C'était pourtant simple, je n'allais que tenter d'obtenir du ravitaillement, par je ne sais quelle ruse. J'avais pas encore décidé, mon plan consistant bêtement à croiser les doigts et improviser en fonction des évènements qui se présenteraient à moi. Car sans marché ambulant (nous remercierons ces chers Lola et Alessio plus tard), plus de bouffe. Et sans bouffe ... bah plus d'ESHU ni de CAHO. L'équation est simple, bien que désagréable. C'est quand même dommage qu'on ait les mêmes points faibles que dans la réalité ... on doit toujours manger ; boire ; dormir et utiliser des toilettes. Quand j'ai réalisé que non, on ne tombait pas bêtement sur un rôti de porc comme on peut tomber sur un sniper à Darwin, c'est là que mon cerveau a fait le lien bouffe égal nature...nature égal GAIA égal t'es dans la merde Suzanne. Et une association rapide de mon esprit a réussi à lier nature (et donc bouffe !) avec parc. Oui, vous avez bien entendu ; parc. Aka le labyrinthe de Darwin Harbor, aka je dois pas tenir tant que cela à ma vie, finalement. Mais bon, à ma décharge, je suis crevée, en ce moment. Je suis donc entrée dans l'insondable méli-mélo de routes et arbustes qui se croisent, et j'ai fini par en perdre littéralement le Nord. À savoir que je soupçonne ma boussole d'être en panne. Je finis par ne procéder plus qu'à l'instinct, où je décide au feeling si je dois choisir plutôt le chemin de droite ou bien celui de gauche ... et j'en perds mon latin. Elle a fait comment, Alice, dans l'histoire ? Parce que moi, là, je suis un peu à bout. Et je suis bien loin d'avoir réussi à retrouver la sortie ; encore moins de la nourriture.

Je ne sais plus tellement ce que je fiche ici. Non vraiment ; c'est à se demander. Cela fait bien une heure que je tourne en bourrique, avec cette odieuse impression de déjà-vu, si typique dans ces labyrinthes. Non, vraiment, ils sont doués, les créateurs de Darwin. Doués et sadiques. Parfois, j'en viens à me demander s'il n'y a pas une caméra qui filme nos moindres faits et gestes, pour divertir une partie de la population...ce serait sans doute un marché fructueux, qu'est-ce que j'en sais au fond ? Ils auraient franchement pu faire en sorte qu'on ait pas besoin de chasser pour trouver de quoi manger. On se débrouillerait bien mieux si on dépendait pas des GAIA pour survivre, puisque les GAIA ont désormais décidé de nous faire la gueule. Sérieusement, je ne comprends plus rien à ces histoires de cour de récréation.

Je grince des dents et vérifie une énième fois que mon poignard est bien en place ; que tout est sur moi. Paranoïa ? Oui ... sans doute exacerbée par la noirceur des lieux ; et par cette sensation que je suis observée. Pire qu'une sensation, cela en devient une certitude, quand je distingue dans le silence qui m'étouffe le craquement d'une branche par terre. C'est fou ce qu'un simple bruit peut donner comme informations ... J'hésite une seconde quant à l'attitude à avoir, puis parle à haute voix. « Qui va là ? » Je me retourne ; ne vois rien. L'agacement que je ressentais déjà ne fait qu'augmenter et je resserre la poigne sur la lame qui ne me quitte jamais.

« Montre-toi ; qu'on en finisse. » Je ne suis tout simplement pas d'humeur. Entre l'évidence-même que je suis paumée et la difficulté de l'admette vis-à-vis de mon ego, il me suffit d'avoir gagné quelqu'un qui me suit comme mon ombre pour renforcer mes envies de meurtre. Et comme je n'ai pas la moindre idée de qui me suit (ami ou ennemi ?) ni du pourquoi du comment, j'ai décidé de jouer sur le frontal. S'il ou elle veut se battre, qu'il le fasse en se montrant ; je suis prête à me battre s'il le faut.