pas d’être regardé comme un humain, alors qu’il l’a fait, te regarder comme un humain, pas comme un objet pas comme quelque chose à collectionner.

Non. C'est simple comme mot, trois toutes petites lettres, une seule syllabe, qui aurait pu penser que ça pouvait faire si mal ? Parce que, non, non je ne pourrais pas me rapprocher de Ruben, je ne pourrais pas le toucher,  je ne pourrais même pas l'embrasser, pas même poser une main amicale sur son épaule comme Lola l'avait fait pour moi et en même temps qu'est ce que je croyais ? Que j'étais assez bien pour lui ? Fallait pas rêver, fallait pas tant espérer...Un jour, il faudrait vraiment que  je me débarrasse de cette manie que j'avais de tomber amoureux de toutes les personnes qui m'accordaient encore un peu d'importance, j'étais inutile et je le savais, pourquoi je m'obstinais encore à croire l'inverse ? Au final tout ce que je faisais c'était me détruire un peu plus...

Je l'entendis me demander où était la salle de bain et machinalement je lui indiquais, mais ce n'était déjà plus moi qui réagissais, c'était juste un réflexe, on me demandait, je répondais...Moi j'étais parti bien loin, je m'étais renfermé aussi vite que je m'étais ouvert.
Je le suivis toujours par pur réflexe, je le regardais en train de vomir ses tripes et je me dis que j'aurais bien fait la même chose, mais je ne fis rien, je le regardais juste, je l'entendais s'excuser encore et encore mais je n'avais pas les mots pour le rassurer, pas vraiment alors je me contentais juste de lui dire que « C'est pas grave », d'une voix complètement effacée.

C'est pas grave ? De qui je me foutais ? J'agissais comme un putain de zombie, j'avais les larmes qui me brûlaient les yeux, l'impression de ne plus pouvoir respirer mais pourtant je lui assurais que ce n'était rien, que je comprenais..
Que je comprenais quoi au final ? Pourquoi alors que j'acceptais enfin de m'approcher de quelqu'un, il me rejetait ?
C'était pas acceptable ça...Et finalement, j'allais peut être la tuer, Carla, quand elle rentrerait.

En pensant ça d'un coup sans prévenir, une bouffée de claustrophobie me frappa, j'étais enfermé ici, avec un mec que je dégoûtais, j'étais pris au piège et je ne pouvais pas sortir. Cette fois les larmes commencèrent vraiment à couler le long de mes joues, j'avais envie de m'arracher les yeux pour avoir l'audace de montrer à ce point ma faiblesse, j'avais envie de hurler, de tout détruire, de m'enfuir.
Alors sans vraiment réfléchir je laissais Ruben seul dans la salle de bain et je me dirigeais vers le salon, je savais que la fenêtre était bloquée mais si je la brisais, je pouvais peut-être accéder à l'escalier de service... D'accord il était en mauvais état, mais à l'heure actuelle, j'aurais vendu mon âme, j'aurais même vendu mon corps pour sortir de ce putain d'enfer.

Je pris une grande inspiration et balançai mon poing contre la vitre, je savais qu'elle allait céder, tout tombait en ruine ici, j'attendis juste le choc et il ne tarda pas, dans un grand bruit de verre brisé je sentis ma peau se déchirer, je savais que j'allais avoir besoin de points de sutures, je savais que j'avais probablement touché des tendons ou d'autres trucs dégueulasses de l'anatomie humaine mais je m'en foutais, j'étais  libre.
J'ignorais la douleur, le sang qui coulait et je me penchais pour regarder l'escalier, je le savais, je m'en doutais, ce serait du suicide de l'emprunter, ce que j'avais fait était inutile...Quoique...
Suicide, je m'arrêtais sur ce mot, je bloquais dessus avant de tourner mon regard vers le vide.

Je savais que c'était assez haut pour me tuer, ma mère l'avait fait avant moi, et je m'en souvenais, mais je n'avais pas eu le courage de la suivre, je ne l'avais toujours pas maintenant alors je  tournais le dos au vide et je rejoins de nouveau Ruben dans la salle de bain, comme si je n'avais pas pensé à me foutre en l'air encore une fois quelques instants auparavant. J'aurais bien pris des médicaments là tout de suite pour ne pas sentir la douleur mais je me connaissais, dans mon état tout ce que j'allais faire c'était en prendre trop et finir défoncé, alors je me retins.

Je passais ma main sous l'eau même si je savais que ça ne servirait à rien vu ce que je m'étais fait et je me tournais vers Ruben, en essayant de sourire même si je ne devais pas avoir l'air convaincant, avec ma main en sang et les traces de larmes sur mes joues.

« Ça va mieux ? »

Parce que même si il venait de me détruire, je ne pouvais pas m'empêcher de m'inquiéter pour lui.

Ta prise de conscience est grave gênante. Ouais, en plus de ça, le coco là, le gars avec sa tête de gamin doublé d’un mafioso il va croire que c’est de sa faute, alors que ta seule envie c’était de l’embrasser. Mais, t’avait peur de le salir, de faire de lui un être impur, parce qu’il faut dire ce qui est, t’es plus pur depuis longtemps. Enfin, voilà, t’es juste un gamin pathétique qui ce crash au sol comme un mannequin totalement inutile. Tu l’as rejeté, comme ça, comme une merde, juste parce que l’angoisse prenait possession de toi, d’un coup, et c’est ce qui s’est passé non ? T’as paniqué à l’idée d’être déjà si proche mentalement et physiquement de quelqu’un. Parce que, ces cicatrices, pour toi, ce ne sont pas des tares, elles sont même magnifiques sur lui. Il est juste bel Alessio, avec son air fragile, ses grands yeux foncés, ces cernes montrant la dureté de sa vie. Il est juste beau dans sa façon de te regarder, d’avoir ces pupilles dilatées en croyant que tu ne le verras pas. Il est beau coincé dans son slim beaucoup trop serrer à s’empêcher d’avoir une érection et à tenter de cacher la grimace de douleur sur son visage. Il est beau la bouche ouverte et les yeux écarquillés en écoutant les paroles trop chaudes de cette chanson dont tu ne connais presque que le refrain. C’est dur de constater la beauté de quelqu’un non ? Et bien pour Alessio non, lui, tu constates sa beauté juste en le regardant, y a pas besoin de plonger plus profondément, de toute façon, ce mec expose tout sur son visage et sur sa peau.

Ses doutes, ses peurs, ses envies. Tu ne pensais pas croiser quelqu’un d’aussi expressif, même toi tu l’es pas autant. Sa voix elle te parvient, lointaine, comme soudainement dénuée de vie, tu lui hurles que t’es désolé, encore et encore, mais il n’entend pas, comme si au fond ça lui était égal d’avoir un inconnu complet dans sa salle de bain à vomir à cause d’un regain de dégoût de soi-même. T’es vraiment désolé, parce que tu lis en Alessio rien qu’en voyant ses expressions il est facile à décrypter. Ton corps se tend douloureusement quand une vitre pète, t’as peur d’aller voir, tu te rinces la bouche et avales une pastille mentholée que t’avais dans ta poche et te laisse tomber au sol, dans un petit bruit. Tu ne voulais pas qu’il pense que c’était à cause de lui, tu refusais ça, ton visage reprend doucement des couleurs, tes yeux se calment, le marron redevient doux, un fleuve foncé tournant presque vers le vert ou le rouge, tout dépend de la lumière, de ton humeur, d’une batterie de choses qui font ce que tu es. Tu te sens mal par rapport à lui, t’aurais dû te contrôler, t’aurais dû le laisser approcher, t’aurais dû l’embrasser, sans penser juste à t’amuser de lui, t’aurais dû faire beaucoup de choses, et c’est mal, tu ne veux pas jouer. Quand il revient tu te redresses, d’un coup, comme un chien en alerte, parce que sa main est en sang.

Tu jures, il a cassé la fenêtre avec son poing ? Tu ne réfléchis pas, pas à sa peur, pas à la tienne d’un geste brusque qu’il pourrait faire, tu ne réfléchis à ce moment-là qu’à la douleur dans ses yeux et tu allumes l’eau, passant ta main sur le sang couvrant la sienne, le dirigeant doucement vers la source d’eau. « Je. Ce n’est pas à cause de toi. J’ai eu peur de moi-même. » Tu le dis simplement, caressant le sang pour le faire partir de sa main. « T’es juste beau, incroyable, mignon, torturé, blesser, ça se voit et ça m’a fait peur de me dire que j’ai juste eu un gros coup de cœur sur un mec aussi adorable. » Tu ne t’inventes pas d’excuses, c’est vrai, tu as eu peur. Ton toucher est doux, lisse, tout autant que cette peau ornée de cicatrice. Tes yeux se tournent vers lui, il est grand, il doit bien te dépasser d’une dizaine de centimètres ? Tu ne sais pas, mais il est magnifique. « Je peux ? » Une de tes mains glisse dernière sa nuque et tu le rapproches de toi, doucement et fait effleurer vos lèvres. « Un aperçu de ce que ça aurait pu être tout à l’heure. » Tu lui souris, doucement. « Ça ira pour ta main ? » Ton malaise est oublié pour le moment c’est lui qui est là et qui a besoin de toi.

L’oubli de soi-même, se couper mentalement du monde, se forcer à ne plus ressentir, se forcer à s’effacer, faire comme si on n’existait pas vraiment, j’étais devenu très doué pour ce petit jeu avec les années, j’avais appris à m’effacer, à ne pas ressentir, ni la faim, ni la douleur, ni la peur, j’étais juste devenu une coquille vide, humain d’apparence mais hermétique au monde extérieur.
Et c’est comme ça que j’arrivais encore à me soucier de l’état de Ruben alors que je me tenais devant lui, la main en sang, les larmes aux yeux, c’était lui qui comptait, il était plus important, bien plus important que ma propre douleur, même si il n’avait pas l’air d’être du même avis que moi.

Je vis ses yeux remonter vers ma main et s’écarquiller devant la vision du sang qui coulait et gouttait sur le sol de la salle de bain, c’était presque beau, presque artistique, rouge sur blanc,  j’aurais pu juste rester là à me vider de mon sang et à me dire que c’était magnifique. Mais visiblement Ruben, lui, s’inquiétait bien plus que moi de mon propre cas et sans prévenir, brusquement, c’était sa main qui se posait sur la mienne et l’autre qui ouvrait l’eau pour nettoyer les plaies. Spontanément j’avais sursauté et esquissé un mouvement de recul à son contact, complètement paniqué, les mains c’était proche des poignets, il était trop proche de l’horreur, puis je m’étais ressaisi. A quoi je jouais exactement ? Je venais de péter les plombs, d’envisager de me foutre en l’air même, parce que je n’avais pas supporté qu’il me rejette, qu’il ne m’autorise pas à l’approcher, et finalement, maintenant qu’il le faisait j’avais peur et je reculais, j’étais pire qu’une gonzesse, indécis, lunatique, insupportable…
Et certainement pas comme il me le disait beau et incroyable…Blessé et torturé ça oui, autant qu’il le voulait mais pas beau, ni incroyable, tout sauf ça, j’étais laid, les cicatrices le long de mes bras le prouvaient, mes cernes aussi, j’étais juste laid, répugnant et faible, un gamin pathétique qu’il ferait mieux de ne pas approcher mais qui pourtant ne pouvait pas s’empêcher de s’accrocher à lui.

Je l’avais voulu ce contact et je l’avais, j’avais même eu plus que ce que je désirais au final quand ses lèvres vinrent effleurer les miennes, alors pourquoi est-ce que je continuais à me sentir si mal ?

Peut-être parce je me persuadais qu’il se forçait, qu’il ne voulait pas vraiment agir ainsi, peut-être parce que je ne comprenais pas comment il avait pu changer à ce point en quelques secondes, il me rendait fou, il était juste une putain d’énigme.
Je  n’arrivais pas à comprendre comment il avait pu avoir peur de lui-même alors qu’il avait l’air doux et adorable, lui et aussi parce que je ne pouvais pas admettre que quelqu’un puisse avoir un coup de cœur pour moi, je me détestais, tout le monde était censé me détester aussi non ?
Apparemment pas.

« Je suis pas beau, ni même adorable ou incroyable Ru’…Je suis même pas quelqu’un qui mérite qu’on le regarde. Te rend pas malade pour moi, sérieusement, à une époque peut –être que j’en valais la peine mais cette époque, elle est finie depuis bien longtemps. »

L’époque où j’étais vierge de toutes cicatrices, où j’étais juste heureux, où je n’étais pas forcé d’assumer des responsabilités beaucoup trop lourdes pour le gosse que j’étais…

Est-ce que j’essayais de le repousser, de le dégoûter de moi ? Non pas vraiment, je voulais juste le mettre en garde, le prévenir que tout ce qu’il trouverait en moi ce n’était pas la beauté, juste le désespoir, l’autodestruction et la haine de soi. Mais peut-être qu’au final c’était son truc à lui, les mecs brisés...Peut-être qu’au final malgré ses airs doux, lui aussi il en était, de ces mecs tellement amochés qu’on ne peut même plus les réparer.

Je baissais les yeux sur ma main, est-ce que ça allait ? Définitivement non, le verre brisé, la main à travers une vitre ça ne pardonnait pas, c’était beaucoup trop profond et maintenant que j’avais repris mes esprits, que j’avais cessé de m’oublier, brusquement ramené à la réalité par un baiser, ma phobie du sang refaisait surface, avec force

« Je crois pas…Ca a l’air grave »

Je me forçais à détourner le regard et à me concentrer sur autre chose, les yeux de Ruben par exemple, pour ne plus penser à mes blessures, j’avais l’impression que j’allais m’évanouir, et je m’adossais contre le mur, essayant de ne pas lui montrer mon malaise.

Je me sentais mal c'était un fait, physiquement et mentalement, j'étais en train de me vider de mon sang devant un type qui s'acharnait à me dire que j'étais parfait à ses yeux, qu'est ce qu'il me trouvait sérieux ? J'étais laid, j'avais l'air d'un drogué, pas que l'air d'ailleurs, je me scarifiais, et pas seulement les poignets comme les minettes...J'étais juste un pauvre gosse paumé, faible, qui serait probablement mort d'ici quelques années. Je ne valais pas la peine qu'on s'attache à moi, vraiment pas...J'avais envie de pleurer, de vomir ou de m'évanouir, un mélange des trois à la fois et au lieu de ça je m'accrochais simplement à ses yeux, essayant de lui faire comprendre tout ce que je ne disais pas, tout ce que j'étais incapable de prononcer oralement sans craquer, je voulais désespéramment qu'il reste et pourtant j'avais beaucoup trop peur de m'attacher, j'avais besoin de lui et je détestais me sentir dépendant, c'était trop tout ça, trop d'un coup, trop rapide, trop tout...

C'est sa voix qui me sortis de mes pensées, de mon délire personnel, me disant qu'il n'en avait rien à foutre de ce que je pouvais penser de moi, que j'étais parfait et que je n'avais rien à y redire, il me demandait de ne pas insister, d'un ton doux mais ferme alors je ne dis rien, acquiesçant en silence, respectant sa volonté. Si il voulait y croire pourquoi pas, je l'avais prévenu après tout, il savait à qui il s'attachait, dans quoi il s'engageait...

Je l'observais retirer son t-shirt en fronçant les sourcils mais je n'eus même pas le temps de lui demander ce qu'il foutait exactement qu'il me l'appliquait sur la main, en guise de pansement, m'arrachant un cri de douleur que je ne pus retenir malgré mes efforts, c'était horrible, atroce, je n'avais jamais eu aussi mal de toute ma vie, c'était comme des milliers d'aiguilles qui rentraient dans ma peau à chaque petit contact, c'était grave comme blessure et j'en avais bien conscience.
J'avais dû tout foutre en l'air à l'intérieur de mon corps, et pourtant je n'étais pas sûr de vouloir accepter sa proposition d'appeler l'hôpital, c'était le mieux à faire, pour ma santé, mais je connaissais l'état de mes bras, je savais parfaitement qu'en général si les médecins ne disaient rien pour quelques coupures, en voyant le mal que je me faisais, ils allaient forcément me garder dans le service psychiatrique, parce que j'étais là dessus aussi un cas grave, parce qu'ignorer mes blessures était de la non assistance à personne en danger....
Une personne en danger certes mais qui refusait d'appeler à l'aide.

Je me mordis les lèvres, puis je me décidais à révéler toute la vérité à Ruben, lui aussi devait penser que je m'arrêtais juste aux poignets comme les petites adolescentes gothiques.
D'un geste qui m'arracha un autre cri de douleur, je retirais mon propre t-shirt, exposant devant lui mes bras, mon torse, les cicatrices, les blessures profondes, ma maigreur à force de ne plus rien manger, à force de repousser toute nourriture par peur d'en arriver à vomir de dégoût, toute la haine que j'avais pour moi était là devant lui, étalée à l'état brut.

« Je sais que j'ai pas le choix et que tu dois appeler l'hôpital mais regarde moi, tu crois vraiment qu'ils vont me laisser partir ensuite ? »

Je me mordis les lèvres à nouveau, à sang, j'avais peur, je savais que j'allais finir enfermé.
Je me laissais attirer contre lui sans rien dire et me laissais aller, autorisant enfin mes larmes à couler alors que sa voix me berçait, je n'avais plus honte de rien, plus honte de mon corps, plus honte de pleurer, plus honte d'avoir besoin d'un type que je connaissais depuis seulement une heure, parce que je savais que c'était bientôt fini, tout ça.

L'hôpital...J'avais bien pris conscience du fait que c'était une obligation, si je n'y allais pas je n'allais jamais pouvoir récupérer entièrement l'usage de ma main et quand on est serveur, quand on aime dessiner, ou même quand on est tout simplement humain, ça restait une chose trop importante pour être négligée...Sans mentionner le fait que ma vie était bien assez catastrophique pour qu'en plus je prenne le risque de devenir infirme, c'était comme ça c'est tout, je devais m'y résigner, j'avais déconné et il était temps d'en payer le prix...Et le prix c'était une hospitalisation en psychiatrie.
Là non plus je n'étais pas complètement con encore, je savais qu'en me voyant, en voyant mon état de santé, révélateur de mon état psychologique, de me décadence, aucun médecin sain d'esprit n'allait accepter de me laisser repartir chez moi comme si de rien n'était..Je n'avais pas d'autre choix et pourtant j'étais terrifié, pas certain d'être prêt...Prêt à abandonner mes sœurs, à me faire enfermer sans certitude de retour, prêt à reconnaître que oui, j'avais un problème, et de taille.

Je sentais la main de Ruben qui caressait mon dos, m'apportant un peu de chaleur alors que je tremblais contre lui, ses paroles je les savais juste, je savais que là bas j'aurais peut être une chance de guérir et de me sentir mieux, une dernière chance qu'on m'offrait avant de me laisser sombrer, mais pourtant alors qu'il appelait, je m'accrochais à lui, comme si ça allait changer quelque chose...C'était une véritable tempête en moi, le chaos à l'état brut, entre la raison qui me criait de me laisser faire, d'accepter, de saisir cette opportunité qu'on m'offrait, et les émotions qui me hurlaient de m'enfuir, de ne pas me laisser enfermer, j'entendais comme des milliers de voix qui raisonnaient et qui se répercutaient à l'intérieur de mon crâne, « t'as besoin d'aide Alessio », « T'as pas le droit de les abandonner », « Laisse toi faire », « Tu trahis tes promesses »...

« Chut...Taisez vous »

J'implorais à voix haute  pour que tout ça cesse, je devais avoir l'air encore plus taré que je ne l'étais mais c'était trop pour moi tout ça, trop rapide, trop brusque, trop forcé

Puis j'entendis l'ambulance arriver et je refusais de lâcher Ruben, qui monta avec moi...J'étais à peine conscient de ce qu'il se disait à l'intérieur, m'accrochant toujours et encore à ses yeux pour ne pas perdre pied, pour rester ancré dans la réalité mais je captais un mot parmi les autres, un mot qui changeait tout, qui concrétisait à la fois mes attentes et mes craintes... « Interné »

Je sentis les lèvres de Ruben contre les miennes et je pressai ma bouche contre la sienne en retour, lui chuchotant à voix basse

« Pars pas, pas maintenant, reste là »

Je le suppliais, le gamin en moi parlait, par pitié ne m'abandonne pas, pas maintenant, reste encore quelques instants

« Tu préviendras mes sœurs hein ? Et ma meilleure amie ? Tu leur diras que je suis désolé... »

Désolé d'être faible, d'être lâche, de leur avoir menti, de pas avoir su résister