Je suis née à New York, dans le Queens, et j'ai grandis là bas. Depuis toujours je ne rêve que d'une chose : monter sur les planches de Broadway. Tandis que les filles de mon âge rêvaient à devenir des princesses trouvant leur prince charmant, moi je baignais dans le monde d'Oz avec des sorcières et des souliers de rubis. (▽) Lorsque j'ai atteint les treize ans cependant, la veille de Noël, mes parents et moi avons eut un accident de voiture qui leur a coûté la vie à tous les deux. Mon père est mort sur le coup. Ma mère quant à elle, a survécut suffisamment longtemps pour que je puisse la rejoindre et lui dire que je l'aimais. Je ne sais comment, je suis donc la seule survivante... et je me serais bien passée de cette... chance. J'ai alors été envoyée à Chicago pour vivre avec ma tante. Vivre. Une drôle de conception pour quelqu'un en ruine, détruite par le chagrin de la perte des êtres qui lui étaient le plus cher. (▽) J'aimais ma tante, ne vous trompez pas. Cela ne m'a cependant pas empêchée de tenter de me suicider. Tentative visiblement ratée puisque je suis parmi vous aujourd'hui. Mon côté théâtral a fait que j'ai tenté une overdose de drogue... qui a presque réussi cependant. J'ai fini par être cliniquement morte pendant une minute. Ironie, quand tu nous tiens... (▽) Mais mon égo a reprit le dessus. J'acceptais de mourir, j'acceptais n'importe quelle mort. Mais au lieu de la forcer, j'allais la traquer. Ma vie s'est alors divisée en deux parties bien distincte : mon amour de la musique, ce qui m'a donné une raison de me lever chaque matin et d'avancer... et chercher les ennuis le soir venu. J'avais une nouvelle conception de la vie, de la mienne en particulier. Ma devise : mon jeu, mes règles. Le jeu étant ma vie, les règles étant uniquement celles que je me fixerai. Des règles qui, au fur et à mesure que le temps passerait, seraient de moins en moins loyales, de moins en moins douces. Ma politique était devenue la suivante : il faut éradiquer le mal en recourant à ses propres méthodes. Envoyer un violeur en prison ne change rien. Il aura toujours gâché la vie d'une fille, et le jour où il ressortira, il recommencera. Il n'aurait rien retenu. Alors non, je ne m'amusais pas à violer les violeurs, mais je leur donnais une leçon. Car non contente de me refuser à être une fille parmi tant d'autre, une de plus qui ne saurait pas se défendre, qui aurait peur du danger, non contente d'apprendre à dépasser ma peur et mes limites, je voulais humilier ce genre de personnage. Il m'aura fallu du temps. De l'entraînement. De la détermination. Mon refus d'être faible a beaucoup joué lui aussi. Mais avec le temps, je suis devenue meilleure à ces petits jeux là. Plus cruelle. Plus sadique. Plus joueuse aussi. Je prenais ces situations à la légère, car je partais d'un principe simple : j'allais gagner. Il ne pouvait en être autrement - je ne m'autorisais pas à ce qu'il en soit autrement. Mon assurance me donnait de la force, ma tendance à prendre ces situation à la légère, du pouvoir. Quant à mes airs de proie facile, ils m'étaient d'un atout incroyable ! Vous ne trouverez pas cela sain, et pour être honnête cela m'est égal, mais je m'étais faite Justicière de cette ville. Pour une fois, les mauvais ne s'en sortait pas. Pour une fois, ce n'était pas les plus faibles qui allaient tout perdre. Pour une fois, ceux qui le méritaient étaient remis à leur place bien comme il faut, et je m'assurais de faire planer cette épée de Damoclès au dessus de leur tête. (▽) Enfin, il fut temps pour moi de rejoindre l'université. Recalée à la fac de New York et profondément blessée de ce refus, je m'étais retrouvée dans cette vulgaire école de Northwestern qui avait au moins la décence de proposer un programme qui me convenait. Je m'étais cependant consolée en me jurant de prouver à l'université de New York qu'ils avaient commis une énorme erreur et que j'étais largement plus talentueuse que ceux qu'ils avaient recrutés. (▽) Je n'ai jamais cru au destin. Et par conséquent, je n'ai jamais cru ceux qui disent que les choses arrivent pour une raison. Ce sont à mes yeux, des concepts excellent pour une comédie musicale, c'est ce qui fait tout le charme, mais tout à chacun est supposé savoir que dans vraie vie, rien ne se passe de la sorte ; la Vie vous met  sans cesse les bâtons dans les roues et c'est à vous de déjouer ses plans. Et pourtant. Pourtant Northwestern s'avéra être un moment capital de ma vie. J'avais une espèce de test à passer, ce qui m'avait demandé tout une mise en scène. Rien de tel que de faire appel au club de théâtre pour cela. C'est alors que je l'ai rencontré. Elijah Allen, un gars ayant quatre ans de plus que moi et qui donnait un coup de main lorsque le club théâtre avait besoin de poser des décors. Dès le début, quelque chose en moi s'est reconnu en lui. Comme si je n'étais que la moitié de moi même, et qu'ensemble nous formions un tout. Cela n'avait rien d'amoureux contrairement à ce que l'on pourrait y croire, et pourtant je n'ai jamais pu nous voir autrement que comme des âmes soeurs. (▽) Nous partagions tout : un goût prononcé pour le théâtre, un talent hors du commun, des opinions parfois semblable... mais c'était encore plus profond que cela. J'étais en totale confiance avec lui, tout comme il l'était avec moi. J'aurais sauté d'un pont sans hésité s'il me l'avait demandé. Avec lui, j'avais la sensation que je pouvais absolument tout faire, et j'étais capable de tout. Nous n'avions parfois pas même besoin de mots pour se comprendre. Il y avait une alchimie indéniable, une alchimie à en foutre des complexes aux couples les plus solides de cette université. J'ai toujours été une meilleure version de moi lorsqu'il était là. Nous comptions énormément l'un sur l'autre, pour absolument tout. (▽) La fin de l'année écoulée, il était temps pour Eli de quitter l'université, et pour moi de faire un choix. C'est alors qu'il m'informa de son projet de partir vers d'autres horizons... et je n'eus pas même à réfléchir. Je décidais donc de l'accompagner, sans même savoir où il comptait nous emmener. D'ailleurs pour lui, au départ du moins, il n'y avait pas de nous qui tenait ! Il croyait dur comme fer qu'il me fallait continuer l'université, et le plus marrant dans l'histoire était qu'il croyait sérieusement que j'allais accepter d'y rester. C'était sans doute égoïste de ma part, mais de toute manière, je n'étais pas certaine de supporter vivre sans lui, en le sachant à des kilomètres. Ce n'est qu'arrivés à l'aéroport qu'il m'avoua que nous allions à New York. Son projet : Broadway. J'aurais pu l'épouser dans la seconde après cette déclaration. Ce mec était PAR-FAIT. (▽) Les castings étant ouvert pour un revival des Misérables, nous avons donc auditionné pour les rôles de Jean Valjean et de Fantine... et contre toute attente, nous avons été retenu. Je crois que ma vie n'aurait pas pu être plus belle qu'elle ne l'était à cette époque. J'avais réalisé mon rêve ; j'étais sur les planches de Broadway pour une pièce absolument incroyable, avec un cast talentueux au possible et véritablement adorable, et surtout... Elijah était à mes côtés, et nous vivions ensemble notre rêve. Ne nous arrêtant pas à cela, nous nous sommes même trouvé un appartement ensemble où chacun s'est fait son petit coin niveau décoration. Joueur, Eli avait même recréé le décor qui nous avait permis de nous rencontré à Chicago. Nous étions chez nous, nous avions notre place dans cette ville, nous y ancrions nos vies. Dans un conte de fée, c'est ici que l'histoire se serait arrêtée, laissant croire à son candide lecteur que rien de mal pouvait venir perturber l'histoire, rendu à ce point. (▽) Mais voici l'après conte de fée. Nous sommes resté deux ans à New York, deux ans pendant lesquelles la pièce a continué à avoir autant de succès et qui nous a permit, à Eli et moi, de nous rapprocher davantage. Tandis qu'il m'apprenait le destin tragique qui l'attendait et auquel je n'aurais aucun moyen de l'extirper, je lui avouais mon passé dans cette ville, sur la mort de mes parents, et ma tentative de suicide qui en avait découlé. Des secrets que j'avais toujours pris soin de dissimuler pour plusieurs raisons : déjà parce que cela relevait de ma vie privée, ensuite parce que cela faisait bien trop mal d'en parler, et enfin pour m'assurer que personne jamais n'aurait le culot et la bassesse d'utiliser ces informations contre moi. Mais vous comprendrez aisément que revenir à New York n'était pas totalement chose aisée pour moi, même si elle restait ma ville favorite, celle de mes rêves, ces mauvais souvenirs refaisaient surfaces et c'est tout naturellement qu'il m'a semblé que Eli avait le droit de savoir. (▽) Je sais que ma déclaration a suffisamment ému mon ami pour qu'il écrive à ses propres parents, mais il n'eut pas droit à la réaction que nous espérions tous deux. A vrai dire, il n'y eut pas de réaction du tout... Quel genre de parents faisaient cela ? Moi qui avait eut droit à la famille exemplaire, je ne pouvais comprendre comment des parents pouvaient être si peu soucieux de leurs enfants. Suite à cela, Eli... est plus ou moins passé à autre chose. Nous nous sommes concentré sur Broadway, à nous amuser des autographes que nous devions signer, des gens qui nous reconnaissaient dans les rues, de la simplicité qu'était devenue notre vie en faisant un tel tabacs à Broadway. Les critiques furent nombreuses, bonnes comme mauvaises ; une autre épreuve à traverser ensemble. Il est une chose de se faire critiquer par des imbéciles ne comprenant rien à leur propre vie, il en est une autre de lire les critiques du New York Time, ou du Playbill. Mais durant deux longues et magnifiques années, nous avons perduré dans nos efforts autant qu'il nous était permis de le faire. Comme pour pratiquement chaque revival, Les Mis se joua plusieurs années. Mais à l'échéance de ces deux ans, nous ne faisions plus partie du cast. (▽) Les rumeurs diront que nous avons été renvoyés parce qu'imbuvables et que personne ne voulait plus travailler avec nous, les plus grotesques iront jusqu'à dire que je suis tombée enceinte d'Eli, mais la vérité est toute autre. Vous vous souvenez de cette fameuse lettre restée sans réponse ? Deux ans plus tard, elle se tenait sur deux jambes, face à Eli : sa mère était venue jusqu'à New York pour le voir. Ce qui poussa Eli à couper la pièce fut de découvrir que sa mère était atteinte de la maladie d'Alzheimer. A partir de là, deux options s'offraient à moi : le laisser partir et continuer seule, ou le suivre, parce qu'il avait besoin de moi. Est-il vraiment utile que j'insiste davantage sur la décision que j'ai choisi ? (▽) Je n'évoquerai pas la période noire de mon ami. Déjà parce que cela ne vous regarde pas, mais ensuite parce que j'ai toujours été certaine de ne pas avoir toutes les informations. Il faisait des choses dans mon dos, il n'était plus le même, et quand il s'agissait de lui... je ne savais plus rien. Je ne connais que l'acte final : Eli, transporté en urgence à l'hospital, diagnostiqué d'une cirrhose et d'un cancer, écrivant pour nous deux la fin de l'histoire. Eli mourrait. C'était aussi simple que cela. Rien de ce que je pourrais faire ne le sauverait, seul un donneur de foie le pourrait. Et encore. Eli n'était pas en haut de la liste, les choses seraient bien trop faciles sinon... (▽) Je n'en n'ai rien montré. Mais cette annonce m'a détruite aussi sûrement que l'avait fait la mort de mes parents. Mais cette fois, je devais être spectatrice de la situation, en vivant, comme Eli, dans la peur du jour fatidique où sa maladie prendrait le dessus et lui ôterait la vie. Mais croyez bien que si je ne montre rien... si je suis restée aussi froide à l'annonce du médecin, plus froide que je ne l'ai jamais été, ce n'était pas par manque de coeur. C'était uniquement pour ne pas m'éparpiller. Fondre en larmes, en cris, en coups, en reproches, en hurlements. Et c'est ce que je fais, aujourd'hui encore. Parce que je n'ai pas le choix. Parce que je dois être forte, pour lui, pour moi, pour emmerder les imbéciles qui se délecteraient du spectacle. (▽) J'ai toujours été présente pour Eli. Mais un jour... un jour, je l'ai retrouvé totalement défoncé, totalement saoule, totalement... différent. Je lui ai donc posé un ultimatum. Sa déchéance, ou moi. Mais s'il me perdait, cela serait absolument définitif. C'est sur ces mots furieux que je l'avais quitté, bien décidée à ne plus entendre parler de lui jusqu'à ce que je sois calmée. Ce soir là, Elijah m'a appelée. Ce soir là, j'ai délibérément refusé de répondre. Ce soir là, je l'ai perdu. Ce soir là... il a rejoint le Darwin's Game. Par ma faute.  (▽) Il ne sait pas que je l'ai découvert, pas plus qu'il ne sait que j'ai rejoint le jeu à mon tour. Mais il a été fait avéré maintes et maintes fois qu'on ne peut jamais se cacher quoi que ce soit bien longtemps, aussi ai-je acheté un second ordinateur via lequel je me suis inscrite et me connecte au jeu, ordinateur qui se retrouve fermé à triple cadenas ( littéralement ) dans mon placard, derrière plusieurs boîtes remplies de vêtements et de chaussures. (▽) Vous voulez la fin de l'histoire ? Croyez le ou non, je l'ai déjà. Car Darwin's Game ou pas, Eli est toujours condamné. Alors... vous voulez la fin de l'histoire ? Il va mourir. Et à la seconde qui aura suivit sa mort... Moi aussi.