I. Tu sais exactement à quel moment tout a dérapé. L'été 2001 touchait presque à sa fin, tu étais en permission, heureux d'être enfin à la maison. Le dernier retour avant un ultime déploiement. Après tu devais arrêter. Tu avais promis que tu le ferais, que tu serais là pour ta gamine qui grandissait sans réellement te connaître. Et puis est venu le 11 septembre de cette année fatidique. Tu as rempilé l'année suivante sans une hésitation, décevant ta famille et allumant la graine d'une révolution néfaste dans le cœur de ta gosse. Quand tu es parti l'année de ses quatorze ans elle a refusé de te faire un câlin, même de reconnaître ta présence. Et tu n'as pas pu lui en vouloir. Pourtant tu n'avais pas le choix, c'était ton devoir, ta mission. Tu te devais de faire quelque chose parce que tu le pouvais. II. Ta deuxième erreur a été de ne pas avoir cru Shea quand elle s'est retirée de la police après avoir commis une faute grave. Elle revenait soudainement dans ta vie, elle voulait ton soutien et même si tu étais heureux de la voir, tu avais le devoir et la rigueur dans le sang. Les preuves étaient là. Tu as mis en doute son intégrité parce que tu ne la connaissais plus et elle t'a claquée dans les doigts. III. Tu n'es plus marié depuis 2012 mais tu as toujours eu des sentiments forts pour ton ex-épouse. Elle est celle qui est partie et tu l'as laissé faire parce qu'elle méritait une autre vie. Pourtant tu pensais la retrouver un jour. Vraiment tu le voulais. Quand il n'y aurait plus les missions, la vie de soldat. Mais tu as oublié que si ton monde n'évoluait pas, le sien oui. Elle a trouvé quelqu'un d'autre pour l'épauler et même la mort de votre fille ne vous a pas rassemblé. Vous vous êtes tenus devant sa tombe comme deux idiots sans trop savoir quoi dire, quoi faire. Tu voulais attraper sa main, lui apporter du confort mais tu en étais bien incapable. Au fond vous n'aviez jamais été une équipe efficace, même en tant que parents. IV. Quand tu as reçu l'appel, tu as cru mourir. Même si tu n'avais fait que l'apercevoir au cours des années, tu étais son père alors c'est toi qu'on a appelé. Quelle mauvaise blague. Pendant des années ta famille s'est attendue à voir venir les képis pour leur annoncer que tu n'étais plus de ce monde et c'est toi qui finalement t'es trouvé dans cette situation. Tu prenais les dangers mais c'est quand même elle qu'on a retrouvé morte d'une crise cardiaque dans un appartement de merde. V. Si parfois tu te noies dans l'alcool, ta drogue de choix reste le Darwin's Game. Tu fuis dans ce monde virtuel en espérant apaiser un peu une douleur qui ne partira pourtant jamais. Tu es condamné à la ressentir et tu penses que quelque part tu le mérites bien. VI. Ta vie n'a rien de saine. Tu regrettes presque la rigidité de l'armée. Tu ne sais pas comment exister comme un civil sans codes, ni règles. Tu te transformes en loque à cause de tout ça. Et la seule chose qui t'empêche d'en finir c'est la culpabilité. Bon dieu, tu ne mérites vraiment pas la douceur de la mort. VII. Avant t'étais croyant. Penser qu'il y avait un Dieu là-haut pour protéger les tiens et ta pauvre carcasse entre les mines, c'était facile. Maintenant tu n'y crois plus. Un Dieu, ça n'arrache pas des gamins à leurs parents. VIII. Tu n'es plus un Seals depuis qu'une bombe afghane a explosée la moitié de ton escouade. Toi tu as eu du bol. La déflagration t'a juste envoyée valdinguer et ton genou s'est brisé quand tu t'es fracassé contre le hummer. Ouais, ça c'est de la chance... L'accident t'a laissé un boitement et tu dois t'aider d'une canne comme un vieillard dès que tu as un peu trop de distance à parcourir.  IX. Tu as un chat. Ces bestioles là ne sont pas ton truc mais tu l'as trouvé tout maigrichon dans le studio de Shea. Il t'a arraché la moitié de la main avant que tu ne parviennes à le foutre dans une boîte. Tu aurais juste pu t'en débarrasser mais c'est sûrement le dernier être vivant qui a vu ta gosse donc tu le considères avec une certaine déférence. La saleté peut faire ce qu'elle veut, tu es incapable de lui en vouloir. Mine de rien, ça fait aussi une présence. X. Et c'est à ce moment là que tu passes pour le fou du coin. Shea est morte mais pour toi elle est encore là. Tu l'imagines trop souvent, tu la vois, tu sens son regard désapprobateur sur toi, ce regard qu'elle tient de sa mère. Tu lui parles et parfois elle te réponds. Tu sais bien que ce n'est pas vrai. Que c'est juste ton esprit saturé par le chagrin qui débloque mais c'est une béquille dont tu as besoin. Même si certaines nuits, ça te fait pleurer comme un nourrisson car tu te rends compte à quel point tu ne la connaissais pas et que ce que tu imagines est sûrement loin de celle qu'elle était.

I. Ta première mort est due à ta crédulité. Quand tu as entendu le claquement des balles, tu as juste pensé que ce jeu vidéo était sacrément réaliste. Et tu ne pouvais avoir plus raison. Le sentiment était trop réel et trop troublant. Tu t'es fait avoir comme un bleu car tu étais sous le choc. Pourquoi quelqu'un voulait-il donc recréer l'horreur d'une réalité que tu avais trop vécue ? II. Tu n'as pas pris part à la guerre de Darwin. Tu avais eu ta dose sur le front. Tu t'es lâchement caché parce que tu avais déjà trop de sang sur les mains.  III. La mort de Shea a marqué un tournant dans ta façon de jouer. Même si tu rechignes toujours à tuer - surtout les jeunes filles désormais - tu peux parfois te montrer d'une trop grande brutalité. Parfois ton esprit se voile et tous semblent coupables. Alors tu massacres ta cible sous un accès de colère. Parce que quelqu'un doit payer même si tu admets rarement cette pensée. IV. Le reste du temps tu t'appliques à offrir des morts rapides à tes victimes. Tu ne veux pas leur infliger des souffrances inutiles. V. Ton arme de prédilection est la même que celle qui t'accompagnait sur le front. Une bonne arme à feu assure une bonne défense en tir de couverture et tes tirs précis s'avèrent mortels. VI. Tu ne peux pas t'empêcher t'aider les newbies. Qu'importe la team, quand tu vois un petit jeune qui démarre tu te portes à son secours pour lui apprendre les bases. VII. Tu peux passer des heures dans la forêt. C'est reposant après des années à te taper la poussière, le sable et les grandes étendues d'eau. Entre les arbres tu te relaxes au milieu de cette vie qui fourmille. VIII. Le corps à corps n'est plus l'atout qu'il était dans la réalité. La guerre a laissée sur toi une empreinte profonde et le simple fait de tenir une lame te replonge dans les souvenirs sanglants de ton passé sur le front. Alors ne parlons même pas d'attaquer. Tu te paralyses avec un couteau dans les mains et l'idée d'aller au contact te donne des hauts le coeur. Même si c'est lâche tu as besoin d'avoir une distance entre toi et ta cible. C'est probablement pour ça qu'un flingue ne te provoque pas les mêmes troubles. Tu as aussi un bon sens stratégique et tu sais fonctionner en groupe. IX. L'idée d'Avalon te plaît. Un endroit sans combat semble doux, agréable. Mais aussi utopique. Tu sais trop bien que les hommes ne sont pas faits pour la paix. Tout ça finira mal, c'est une certitude. En attendant le mouvement d'intéresse et tu n'hésiteras pas à aller fourrer le nez là-dedans par toi-même pour te faire ton idée. X. Tu connais particulièrement la map. C'est plus fort que toi, tu dois contrôler ton environnement pour te sentir en sécurité. Alors tu passes trop de temps à vagabonder, profitant de cet endroit où ta jambe ne te fait pas défaut.