Wild lands ( Devon )

Chill Chasers

“Perhaps she is some feral thing with savage eyes and a wildfire smile. There, you see the slow way she blinks, the hungry way her chest rises? She must be so very wild. ” ― Amrita C.

Tes yeux sont rivés sur la cible, ton arme douce prisonnière entre tes mains. Fermes, mais détendues que tu te répètes silencieusement. Tes pieds ratissent le sol, cherchent à dégager la moindre saleté déséquilibrant ton poids. Ton regard lui, glisse dans la mir de ton pistolet, orientant ce dernier vers la cible. Tu prends un grand respire, retenant ton souffle. Et tu tires. Une, deux, puis trois fois, reprenant ton souffle une fois terminé. Ton arme pointée au sol, tu inspectes ensuite les résultats : deux coups près du cœur, le dernier déviant plutôt vers l'épaule. Hm, pas si mal alors que tu esquisses un faible sourire. Beaucoup mieux qu'à tes débuts, ça c'est certain. Tu ne sais même plus combien d'heure tu as consacré à ce genre de pratique, à serrer les dents et maudire du simple carton alors que tu n'arrivais à rien. À perdre le souffle l'espace d'un court instant alors que tu le voyais enfin transpercé. À frissonner la première fois que tu tenais ton arme entre tes mains et que tu comprenais que tu devais tirer pour faire souffrir. Possiblement tirer pour tuer ou mourir. Et maintenant tu pressais la gâchette avec un calme olympien, tes mains calmes et confiantes dans leurs actions, une chose qui arrivait toujours un peu à te surprendre, surtout ta droite. Et comme tu es perfectionniste jusqu'au bout des ongles, tu es déjà prête à retenter le coup, remontant ton arme sur ta victime pour lui offrir une nouvelle mort. Enfin, jusqu'à ce que tu aperçois une silhouette au loin. Familière, rassurante même dans sa démarche, tu en oublies momentanément les conseils, ton arme toujours pointée alors que tu tournes la tête pour attraper une bribe de sa présence. Si tu hésites un instant, pinçant les lèvres, tes doigts pressant contre ton arme, tu as tôt fait de désarmer celle-ci, enclenchant ensuite le cran de sûreté avant de te dérober du stand de tir.

Tes pas sont trop rapides. Tu es hâtive et transparente alors que tu poursuis son ombre. Tu t'en fiches après tout, ce n'est pas comme si les autres n'étaient pas habitués de vous voir traîner ensemble. Par chance, tu le rattrapes assez vite, résistant à l'envie de l'interpellé avant le tout dernier moment. « Lhotse » que tu souffles, avec une certaine incertitude alors que ta main l'attrapes avec une familiarité instinctive. Une autre seconde, un peu volage et tu aurais prononcé son prénom, chose que tu ne savais jamais si tu pouvais faire avec les autres joueurs qui t'étaient familiers ici, malgré tout ce temps. Tu tentes un sourire pour te rattraper, un peu gauche, un peu raté et tu relâches ta prise maintenant que tu as son attention. Tu aimerais bien être plus fonceuse, moins stagnante, mais comme tous ces visages qui connaissent Fiona derrière Juno, tu te flétris toujours un peu. Tu t'avances un peu, en fausse confidence alors que tu donnes enfin raison en ta présence « t'as une seconde ? » parce que tu n'es pas si capricieuse. Tu peux encore accepter quelques « une autre fois » avant de te rebeller. Tu es encore compréhensive, le sachant occupé, surtout avec son poste, mais tu oses, tout de même. Tu vas même jusqu'à l'agripper de nouveau, fervent dans ta curiosité. « je veux juste savoir si tu y as réfléchis » et il sait très bien de quoi tu peux bien lui parler. Un sujet que tu as amené en douceur, lentement mais sûrement alors que l'idée germait, s’enracinait dans ton esprit. Un caprice, encore un autre. Dangereux, cette fois-ci, mais pas plus stupide que de jouer les intrépides kamikazes. Tu as le prétexte, tu as les raisons, il ne te manque plus que la réalisation. Ce que Lhotse peut te fournir, peut-être, avec le temps.« tu sais que je ne le demande pas à la légère hein ? Je t'ai déjà dit à quel point j'étais sérieuse. » Tu fronces les sourcils, l'encourage à vous séparer des oreilles curieuses, parce que tu n'aimes jamais vraiment parler de la raison principale de tes agissements. Et tu attends, patiente alors qu'il considère sans doute tes paroles. Tu le jauges en silence, le regard un peu brillant, un peu plus ardent alors que tu attends une sentence déjà trop longtemps repoussée. Tu tritures la chaire de ta lèvre pendant quelques instants, alors que l'attente devient insoutenable et le silence, trop pesant. Peut-être que tu prends peur, effrayée par un rejet que tu sais beaucoup trop en ta faveur. Parce que tu ne veux pas entendre que toi, tu ne peux pas le faire en réalité. Alors tu secoues la tête, te trouvant ridicule, déjà prête à abjurer, balayant le tout de la main. « Écoutes, si t'es pas prêt à me donner une réponse, ne me fait pas languir. C'est pas grave, t'en fais pas. » Tu soupires, prête à rebrousser chemin et à ramasser ton orgueil, non sans qu'il reste coincé dans ta gorge.

WILD LANDS

Les filets de pêche que portait Devon étaient lourds, mais il en supportait le poids sans rien dire. Ce n'était pas comme si porter de lourdes choses lui était étranger. Un semblant de routine s'était installé, à aller et venir, de l'eau à la terre, de la terre à l'eau. Devon s'était accommodé plus vite qu'il ne l'aurait pensé, et tout ça grâce à ce rôle qu'il avait au sein de l'équipe. Devon le Pêcheur. Ou non. Lhotse le Pêcheur, plutôt, puisque tel était le nom sous lequel il évoluait au sein du jeu.
Tandis qu'il avançait parmi les débris de taule et de rouille, en direction du hangar principal où les membres de l'équipe étaient installés, il sentait la morsure du soleil sur sa nuque offerte, car c'était tête baissée qu'il marchait, soutenant le poids des filets sur ses larges épaules. Oh, ce n'était pas si mal. Il préférait mener la vie dure aux poissons que d'avoir à tuer qui que ce soit. Il n'ignorait pas que ce jour finirait par arriver, il essayait de s'y préparer, même, de temps en temps, lorsque la fatigue ne le faisait pas sombrer dans un sommeil de plomb. Devon avait élu domicile un peu à l'écart des autres, dans la tour de contrôle d'un gros paquebot échoué dans le hangar. Il y avait assez d'espace pour lui, et puis, c'était en hauteur. Il avait une vue d'ensemble sur tout ce qui pouvait se passer dans le hangar, un avantage dont il ne se privait pas.

Les hautes herbes lui chatouillaient les mollets. Le soleil commençait à descendre, et il lui fallait aller mettre les filets à l'abri pour ne pas avoir de mauvaises surprises le lendemain. Il régnait une espèce de chaleur douce et crépusculaire, et Devon avait hâte d'aller retrouver les autres. Mais sa personnalité était empreinte d'un curieux paradoxe, car il arrivait à l'alpiniste d'apprécier se retrouver seul. Pour grimper, par exemple. Escalader ces grues désaffectées, juste pour se sentir galvanisé par cette sensation de vertige dont il raffolait. Peu de personnes pouvaient comprendre son besoin de hauteur, sinon son frère. Lui-même ne se l'expliquait pas vraiment. Il fallait qu'il grimpe, tout simplement. Sans cela, à rester les deux pieds sur terre, la vie lui paraissait vite fade, sans aucun intérêt. Devon avait exploré la quasi totalité des hauts espaces du chantier naval, et celui qu'il préférait demeurait le toit du hangar. Idéal pour pour suivre la lente mais néanmoins réelle déclinaison du soleil sur le... « Lhotse » Interrompu dans le fil de ses pensées, Devon s'arrêta et se redressa aussitôt, sentant qu'on lui agrippait le bras. Il fit volte-face pour se retrouver face à face avec Juno, ou Fiona. Ou les deux. Il étira un petit sourire, car il savait très bien pourquoi elle était là, outre qu'elle faisait partie de la même équipe que lui. Il la regarda, portant toujours les filets sur ses épaules, et la jeune femme prit à nouveau la parole. « T'as une seconde ? » Devon laissa tomber les filets à terre et frotta sa nuque endolorie par les frottements des cordages et la morsure du soleil sur son épiderme. « Bien sûr, » répondit-il en fronçant les sourcils, feignant d'ignorer la raison de cette conversation. « Qu'est-ce qu'il y a ? » Il regarda se bras qui vint une nouvelle s'agripper à lui, avant que les mots de Juno succèdent à ses gestes. « Je veux juste savoir si tu y as réfléchis. » Un sourire fit à nouveau irruption sur le visage de Devon, qui ne répondit cependant pas. Il croisa ses bras sur sa poitrine, renvoyant son regard à la jeune femme qui enchérissait : « Tu sais que je ne le demande pas à la légère hein ? Je t'ai déjà dit à quel point j'étais sérieuse. » Devon pouvait lire la détermination dans le regard de Juno, et il se demandait jusqu'où cette détermination la mènerait. À en croire son degré d'entêtement, elle n'abandonnerait sans doute pas facilement. Cela faisait un moment que Devon avait adopté cet avis vis-à-vis de la brune, mais il attendait. Pas par sadisme, mais pour voir à quel point elle pouvait être coriace. Et Juno n'en finissait jamais de le surprendre. « Je sais, » répliqua-t-il alors, après un temps, ses yeux toujours rivés sur elle, comme s'ils fouillaient les tréfonds de son âme. Et rien de plus. Le silence reprit sa place au milieu de cette conversation qui ne savait si elle devait tendre vers l'orage ou vers une éclaircie, et Devon ne quittait pas Juno du regard. Interprétant, décryptant la moindre de ses réactions. L'impatience finit par s'emparer d'elle, et à nouveau, le même sourire amusé revint danser sur les lèvres de Devon. « Écoute, si t'es pas prêt à me donner une réponse, ne me fait pas languir. C'est pas grave, t'en fais pas. » Elle allait s'en aller, déçue, quand Devon choisit de la retenir. « Eh, » lança-t-il. « J'ai pas dit non. Mais j'ai pas dit oui non plus... » Sourire qui se veut taquin, œil qui se veut malicieux, et puis, d'un seul coup, il se reprit. « Non, écoute. Je veux bien te montrer, d'accord, mais je veux que tu m'écoutes. Pas que tu n'en fasses qu'à ta tête. » Il se pencha pour ramasser les filets, les remettre sur ses épaules, puis il déclara à l'intention de Juno : « Tu veux grimper ? Montre-moi que tu sais écouter. »

(c) AMIANTE

Chill Chasers

“Perhaps she is some feral thing with savage eyes and a wildfire smile. There, you see the slow way she blinks, the hungry way her chest rises? She must be so very wild. ” ― Amrita C.

Tu le détestes dans ces moments-là. Non, faux. Tu aimerais le détester plutôt. Parce que tu trouves difficile de te montrer sombre et sérieuse lorsqu'il te regarde de cette façon, mesquin à souhait. Lui et sa facilité marquante à alléger ton cœur de ces poids lourds au fil du temps. Tu éprouves de la difficulté à garder ton air sobre et sévère alors qu'il se la joue ignorant, te poussant à dévoiler tes désirs. Tu en taperais presque du pied, tant il t'agace tout en te donnant envie de sourire contre ton gré, ce qui t'agace encore plus. Il ne pouvait pas te prendre sérieux ? Surtout en ce moment. On dirait un chat qui se délecte de voir la petite souris danser pour son fromage. Tout de même, tu lui fais plaisir, tu te montres plus directe et clarifie la raison de ta présence, même si tu as l'impression que ça t'expose seulement plus au rejet potentiel. Tu ne lâcheras pas le morceau, tu y tiens vraiment et tu lui fais savoir sans plus de cérémonie. Pour ensuite subir son silence. Tu ne sais pas vraiment l'effet escompté que tu désirais produire avec tes paroles, mais ce n'était certainement pas celui-là. Il te laisse sur ta faim et tu te demandes presque si tu aurais besoin de te mettre à genoux pour qu'il considère plus sérieusement la chose. Enfin, ça c'est jusqu'à ce qu'il te réponde avec un simple « Je sais, » Trop court, trop simple, trop peu. Une constatation, pure et simple, mais qui ne la fait pas avancer pour autant. Pas dans son esprit du moins. Et tu l'avales comme tel, avec le goût aigre du refus que tu décodes. Tu gardes contenance autant que possible, même si tu peux sentir tes murailles se resserrer autour de toi. Encore quelqu'un qui te disait « non », quelqu'un qui te considérait sans doute trop fragile malgré tout, une fleur trop près de faner. Tout de même, tu te veux civile, alors que tu balayes le tout de la main, histoire de ne pas trop l'inquiéter. Tu rongeras bien ton os plus tard, pour le moment tu avais surtout envie de t'éclipser, un pas déjà fait dans la même direction que celle dont tu étais venue.

« Eh, » qu'il lance et mécanique, tu t'arrêtes et te retourne. L'oreille tendue, le regard curieux. « J'ai pas dit non. Mais j'ai pas dit oui non plus... » Tu fronces les sourcils, ça voulait dire quoi au juste ? Tu pinces les lèvres un bref instant, confuse alors que tu rétorques rapidement « J'ai cru que.. » « Non, écoute. Je veux bien te montrer, d'accord, mais je veux que tu m'écoutes. Pas que tu n'en fasses qu'à ta tête. » Ton visage, jusqu'ici renfrogné alors que ton regard ne quittait plus le sol, se redresse soudainement à ses mots. « Vraiment ?» que tu demandes, décidant d'ignorer la petite pique adressée à ton égard pour l'instant. « Tu veux grimper ? Montre-moi que tu sais écouter. » Cette fois tu ne retiens pas ton sourire, un peu narquois, croisant les bras. « je suis l'exemple même de l'écoute attentive, tu ne le sais pas déjà ? » Tu es sarcastique, mais ça n'empêche pas de vouloir démontrer ton bon vouloir. L'une de tes mains agrippe la bretelle de ton haut, tirant sur celle-ci pour lui montrer tes vies encrées contre ta peau, affichant un joli dix bien rond. « Tu vois, tes conseils finissent par rentrer » que tu taquines à ton tour, replaçant ton vêtement. Combien de fois qu'il t'a réprimandé avec Drathir pour ce genre d'agissements ? Pas le meilleur des exemples, mais bon, c'est le mieux que t'avais pour l'instant. « Je te suis Gilligan » que tu souffles à sa suite, lui faisant signe de continuer sa route, déjà bien plus énergique qu'à ton arrivée. Franchement, tu ne savais pas trop comment il voulait que tu lui prouves que tu es capable d'écoute, peut-être que là était justement le problème, mais quoi qu'il te demande, tu y arriverais sans doute. Du moins, tu l'espérais. À moins qu'il se la joue Yoda et cryptique à souhait, là t'étais dans la merde. Tu marches tout près de lui, tentant de ne pas l'asséner de questions en tout genre sur ce qui t'attend comme leçon, ou quand celles-ci débuteraient par exemple. Tu te veux tranquille, légèrement silencieuse alors que tes yeux glissent sur les filets qu'il transporte sans gêne sur ses épaules. Tu serais tentée de lui demander s'il veut bien un coup de main, mais à la place tu préfères lui demander, bien banale « Ça va la pêche sinon ? T'es pas trop surmené ? » histoire de ne pas passer pour la fille qui vient seulement demander des services quand ça lui chante. Qui plus est, tu lui as déjà offert des coups de mains de temps à autres, alors légitime à toi de demander, non ? Ouais, franchement, tu rendais toute cette expérience très naturelle, bien joué ma grande.

WILD LANDS

Cela faisait des semaines que Juno lui demandait la même chose. Elle voulait grimper, et elle voulait qu'il lui montre. Au départ, Devon avait refusé, trouvant la jeune femme trop frêle et trop sûre d'elle. Mais au fil du temps, à force de passer du temps en sa compagnie, d'apprendre à connaître la personne qu'elle était dans le jeu, il avait fini par se rendre compte qu'elle était tout sauf frêle. À force de la sermonner, de lui demander d'être plus prudente, de veiller sur elle de loin. Devon gardait un oeil sur tout le monde dans le camp, à distance. Du haut de ses perchoirs improvisés. Il se savait un des plus âgés avec Roy et d'autres, aussi se sentait-il responsable des plus jeunes, comme Juno. Après, il était vrai qu'ils avaient développé une relation qui les amenait souvent à confesser des choses l'un à l'autre, et si Devon avait tout d'abord hésité à se confier, aujourd'hui, tout doute avait disparu.

En entendant Juno l'appeler, il avait tout de suite su. Et pour s'amuser un peu, il l'avait fait attendre. Il s'était fait désirer, Devon, dans ses réactions, dans ses réponses. Il savait que c'était loin de plaire à Juno, et son petit jeu n'avait pas duré. Au moment où elle semblait renoncer à sa demande, Devon choisit de la retenir, lui annonçant qu'il était prêt à lui montrer à la condition qu'elle devrait l'écouter. Le sourire qui naquit sur les lèvres de la brune rassura Devon, qui eut peur qu'elle ne le prenne mal en l'espace d'un instant. Sa réponse arracha même un petit rire à l'alpiniste. « Je suis l'exemple même de l'écoute attentive, tu ne le sais pas déjà ? » « Hun-hun ! » qu'il répliqua, le regard rieur tout en reprenant sa route. Il suivit du regard les mains de la jeune femme qui se frayaient un chemin jusqu'à la bretelle de son haut pour dévoiler le chiffre dix sur sa peau. Devon détourna le regard en souriant. « Tu vois, tes conseils finissent par rentrer. » « Encore heureux ! » qu'il dit en lui jetant un regard affectueux. C'était agréable de se sentir écouté et estimé. Devon n'avait pas la même approche que nombre des personnes sur le camp. S'il prenait l'exemple de Drathir, on pouvait dire que leurs méthodes n'avaient absolument rien en commun. Devon était, dans la vie réelle comme dans le jeu, quelqu'un qui s'impliquait réellement auprès des personnes qu'il souhaitait aider. Sans doute trop protecteur, mais il n'y pouvait rien, cela faisait partie de lui. « Je te suis Gilligan » qu'elle déclara en marchant à ses côtés. Devon secoua la tête avec bonhomie. Voilà un surnom qui lui allait bien, pour une fois. Il n'avait jamais été accro aux surnoms, mais venant de Juno, il savait que ça n'avait rien de moqueur.

Ils marchaient côte à côte, Devon portant ses filets, et Juno adoptant l'allure de l'alpiniste lorsqu'elle lui posa une question. « Ça va la pêche sinon ? T'es pas trop surmené ? » Ravi qu'elle lui pose la question, Devon se frotta le front à l'aide d'un de ses avant-bras, puis il répliqua : « Non, ça va. Mais on a de la chance d'avoir tout ça, (il désigna le filet du regard) sinon ce serait beaucoup plus compliqué. » Tandis qu'ils marchaient, ils approchaient du hangar, et Devon alla poser les filets dans un coin, libérant ses épaules d'un poids conséquent. Il s'étira un moment, tel un chat, faisant craquer son dos, puis il se tourna vers Juno. « Allons-y Lara Croft. Tout c'que j'espère, c'est que tu n'as pas le vertige. » Il lui adressa un clin d’œil, tout fanfaron d'avoir pu lui trouver également un surnom. Puis, il lui fit signe de le suivre, et il sortit du hangar, le contournant pour s'arrêter à l'autre extrémité. Devon posa une main sur la tôle froissée, prêt à grimper, puis, se tournant vers Juno, il lui demanda : « Dis-moi, comment tu t'y prendrais ? » Il était d'un seul coup curieux de voir quelle serait sa tactique pour escalader la façade du hangar. Lui savait parfaitement comment s'y prendre, mais il voulait titiller l'imagination et le bon sens de la jeune femme avant de lui donner la solution.

(c) AMIANTE

Chill Chasers

“Perhaps she is some feral thing with savage eyes and a wildfire smile. There, you see the slow way she blinks, the hungry way her chest rises? She must be so very wild. ” ― Amrita C.

Le chiffre encré contre ta peau basanée fait l'effet d'un accomplissement. Une fierté que tu ne te gênes pas à dévoiler, surtout à Devon, même si ce dernier détourne le regard. Une marque de respect, encore une, qu'il présente à ton égard et ça te fait sourire un peu plus. Tu le remercies, lui et Drathir, de t'avoir secoué au moment où ils l'ont fait. Ton attitude d'alors découlait presque des Caho, tant tu étais impulsive et sauvage. Prête à tout pour te prouver immortelle, au moins ici. Et que tu étais prête. Tu aimais te convaincre que tu ne craignais pas la visite de la faucheuse. Qu'au contraire, tu l'attendais avec impatience. D'où le jeu stupide de jongler avec tes vies. Tu aimes encore le croire par moment, sauf que tout le monde le sait, toi avant tout, que jamais tu n'as été assez brave pour laisser tes chances s'écouler à zéro et quitter cette terre qui semble te promettre que de la souffrance. Une tête brûlée qui courait après les ennuis, voilà ce que tu étais. Ce que tu es encore, par moment, mais tu es assez sage pour reconnaître la faute en ton comportement maintenant. À user de patience, ils avaient bien réussi à te remettre sur le droit chemin. « Encore heureux ! » Oui, c'était bien dit. Encore heureux, sinon qui sait où tu en serais en ce moment, si par mégarde tu aurais continué sur ce chemin. Tu préfères ne pas t'y attarder plus qu'il ne le faut. Tu possèdes déjà plusieurs raisons de ruminer, de broyer du noir. En faire de même dans Darwin's Game ne ferait que t'arracher le peu de plaisir que tu arrives enfin à te procurer, toi, libérée de ses chaînes qui te font prisonnière dans la réalité. Tu secoues simplement la tête, prenant le tout avec légèreté alors que tu lui fais signe de vous mener, lui attribuant même un surnom qui ne rate pas son effet. Il faut dire qu'à le voir marcher ainsi, ses filets sur ses épaules, l'appel de l'eau jamais trop loin, il te fait l'effet d'un naufragé. Tout en considérant le fait d'adopter ce surnom à son égard, tu enchaînes le pas à sa suite, marchant à ses côtés.

Être polie est plus qu'encrée dans tes habitudes, mais ce n'est pas la seule chose qui te pousse à lui demander comment se déroule ses efforts à la pêche. Plusieurs fois, tu lui as proposé ton aide, lorsqu'il se retrouvait en sous-effectif. Tu sais que ce n'est pas un travail facile, encore moins lorsqu'on s'y met avec les filets. Ton intérêt est sincère, surtout que tu sais que c'est un travail qu'il apprécie pleinement, encore plus que tu vois son visage s'illuminer sous la question. « Non, ça va. Mais on a de la chance d'avoir tout ça, sinon ce serait beaucoup plus compliqué. » Tu hoches la tête, scrutant les signes de fatigue. « peut-être qu'on pourrait se confectionner quelques casiers pour vous faciliter la tâche, voir si y'a pas quelques crustacés à se mettre sous la dent, qu'est-ce que t'en dis ? » Tu ne parles pas en connaissance de cause, loin de là. Tu n'es pas une experte en la matière, même si tu avoues attraper quelques fois la chaîne de pêche en haute mer depuis que tu as mis la main à la pâte. C'est une suggestion comme une autre. Le monde marin, c'est le truc à Devon. Toi, c'est les plantes et les fleurs que tu connais, ici comme ailleurs. Bientôt vous arrivez au hangar et tu laisses le soin à Devon d'y déposer ses filets, demeurant un peu plus loin alors qu'il profite de nouveau de sa liberté de mouvement. « Allons-y Lara Croft. Tout c'que j'espère, c'est que tu n'as pas le vertige. » Tu ne peux t'empêcher un léger éclat de rire, détournant à ton tour le regard, tes mains trouvant tes hanches. Lara Croft, si seulement. Rien ne pourrait t'arrêter si c'était le cas. « J'espère aussi » que tu réponds, amusée. Grimper ne t'a jamais déranger, mais tu te doutes que tu entres dans une toute nouvelle catégorie de hauteur. Tu verras bien le moment venu.

Obéissante, tu le suis lorsqu'il te fait signe jusqu'à l'extérieur du hangar. Tu l'observes d'un regard curieux, tes yeux suivant le mouvement de sa main sur la tôle, t'attendant à une démonstration, lorsqu'il se retourne. « Dis-moi, comment tu t'y prendrais ? » Tu es prises de court, tu n'as pas honte de l'admettre. Tu le regardes quelques instants, surprise, avant de reporter ton attention, hésitante, sur le mur. Tu pinces les lèvres, croises les bras. « Si j'étais Lara Croft, j'aurais déjà utilisé un pistolet grappin » Tu te permets un sourire en coin, ton regard glissant sur lui pour voir si la blague est de mise ou si au contraire, tu dois prendre le tout avec plus de sérieux. Ce que tu décides de faire. Te raclant la gorge, tu portes une main sur le mur, caressant la surface avant de reprendre « J'imagine que.... j'essaierais de trouver un point où m'accrocher et... » tu joins le geste à la parole, tâtant jusqu'à ce que tes doigts trouvent une légère crevasse que tu juges assez profonde, puis tu t'élances. Tu sautes, ton autre main cherchant appuie alors que tes pieds, eux, balayent la surface à la recherche de la même chose. Ta main déjà agrippée finit par manquer de force et, trop hâtive, tu ne rattrapes pas ta chute, terminant le tout sur le derrière. Tu observes Devon, un peu honteuse, avant de te relever et de recommence sans un mot. Ton deuxième essais n'est pas plus concluant, même si tu t'assures de trouver une prise pour tes deux mains. Le troisième et dernier est aussi pire et encore une fois, tes fesses rencontrent durement le sol. Tu soupires, bruyante et légèrement exaspéré par tes échecs cuisant pour finalement lui demander. « Okay, j'en sais rien. Comment je dois m'y prendre ? » Tu le regardes, les bras sur tes genoux, quelques mèches folles devant ton visage. Ouais, ça commence bien.

WILD LANDS

D'un côté, Devon avait eu de la chance à son arrivée dans le jeu. Un tel univers, rempli de toutes sortes de nouvelles choses, avaient de quoi changer une personne en une fraction de seconde. Les paisibles devenaient agités, les inoffensifs devenaient agressifs. Les sages devenaient cinglés. Un véritablement dédoublement de personnalité. Devon avait, par il ne savait quel moyen d'ailleurs, réussi à garder les pieds sur terre. Mais il ne se leurrait pas, la présence de son frère y était pour beaucoup. Roy, et puis l'eau, la hauteur. Autant de choses qu'il appréciait en dehors du jeu étaient devenues son quotidien ici, au sein du Darwin's Game. C'était sans doute pour ça qu'il avait réussi à rester le même, malgré tout. Car du changement, bien sûr qu'il y en avait. C'était obligé qu'il y en ait. On ne survivait pas dans le Darwin's Game comme on vit sa vie dans le monde réel. Les menaces sont partout. Dans la présence des autres groupes, dans les plantes que l'on ne connaît pas, dans la force de la nature et dans la méfiance des gens. Dans le cas de Juno, c'était bien différent. Un sentiment de puissance mêlé à de l'auto-destruction avait failli conduire la jeune femme à sa perte, et il avait fallu s'y mettre à plusieurs pour la remettre dans le droit chemin. Aujourd'hui, elle semblait s'être rendue compte, à force de paroles et de conseils, qu'elle aurait pu y passer rapidement. Devon, qui n'avait pu se débarrasser de son côté pédagogue, même au sein du jeu, avait veillé à ce qu'elle réalise tout cela. On lui avait bien souvent reproché de trop materner les gens dans la vraie vie, mais au sein du jeu, il savait que ce n'était pas de trop, même si, au bout du compte, on finit à s'accrocher à des gens qui menacent d'un jour où l'autre de vous quitter pour revenir plus faible. Devon préférait ne pas penser à cet aspect-là des choses, il se forçait à croire qu'on pouvait survivre ici, en étant soudés, vigilants et positif. Ils étaient pris au piège ici, et rien ne pourrait jamais changer ça.

En route vers le hangar, Juno se mit à lui poser des questions sur ses occupations, et Devon apprécia la démarche. Certes il avait accepté de lui montrer comment grimper, comment évoluer dans les hauteurs, mais il appréciait qu'elle mette momentanément sa hâte de côté pour parler de choses et d'autres. Elle émit alors une proposition qui intéressa vivement Devon. « Peut-être qu'on pourrait se confectionner quelques casiers pour vous faciliter la tâche, voir si y'a pas quelques crustacés à se mettre sous la dent, qu'est-ce que t'en dis ? » Il étira un petit sourire à l'intention de la jeune femme et répliqua : « J'en dis que c'est une très bonne idée. Et puis, ça apporterait un peu de variété aux repas. » Devon n'était pas fou des crustacés, mais il n'avait pas l'intention de faire la fine bouche, pas dans des circonstances comme les leurs.
Ils gagnèrent rapidement le hangar, où Devon put se débarrasser des filets, avant de demander à Juno de le suivre jusqu'à l'arrière du bâtiment, plaisantant en disant qu'il espérait qu'elle n'avait pas le vertige. « J'espère aussi », répondit Juno après un léger éclat de rire destiné au surnom que Devon venait de lui attribuer.
Lorsqu'ils furent enfin à l'arrière du hangar, Devon choisit de laisser Juno commencer, et il lui demanda d'abord comment elle comptait s'y prendre. Il était curieux de la voir faire, et puis, ça lui permettrait d'évaluer les points positifs et négatifs. L'escalade, sans protection, c'est-à-dire sans cordage pour s'assurer, était une activité périlleuse... mais Devon avait été formé à bon école, et puis, il était né pour ça. Grimper. Il ne se faisait pas de soucis. « Si j'étais Lara Croft, j'aurais déjà utilisé un pistolet grappin », plaisanta Juno. Devon croisa les bras en souriant, puis répondit : « Eh bien, faisons comme si ce pistolet avait été confisqué. » Un petit clin d’œil destiné à l'encourager, et il l'observait faire. Il la regarda s'armer de sérieux pour affronter la façade. « J'imagine que.... j'essaierais de trouver un point où m'accrocher et.. » Elle parvint à attraper une prise, et Devon demeura silencieux, attentif au moindre de ses mouvements. La première chute se révéla logique, mais il n'en dit rien, l'observant juste faire, de marbre. Les moqueries pouvaient frustrer, et il n'était pas de ceux qui aimaient enfoncer les débutants, les décourager. Juno se releva toutefois, pour recommencer. Une fois. Deux fois. Sans résultat autre que celui d'une chute. Comme elle restait au sol, sur son séant, Devon s'accroupit auprès d'elle. « Okay, j'en sais rien. Comment je dois m'y prendre ? » Pour toute réponse, Devon lui tendit la main, se releva tout en la remettant sur pied. Il frotta le bout de son nez de son index et déclara : « Pour commencer, ne fonce pas tête baissée. Pas si tu as le temps. Observe. » Devon se positionna face au mur et il leva son pied pour le poser sur un morceau de taule qui dépassait. « Ensuite, » continua-t-il, « ensuite, les prises. Mais il ne suffit pas de les trouver, assure-toi également qu'elles sont solides. » Son pied posé sur la taule jaugea la fiabilité de celle-ci, et quelques instants après, il s'appuyait dessus pour s'élever. Sa main gauche attrapa une autre prise, un boulon qui dépassait. Il jeta un regard à Juno dans son dos, puis se laissa tomba au sol pour ajouter : « Et ainsi de suite. » Il s'approcha d'elle et déclara en désignant la façade du regard. « Allez, réessaie. »

(c) AMIANTE