DGPLAYERSWILLWIN - There's nothing in this world I wouldn't do.

Seule dans l'appartement qu'elle partageait avec Lizzy, Lexi était rentrée à peine quelques minutes auparavant, laissant choir son sac à dos et sa veste sur le canapé.

Passant devant le miroir de la salle de bains, elle put constater qu'elle paraissait plus pâle. Ses cheveux roux, attachés en une queue de cheval, semblaient sales et ternes. La gamine se pinçait les joues pour faire ressortir un peu de couleur sur ce visage et détachait ses cheveux. Ouais, elle avait vraiment besoin d'une douche. Se déshabillant précipitamment, elle sautait dans la cabine.

Le jeu avait vraiment des effets incroyables. Les blessures qu'elle s'était faite à Darwin's Harbor laissaient des marques dans la vraie vie, et des dizaines de bleus avaient fleuri sur le corps de la demoiselle. Si Liz voyait ça, elle deviendrait folle.

Une fois propre, elle enfilait un jogging puis retournait s'affaler sur le canapé sortant son téléphone : un peu de jeu ne lui ferait pas de mal. La vie devenait de moins en moins rose à Chicago.

La rouquine parcourait les réseaux sociaux avec nonchalance. Depuis l'annonce des dispositions contre le Darwin's Game, d'abord le couvre-feu et ensuite la loi, un hashtag défilait sous les yeux de Lexi, sans s'arrêter. #DGPLAYERSWILLWIN. Aucun doute que les choses n'étaient pas prêtes de s'arranger. Dans le jeu, au moins, la jeune femme pouvait se défendre comme elle le souhaitait. Mais là, dans la vie réelle, un milliard de choses l'en empêchait : l'insécurité régnait de plus en plus en ville, et elle ne pouvait même pas y faire quelque chose.

Lexi eu une pensée pour ses parents : comment allaient-ils ? Est-ce que toute cette folie les avait touchés, eux aussi ? Peut-être devrait-elle les appeler. Elle ne leur donnait pas beaucoup de nouvelles, jolie rousse. Son désir d'indépendance allait au delà de la simple envie de s'éloigner et de faire sa vie. Il était question de s'émanciper totalement. Le nom d'Elias Kerrigan, son père, revenait souvent en cours, lorsque son maître de thèse lui parlait. Et l'objectif de Lexi, c'est qu'elle surpasse ce nom.

Dix-neuf heures, et Lizzy n'était toujours pas là. Ça commençait à faire long. Après une journée aussi pourrie, elle aurait aimé pouvoir emmener sa meilleure amie prendre un verre. A deux, on se sentait plus en sécurité, et avec tout le boulot qu'elles avaient accumulé, plus le jeu, elles n'avaient pas encore trouvé le temps de se retrouver en tête à tête dehors.

- Sacré Lizzy, tu as intérêt à rentrer vite fait.

grognait la jeune femme en fixant la porte d'entrée.

DEV NERD GIRL

La journée a été longue, très longue. Ma petite promenade de santé de la veille en tant que Lutece m'avait tout bonnement épuisée. Et surtout, elle avait mal fini pour moi. Sans l'autonomie pourrie de ma batterie de téléphone, nul doute que j'aurais fini broyée sous un building. Quoi de mieux que de finir en poussière pour passer une bonne nuit ?
Résultat, aucune crème ni aucune poudre n'a réussi à m'arranger le portrait et j'ai fini par ronfler au fond de l'amphi aux alentours de 10h du matin. Ensuite est venue l'heure de la pause déjeuner et finalement, au programme : somnolence jusqu'à 17h, fin des cours. Je baille la bouche grande ouverte avant d'attraper mon sac et de me diriger vers la sortie, sous l’œil inquisiteur de mon enseignante qui m'a probablement surprise plus tôt à roupiller. C'est mauvais pour mon année ça. Mais au moins, c'est bon pour ma fin de journée puisque ma sieste improvisée me permet de rester éveillée sur le chemin du retour.

À un feu rouge, je remarque une file de personnes diverses et variées attendant leur tour d'entrer dans une petite salle de concert. Tiens, je savais pas qu'il y avait quelque chose dans l'coin ce soir ! Je me penche, intriguée, ma foi peut-être qu'il y aurait de la musique intéressante à aller écouter par ici, pourquoi pas avec Lexi ? Mais je me ravise bien vite lorsque mon trajet m'amène à remonter ladite file. Au niveau des barrières se trouvent les agents de sécurité et, non contents de fouiller des sacs et de tâter des poches, je les vois aussi faire remonter leurs manches aux entrants. C'est bien sur les avants-bras que sont tatoués la plupart d'entre-nous. Foutues lois ! Ce que je ne donnerais pas en ce moment même pour déplacer l'emblème caho sur ma fesse gauche...

Pfff... Je soupire, levant les yeux au ciel. Maintenant même jouer à un jeu vidéo fait de nous des criminels.

Cette pensée me tape sur le système depuis l'instant même où l'on nous a annoncé la mise en vigueur de ces règles stupides. Et ce qui m'agace le plus, c'est que de ce côté-ci de l'écran, je n'ai ni batte ni explosifs pour protester face aux abrutis qui nous ont pondu ça. Non, tout ce qu'on a depuis que les manifestations sont aussi répréhensibles, c'est un hashtag. Beaucoup moins persuasif, et j'ai la désagréable impression que l'utiliser ne ferait que faciliter leur chasse aux sorcières.
C'est blasée que j'arrive finalement à l'appart. Blasée, mais soulagée de me trouver enfin quelque part où je ne me sens pas indésirable ou obligée de dissimuler l'emblème que je porte fièrement en jeu sous un épais bracelet, par précaution.

« Salut Lexi, c'est moi ! » je clame en entrant, trouvant ma colocataire tranquillement installée sur la canapé. Elle a un peu mauvaise mine, mais le lui faire remarquer ce serait l’hôpital qui se fout de la charité. Ôtant mes chaussures avec un soupir de soulagement, je viens ensuite me laisser choir avec la grâce d'un éléphant boiteux à ses côtés.

« Dure journée ? » je demande en m'étirant et baillant de plus belle. « Qu'est-ce que tu regarde de beau ? » j'ajoute en désignant son téléphone portable d'un mouvement de tête.

Sacrément embêtée la rouquine. Sa coloc' n'avait toujours pas refait surface, et la nuit allait doucement commencer à tomber. Et ce n'est pas qu'elle commençait à s'ennuyer ferme... Mais tout de même. Dernièrement, elle avait usé et abusé du Darwin's Game, les marques sur son corps le prouvait. Et même si elle mourrait d'envie d'y retourner, elle voulait tout de même passer un peu de temps avec son amie.

Alors qu'elle commençait à perdre espoir, voilà que la serrure de la porte d'entrée commence à cliqueter. Excitée comme un animal attendant le retour de son maître, Lexi levait les bras au ciel, comme un signe de victoire, en poussant un « yaaaaaaay ! » satisfait.

Salut Lexi, c'est moi !

Ni une ni deux, son amie vient se laisser choir sur le canapé à côté d'elle. Lizzy semblait autant fatiguée que la rousse. La seule différence entre les deux... Hé bien c'était que Lexi puait moins, grâce à la douche.

Dure journée ? Qu'est-ce que tu regarde de beau ?

Lexi secouait doucement la tête :

Dure journée, comme toujours, hein. Et toi ?

Puis elle vint mettre le téléphone à portée de vue de sa coloc' et partenaire pour lui montrer l'objet de son intérêt. Elle n'avait pas rafraîchi la page pendant deux minutes et l'interface annonçait déjà 120 nouvelles notifications avec le hashtag #DGPLAYERSWILLWIN.

Les choses commencent vraiment à empirer en ville. Et sans vouloir paraître pessimiste, je pense que ça va aller de mal en pis. Bientôt, on se tapera tous en vrai. Sauf qu'on aura pas de vies supplémentaires pour revenir.

Laissant échapper le téléphone de ses mains en direction de la table basse face à elles, le bijou de technologie s'échouait comme une baleine sur la plage. Ce dernier continuait de vibrer régulièrement, toujours le même message défilant.

Haussant les épaules, Lexi vint se mettre en tailleur sur le canapé, les bras croisés derrière la tête et poussait un long soupir. Puis après quelques instants de silence reposant, ses mains trouvèrent de nouveau leur places sur les genoux de la jeune femme dont le visage s'éclairait d'un largue sourire :

Qu'est-ce que tu dirais de sortir ce soir au lieu de rester plantées ici ? Même qu'on pourrait essayer de ressembler à quelque chose pour changer !

Triturant ses cheveux en train de sécher, encore humides de la douche qu'elle venait de prendre, Lexi essayait de leur faire reprendre leur forme bouclée.

Hein ? Avant que la ville finisse à feu et à sang ? » finit-elle avec un léger sourire en coin.

Elle essayait surtout de se rassurer, elle ne souhaitait pas une guerre civile. C'était plus facile de l'imaginer dans le jeu, puisqu'il suffisait de racheter des vies pour revenir.

DEV NERD GIRL