vingt-cinq ans
riche, "chanceux"
pompier
célibataire populaire
né et élevé à chicago

--------------------il est le frère, quelque part inexistant tout autant que sa cadette : la culpabilité le rongeant prématurément alors que, tout jeune, il ne pouvait s'empêcher de ressentir des piques de responsabilité, face au regard vitreux, à la silhouette famélique de la blanche alaska. (▽) parents riches, enfance heureuse ; ses souvenirs sont baignés de l’aseptisé de l'hôpital, les bipbip de la machine, calculant les combats vaillants du cœur de sa sœur. l'inquiétude pulsant, pulsant dans ses veines. à l'absence des géniteurs, il était celui qui pansait les maux de la poupée, lui chantant des chansons, murmurant ces mots d'amour si précieux qu'aucune autre n'a su lui arracher. (▽) a-t-il seulement vécu, lui ? errance parmi la vie, ses préoccupations gravitaient autour d'un même point ; et pourtant, pendant vingt-cinq ans, jamais le frère aîné ne s'est posé la question. elle était ce qui importait, et les sourires de sa petite sœur suffisaient à rendre désuets tous les sacrifices : il est allé à l'école, lui. il a des amis, lui. il ne ramasse qu'une méchante plaie en se cassant la gueule, lui. (▽) l'impuissance est ce sentiment qu'il répugne plus que n'importe quel autre - cette amertume dégueulasse qui coule entre ses lèvres comme un noir café ; il s'y est accoutumé (s'y accoutume, parfois). on le disait parfois agité gamin, et se dépenser lui permettait d'extérioriser : extérioriser une impérieuse rage à l'égard du monde, du bon dieu auquel personne dans sa famille n'a pris la peine de croire. qui décide quoi ? lorsqu'il balance un poing dans la gueule de quelqu'un, il est difficile d'imaginer la douceur avec laquelle il passe une main sur le front de porcelaine de sa sœur, presque le seul capable de ne pas la faire s'effriter. (▽) elle fuit, elle le fuit ; glisse entre ses doigts et s'échappe de la réalité : sam pourrait vaincre vents et marées pour cette petite sœur qu'il a portée dans son âme dès le premier jour de leur rencontre. là, perché sur la pointe de ses pieds, à écouter le battement de cœur d'un point noir au milieu d'un océan de points noirs, l'absurdité de l'incompréhensible. l'absurdité de ce que ça fait, une vie fragile, de laquelle on se sent responsable. (▽) il voudrait que le monde soit sans nuage, une lettre d'amour dédiée à cette cadette qui s'enfuie ; diplomate, presque altruiste, l'aîné jenkins tente d'apaiser les vagues plutôt que de faire avec - au milieu des tensions familiales, du malaise de ses parents, il était la main stable qui continuait de retenir à la vie sa cadette. l'humanité de l'enfant, pourtant, a toujours repris le dessus, avec fracas parfois : alaska ne sait sans doute rien, du frère capricieux, colérique qu'il a été - est - lorsque parfois, la réalité l'épuise lui aussi. (▽) être pompier, sauver des vies - d'une certaine manière, cette tâche lui insuffle la vie, le sentiment de réussite. enfin. il est utile, doux, attentif, généreux - il se noierait volontiers dans la vie telle qu'elle est, la vie réelle si on ne lui offrait que cela. sam n'est pas de ces bêtes blessées, ayant le besoin vital de se perdre dans ce qu'il juge volontiers le chaos - il exècre plus qu'il n'aime le darwin's game. c'est pourtant dans ce tourbillon que sa sœur s'est perdue : et au milieu de la tempête, il ira l'y chercher. (▽) on l'a aimé, parfois presque comme un fils unique - et égoïstement, en ces âges ingrats, il a de temps en temps songé à ce que ça pourrait faire. sans elle. égoïstement ; mais alaska est ce qui a le plus de sens dans son existence, elle est sa substance, sa contenance : où serait-il, sans elle ? qu'aurait-il fait, s'il n'avait pas été à son chevet à elle ? la responsabilité si profondément incrustée en son être, sam a fait avec, mais alaska a fait resplendir sa vie. (▽) la fête est son échappée, il s'est noyé dedans, souvent ; les a-t-elle remarquées, ces fois où il somnolait à côté de son lit d'hôpital, lunettes noires sur le nez, à cause d'une putain de gueule de bois ? on l'envie volontiers, quand on ne gratte pas la surface : les jenkins ont de quoi appâter les convoitises. argent, succès, intelligence, adaptabilité. certaines accueillent volontiers les flatteries du fils, d'autres les envient pendant longtemps : elles sont passagères, éphémères. mais aussi fragile qu'elle peut sembler, alaska est sa reine, et il se sentirait trop coupable de l'évincer. (▽) tout ça pour ça, se dit-il avec une pointe d'amertume, lorsqu'il dévisage les paysages du darwin's game, lorsqu'il en apprend les contours et les règles. tout ça pour ça ; une ingratitude, balancée en plein dans sa tronche, une couleuvre qu'il n'arrive définitivement pas à avaler. elle peut croire ce qu'elle veut, alaska la fugueuse : mais encore et encore, le frère si attentif oscille entre colère et désespoir, lorsqu'il sent sa sœur lui échapper. pour ça. ce bain de sang, cette orgie de violence. cette fin de tout. tout ce qu'elle est. et il pourrait presque la détester pour une telle trahison. (▽) il aime avec déraison, mais n'est pas un arnaqueur : quand ça n'veut rien dire, il le dit de but en blanc - passant à autre chose, dès le lendemain. sam ne s'encombre pas de mensonges ; on pourrait même dire qu'il déteste ça, le mensonge, la tromperie. l'art de poignarder dans le dos. trop passionné, trop ardent - entier jusqu'au bout de son âme. la trahison est toujours plus acerbe à ses tripes qu'à celles des autres. et après tant d'efforts, l'chemin du pardon n'est pas celui qu'il empreinte le plus souvent. (▽) il déteste, purement et simplement, presque de manière animale et instinctive, le darwin's game et tout ce qui le compose : peu importe le pied qu'il prendrait dans ce jeu, voir l'agonie lente et douloureuse de l'âme de sa cadette le rappelle toujours à ce que c'est, la réalité